Du 12 au 17 novembre 2020, la cité johannique organise la réédition de la manifestation qui devait se tenir en 1939. Un hommage à l’Orléanais Jean Zay, son promoteur qui l’envisageait comme une opération diplomatique pour contrer la Mostra de Venise passée sous la domination de la propagande fasciste et nazie.
La toute première édition du festival international du film annulée pour cause de guerre aura bien lieu. Elle se déroulera du 12 au 17 novembre à Orléans, 80 ans après. Un hommage à Jean Zay, l’un de ses principaux promoteurs de la manifestation. À l’époque, l’ancien ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-arts du Front populaire l’avait imaginé en 1939 comme une arme diplomatique pour contrer la Mostra de Venise qui était passée sous la domination de la propagande fasciste et nazie.
Mais à quelques jours de l’ouverture, prévue le 1er septembre 1939, alors que tout était fin prêt pour accueillir films et vedettes, sous la présidence de Louis Lumière et Jean Zay, la manifestation avait dû être annulée.La Seconde Guerre mondiale commençait.
Exécuté en 1944 par la milice après quatre ans de captivité, Jean Zay n’a jamais vu la concrétisation de son projet, puisque le premier «vrai» festival de Cannes n’a eu lieu qu’en 1946. D’où l’idée, née après son entrée en Panthéon en 2015, de lui redonner la paternité du festival international du film.
Retrouver le sens originel
«C’est un hommage, bien sûr, et c’est important pour la mémoire de mon père. Mais c’est aussi l’occasion de trouver le sens d’origine du festival, c’est-à-dire un geste de résistance avant l’heure, contre les régimes fascistes dont Jean Zay avait très tôt perçu le risque mortel», souligne sa fille, Hélène Mouchard-Zay, qui fait partie, avec sa sœur, du comité d’organisation.
Sur les 38 films qui devaient être présentés en compétition par «les pays libres», environ 25 seront projetés à Orléans. La sélection comptait notamment un très gros contingent de longs-métrages américains, car les États-Unis s’étaient fortement impliqués dans le projet.
Monuments du cinéma mondial
Ce festival sera donc l’occasion de voir ou revoir quelques monuments du cinéma mondial, comme Mr Smith au sénat de Franck Capra ou Elle et Lui de Leo McCarey, des curiosités françaises comme L’Homme du Niger ou La France est un empire, ou encore le dernier Hitchcock anglais, La Taverne de la Jamaïque.
«On est à la pêche aux droits. Pour certains films il y avait des diffuseurs en France, pour d’autres non. Et il y a des films que nous n’avons pas retrouvés, comme les films polonais, le film suédois, un des films hollandais ou un film soviétique», précise le critique et historien Antoine de Baecque, président du comité Jean Zay Cannes 39.
En contrepoint seront également programmés cinq films hors compétition, dont Alexandre Nevski d’Eisenstein, supprimé à la dernière minute de la sélection, en écho au pacte germano-soviétique, ou encore Les Dieux du stade de Leni Riefenstahl, couronné à la Mostra de Venise en 1938.
L’événement, auquel le «vrai» Festival de Cannes n’est pas associé, se veut tout autant cinéphile que festif. Il manquera bien sûr les stars de l’époque: Michelle Morgan, Louis Jouvet, Gary Cooper, Cary Grant, Barbara Stanwick et bien d’autres. Mais Cannes 39 à Orléans aura son tapis rouge, sa montée des marches, sa cérémonie d’ouverture, son palmarès, ses critiques, son bal et ses vedettes.
Le jury, quasiment constitué, devrait notamment réunir le réalisateur israélien Amos Gitai, le hongrois Lazlo Nemes, les réalisatrices françaises Pascale Ferran, Julie Bertucelli, et Virginie Linhart, ou encore l’écrivain Yannick Haenel. Il ne reste plus qu’à trouver le ou la président-e.