Mort de Rafi Eitan, l’agent du Mossad qui avait enlevé Eichmann

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L’ancien espion israélien Rafi Eitan, chef du commando ayant capturé Adolf Eichmann, héros des services de renseignements de l’Etat d’Israël, est décédé samedi à l’âge de 92 ans.

L’ancien espion israélien Rafi Eitan, chef du commando ayant capturé en Argentine en 1960 Adolf Eichmann, un des principaux responsables de la «solution finale», est décédé samedi à l’âge de 92 ans en Israël, a annoncé la radio publique israélienne. M. Eitan est mort samedi après-midi à l’hôpital Ichilov à Tel-Aviv, ville côtière israélienne, selon la radio publique qui n’a pas donné plus de détails. «Rafi était l’un des héros des services de renseignements de l’Etat d’Israël, avec d’innombrables actions en faveur de la sécurité d’Israël», a déclaré dans un communiqué le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. «Nous pleurons sa mort».

La mort de M. Eitan a également suscité un rare éloge funèbre du service de sécurité intérieure israélien, le Shin Bet. «Rafi, qui était l’un des fondateurs de la branche opérationnelle du Shin Bet, a mené et a participé à une dizaine d’opérations historiques qui resteront secrètes encore pour de nombreuses années», a affirmé dans un communiqué Nadav Argaman, à la tête du Shin Bet. M. Eitan était «un combattant-né qui s’en tenait à sa mission et à ce qu’il considérait comme juste», a aussi salué dans un communiqué le président israélien Reuven Rivlin.

Digne d’un roman à suspens

La mort de l’ancien espion a également poussé les services secrets israéliens à sortir de leur habituel silence: Rafi Eitan «était de manière générale un pilier de la communauté des membres du renseignement et du Mossad en particulier», a déclaré le chef du Mossad, Yossi Cohen, dans un communiqué. «Les fondements posés par Rafi pendant les premières années de l’Etat (hébreu) sont essentiels pour les activités du Mossad aujourd’hui encore», a-t-il affirmé.

Né en novembre 1926 dans un kibboutz dans une Palestine alors sous mandat britannique, M. Eitan a participé à ses premières opérations militaires avant même la naissance de l’Etat d’Israël, en 1948. Il rejoint ensuite le Palmach, branche d’élite de l’organisation paramalitaire juive Haganah, qui préfigure l’armée israélienne. Il intègre ensuite le Mossad dans les années 1950.

« Une dizaine d’opérations historiques »

Petit, la vue basse et dur d’oreille, il est à mille lieues de l’image de l’espion des années 1950. Devenu sous-directeur des opérations, il participe à la traque des criminels nazis en fuite.

Le livre « La disparition de Josef Mengele » d’Olivier Guez a remis en tête ou appris aux plus jeunes combien cette chasse aux séides d’Hitler ou du nazisme avait été compliquée par les relations diplomatiques entre vainqueurs ou perdants de la Seconde Guerre mondiale, par les informations contradictoires envoyées régulièrement par leurs familles ou leurs soutiens, autant et encore les dispositifs de protection mis en place par certains pays d’Amérique du Sud. Dont l’Argentine, où Eichmann avait trouvé refuge quand certains le disaient reclus dans un pays arabe.

Le 11 mai 1960, soit quinze ans après la guerre, et trois ans après avoir été repéré, le haut fonctionnaire nazi est enlevé en pleine rue de Buenos Aires par le commando Attila. Après avoir été séquestré dans une cave, il est vêtu d’un uniforme d’El Al, la compagnie d’aviation israélienne. Un avion a exceptionnellement fait le voyage en Argentine pour transporter une délégation de l’Etat hébreu aux commémorations du 150e anniversaire de l’indépendance argentine. Au nez des autorités locales, les espions du Mossad prennent le vol retour, en se faisant passer pour des membres d’équipage. Avec eux, Eichmann, drogué, est présenté comme malade.

Il décrira plus tard son sentiment lors de la capture. « Vous le frappez à l’épaule droite, vous tournez l’épaule gauche vers vous, vous bloquez la tête à deux mains et vous le traînez. J’ai commencé à sentir les cicatrices » mentionnées dans son dossier médical. « Puis j’ai réalisé. Dans mon cœur, j’ai chanté la chanson des partisans ». En 1962, Eichmann est jugé et pendu pour sa responsabilité dans l’extermination de six millions de juifs lors de la Seconde Guerre mondiale.

Outre son rôle dans l’enlèvement d’Adolf Eichmann, Rafi Eitan est connu pour avoir été l’agent traitant de Jonathan Pollard, un analyste de la Marine américaine arrêté en 1985 et emprisonné aux Etats-Unis pendant 30 ans pour espionnage au profit d’Israël.

Pour mener à bien ses missions, il fit travailler un ancien nazi, Otto Skorzeny, pour mettre un terme au programme scientifique, confié par l’Égypte à d’anciens ingénieurs du Reich, pour déployer des fusées face à Israël. Il aurait également collaboré à la disparition de Mehdi Ben Barka, opposant marocain dont l’enlèvement, près de la brasserie Lipp, à Paris, n’a jamais été clairement expliqué.

En 2006, à l’âge de 79 ans, Rafi Eitan avait été élu au Parlement et pris la tête du Gil, le Parti des Retraités, avant de devenir ministre des Retraites (2006-2009).

Avec lessentiel et leparisien