Survivante d’Auschwitz, elle aide ses patients traumatisés

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Déportée à 16 ans avec toute sa famille à Auschwitz, Edith Eger a survécu au camp et vit pleinement. « L’esprit ne meurt jamais », témoigne celle qui est devenue psychothérapeute. Elle raconte le parcours qui lui a permis de surmonter cette tragédie.

Elle est l’une des dernières survivantes à pouvoir témoigner de l’expérience de la Shoah. Edith Eger, déportée à l’âge de 16 ans dans le camp de concentration d’Auschwitz, raconte dans « Le Choix d’Edith », publié il y a deux ans, les épreuves inimaginables qu’elle a vécues dans sa jeunesse, et comment elle est parvenue à les transcender dans sa vie de psychothérapeute à l’écoute de patients traumatisés.

« Quand je suis arrivée à Auschwitz avec toute ma famille, au printemps 1944, j’ai vu l’inscription ‘Arbeit macht frei‘. Mon père a dit: ‘Ce n’est probablement pas un mauvais endroit, on va travailler et on rentrera à la maison’. Ce n’est pas ce qui s’est passé », témoigne dans l’émission Tout un monde de la RTS celle qui était invitée, cette semaine, par l’International Institute for Management Development (IMD) de Lausanne.

« Au bout de la file, il y avait un homme qui montrait la gauche ou la droite. Il a indiqué la gauche à ma mère ». Peu de temps après, elle demande à une « kapo » quand elle va pouvoir la revoir. « Ta mère brûle la-dedans. Tu peux parler d’elle au passé », lui répond-elle en pointant du doigt la cheminée.

Se pardonner d’avoir survécu

Quelques années plus tard, elle est de retour à Auschwitz. Affronter le passé, c’est un cheminement personnel qu’elle ne peut pas faire dans son cabinet de thérapeute aux Etats-Unis, explique-t-elle: « Je travaillais avec des vétérans du Viet-Nam, et soudain, j’ai eu le sentiment d’agir comme un imposteur avec ma blouse blanche et l’étiquette ‘Docteur Eger, département de psychiatrie’, alors qu’au fond de moi, en secret, j’avais une personne de 16 ans ».

« C’est à ce moment que j’ai décidé de retourner à Auschwitz, pour pouvoir reconquérir mon innocence et attribuer la honte et la culpabilité aux responsables« . Elle décrit ce voyage comme l’un des plus positifs qu’elle ait jamais fait, car il lui a permis de « se pardonner d’avoir survécu », sans faire disparaître tout symptôme de stress pour autant.

Quitter le statut de victime

« J’aime faire la différence entre le stress et la détresse« , précise Edith Eger. « Le stress, c’est bien, c’est ce qui me fait travailler. La détresse, c’est l’expérience d’Auschwitz. C’est quand on ne sait pas ce qui va arriver ».

Sa résilience, elle l’attribue à des choix fondamentaux que doivent faire les survivants de tragédies, notamment celui de quitter leur statut de victime, qu’elle juge optionnel. Pour autant, « il n’y a pas de pardon sans rage. Il faut passer par la rage! », martèle-t-elle, mais ne pas rester bloqué à ce stade. « Traverser la vallée de la mort, mais ne pas y camper« .

« L’un des dons les plus précieux de Dieu, c’est la mémoire. Je veux être sûre de faire tout ce que je peux pour que ça ne se reproduise plus », termine-t-elle en évoquant son récit, « un livre plein de larmes, qu’il m’a fallu une vie pour écrire », poignant et encourageant à la fois.

Sujet radio: Patrick Chaboudez

Adaptation web: Vincent Cherpillod

Source rts