Meurtre de Sarah Halimi : suspect « irresponsable », procès ou pas ???

Abonnez-vous à la newsletter

Une nouvelle expertise psychiatrique du meurtrier présumé conclut à son « irresponsabilité pénale ». L’homme a battu puis défenestré Sarah Halimi le 4 avril 2017.

La perspective d’un procès s’éloigne pour le meurtrier présumé de Sarah Halimi, cette femme de 65 ans suppliciée et défenestrée de son appartement du XIe arrondissement le 4 avril 2017. Selon nos informations, les experts psychiatres qui se sont penchés une troisième fois sur le cas de Kobili Traoré ont estimé qu’il n’était « pas, actuellement, accessible à une sanction pénale ». Sans le dire aussi explicitement, ils considèrent que son discernement était aboli au moment des faits.

Le décès de cette retraitée avait provoqué une vive émotion en raison de la nature des faits et de la religion de la victime – Sarah Halimi est juive orthodoxe – et la justice avait finalement retenu le caractère antisémite de l’acte. C’est la seconde expertise à conclure à une irresponsabilité pénale tandis que le premier psychiatre qui avait examiné Kobili Traoré avait considéré que son discernement était simplement altéré. C’est à la juge d’instruction qu’il appartient désormais de renvoyer le suspect devant la cour d’assises ou de prononcer un non-lieu psychiatrique.

Le soir des faits, Kobili Traoré, dont l’état de santé s’était dégradé depuis plusieurs jours, avait roué de coups sa victime tout en récitant des sourates du Coran et en s’exclamant « J’ai tué le sheitan » (NDLR : le démon en arabe). Dans leurs conclusions dont nous avons pris connaissance, les docteurs Pascal, Guelfi et Coutanceau indiquent que le jeune homme de 29 ans présentait « une bouffée délirante aiguë d’origine exotoxique » (c’est-à-dire provoquée par un agent toxique extérieur, en l’occurrence le cannabis dont il était un très gros consommateur).

« Pas de capacité de sélectionner sa victime »

Partant de là, ils précisent dans une formule alambiquée que ce diagnostic oriente « plutôt classiquement vers une abolition du discernement […] compte tenu qu’au moment des faits son libre arbitre était nul et qu’il n’avait jamais présenté de troubles antérieurement ». Ils précisent également qu’il n’aurait pas choisi sa victime à dessein : « Il n’y a pas, a priori, de capacité de sélectionner sa victime dans une bouffée délirante aiguë. Seule compte la réalité délirante. » Ce qui, en creux, semble écarter le choix délibéré de s’en prendre à une femme de confession juive.

En juillet dernier, les docteurs Bensussan, Meyer-Buisan et Rouillon avaient très clairement indiqué que Kobili Traoré était « inaccessible à une sanction pénale ». Ils avaient pour leur part considéré que ce dernier souffrait « d’un trouble psychotique chronique […] faisant suite à un épisode délirant aigu inaugural ».

En septembre 2017, le docteur Roland Zagury, le premier expert nommé par la juge d’instruction, avait comme ses confrères conclu à une « bouffée délirante aiguë ». Mais il n’en avait pas tiré les mêmes conséquences. « En dépit de la réalité indiscutable du trouble mental aliénant, l’abolition du discernement (NDLR : et donc son irresponsabilité pénale) ne peut être retenue du fait de la prise consciente et volontaire régulière du cannabis en très grande quantité », concluait-il.

Un nouveau coup dur pour la famille de la victime

Contacté, Me Thomas Bidnic, l’avocat de Kobili Traoré, ne se dit « pas surpris » par les conclusions de cette nouvelle expertise. « Nous avons toujours dit que mon client n’était pas responsable de ses actes », insiste le pénaliste. Pour les parties civiles en revanche, ce rapport est un nouveau coup dur. « Cette instruction est menée depuis le départ en dépit du bon sens, se lamente Me Gilles-William Goldnadel, l’avocat de la sœur de la victime. J’ai du mal à comprendre comment les experts sont parvenus à de telles conclusions. »

Interné d’office après son acte, Kobili Traoré séjourne actuellement à l’unité pour malades difficiles (UMD) de Villejuif (Val-de-Marne).

Me Francis Szpiner : « Je continue à espérer qu’il y aura un procès »

Me Francis Szpiner est l’avocat des enfants de la défunte. « Cette expertise nous surprend. Le premier expert avait indiqué que la prise de drogue, qui fait office de déclencheur de la bouffée délirante, était un acte volontaire. Il avait donc conclu à la responsabilité pénale du suspect. Les conclusions du dernier collège d’experts sont donc, selon nous, très contestables.

À partir du moment où tous les experts ne sont pas d’accord, je pense que c’est à la juridiction de jugement, en l’occurrence à la cour d’assises, de se prononcer et de trancher. En dépit des conclusions de cette troisième expertise, je continue à espérer qu’il y aura un procès. C’est à la juge d’instruction qu’il appartient de se prononcer. Et même si elle rend une ordonnance de non-lieu, nous ferons bien évidemment appel. »

Source leparisien