Henri Guybet, «Salomon» dans Rabbi Jacob, star de tout un village

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L’acteur, qui a notamment incarné le chauffeur de Louis de Funès dans « Les Aventures de Rabbi Jacob », vit depuis plus de 20 ans à Bouray-sur-Juine. Il anime ce samedi une rencontre autour du théâtre. Nous l’avons rencontré chez lui.

« Comment Salomon, vous êtes juif ? » Victor Pivert, alias Louis de Funès, regarde son chauffeur, stupéfait. « Et mon oncle Jacob qui arrive de New York, il est rabbin », lui rétorque Salomon, alias Henri Guybet, avec un sourire goguenard. « Mais il est pas juif ? », s’inquiète le chef d’entreprise raciste et antisémite, les yeux ronds. « Bah si ! »

À Bouray-sur-Juine, cette scène du film Les Aventures de Rabbi Jacob renvoie inévitablement au visage du « chauffire » de Louis de Funès. L’acteur de 82 ans s’est installé en 1993 dans ce paisible village du sud de l’Essonne. « Il est très sympa », assure Sylvie, en sortant du bar Le Selest, dans le centre-bourg. À l’intérieur du café, tout le monde connaît aussi « Salomon ». « On le voit souvent passer, quand il va à la boulangerie juste à côté », confirme Anaïs, la gérante de l’établissement. « Vous allez le voir chez lui ? Dites-lui qu’il passe boire un verre ici à l’occasion », enchérit Jean-Claude, accoudé au comptoir.

«Un Monsieur tout-le-monde»

Et le principal intéressé, qu’en pense-t-il ? Cet après-midi de la fin mars, il reçoit dans sa maison, à deux pas du Selest, au milieu des sculptures et des esquisses de sa femme artiste. « Les habitants sont adorables, affirme-t-il. Où je parle le plus avec eux, c’est peut-être au supermarché. Entre deux rayons, on échange. » Et pas question de causer films ou pièces. « On discute du temps et de tas d’autres choses, raconte-t-il, avec un large sourire. Je suis un « Monsieur-tout-le-monde » pour eux, quelqu’un de normal. »

Ce samedi, ce « Monsieur-tout-le-monde » délaissera la météo pour parler théâtre, au cours d’une rencontre qu’il animera dans le village. Un monde qu’Henri Guybet connaît comme sa poche. Car avant les plateaux, c’est sur les planches que tout a commencé pour le jeune Parisien.

Une mère couturière et résistante

Le déclic viendra, entre autres, de sa mère, couturière… et de ses activités de résistante pendant la Seconde Guerre mondiale ! « Elle m’emmenait très souvent au théâtre et au cinéma, raconte-t-il. Et à l’entracte, elle échangeait son programme avec quelqu’un. À l’intérieur, il y avait le descriptif de la mission. »

Le petit Henri, lui, aime déjà beaucoup « faire le clown ». Adolescent, il commence à prendre des cours d’art dramatique. Et fait tout un tas de petits boulots pour se les payer. « À 19 ans, j’ai tenté l’entrée au conservatoire de Paris, reprend-il. Mais j’ai été refusé. L’année suivante, il fallait que je parte servir la France avec un fusil. » Trente mois plus tard, le jeune comédien est engagé au théâtre national populaire (TNP), qui se trouve, à l’époque, au palais de Chaillot. Dirigé par Jean Vilar, il y joue tous les classiques. « C’est là que j’ai commencé à ne plus travailler, glisse-t-il. Mais à jouer. » Du Brecht, du théâtre de boulevard et même des numéros de cabaret.

Le passage au grand écran pour «changer de frigo»

Le cinéma arrivera un peu plus tard, par l’intermédiaire d’une pub. « C’était bien payé et j’avais besoin de changer de frigo », sourit l’acteur, qui n’a rien perdu de sa malice. Or, le réalisateur du spot publicitaire est un certain Georges Lautner. Il recrute alors Henri Guybet dans son prochain film : Il était une fois un flic. La carrière d’acteur du futur « Salomon » est lancée. Gérard Oury, le réalisateur des Aventures de Rabbi Jacob le repère d’ailleurs dans un film de Lautner.

« Vous êtes juif ? C’est la première question qu’il m’a posée, se souvient Henri Guybet. Non ? On peut arranger ça très vite, m’a-t-il dit. Et il m’a mis entre de bonnes mains pour travailler les quelques répliques en Hébreux que j’avais. » En 1973, à la sortie du film, Henri Guybet est pourtant loin d’imaginer les 7 millions d’entrées et les dizaines de rediffusion télé de cette comédie culte. « À l’époque, je ne savais pas que 40 ans après on m’appellerait encore Salomon », s’amuse le « chauffire » de Louis de Funès. « Le problème, c’est qu’après on ne me proposait que des rôles de chauffeur », plaisante l’acteur qui a désormais plus d’une cinquantaine de films à son actif

Une liste qui continue à s’allonger. Après Les Vieux Fourneaux aux côtés d’Eddy Mitchell l’année dernière, Henri Guybet vient de tourner dans Le Dindon, un film de Jalil Lespert qui sortira dans les prochains mois.

Mais son actualité est surtout sur les planches, avec Un drôle de mariage pour tous, une pièce qu’il a écrite, mise en scène et qu’il jouera à partir du 17 avril, au théâtre Daunou à Paris. La suite ? « Il faut que je pense à écrire la prochaine ! » Car Henri Guybet ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. « Il y a deux choses qui me passionnent dans la vie, assure-t-il. C’est moteur et lever de rideau.