« Je suis juive, et alors ? » , lâche Elsa Moszer , lycéenne de 18 ans. Elle ne comprend pas comment il est
« encore possible d’entendre des insultes antisémites » en 2019, en référence à
celles essuyées par le philosophe Alain Finkielkraut, samedi 16 février. Et
l’affaire n’est pas isolée : des arbres autour de la tombe d’Ilan Halimi ont été sciés, des croix gammées dessinées sur des boîtes aux lettres où figurent le visage de Simone Veil, ancienne ministre rescapée des camps de la mort… Ces actes antisémites
ont augmenté de 74% en France en 2018 , selon le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner.
Comment vit-on aujourd’hui quand on est jeune et de confession juive en France ? Pour le savoir, franceinfo a recueilli le témoignage de plusieurs personnes, âgées de 18 à 26 ans . Ces jeunes femmes et hommes nous ont raconté comment ils vivaient leur religion ou leur culture, ou encore simplement comment ils se sentent en France.
Dans la pratique de la religion, chacun affiche des sensibilités différentes. « Je suis né dedans », explique Axel Podembski, lycéen de 18 ans . Issu d’une famille qu’il qualifie de « plutôt ouverte », il assure qu’il a toujours pu« discuter de tout avec ses parents, même quand ils avaient des désaccords sur le plan religieux. Le fait de ne pas sortir le vendredi soir, c’était un débat » , ajoute-t-il en souriant. Selon les principes de la religion juive, ce soir-là, il faut rester à la maison. Pour Elsa Moszer, tout juste majeure, c’est une « occasion de se retrouver en famille. »
Pour Shirel Shimoumy, 20 ans et employée dans une société de communication, la situation était plus compliquée : « J’ai été élevée dans l’idée qu’il ne faut pas montrer qu’on est juif » , confie la jeune fille qui a grandi à Sarcelles (Val-d’Oise), dans une banlieue parisienne où la communauté juive est importante. Scolarisée dans une école juive pendant toute son enfance, elle n’était « jamais sortie de son cocon » avant d’intégrer la Sorbonne nouvelle, à Paris, il y a deux ans.
Elle explique avoir été choquée lorsqu’elle a été victime pour la première fois d’une agression verbale antisémite lorsqu’elle était au collège. Elle sortait de l’école juive avec une amie, un vendredi soir. « A ce moment, les rues du quartier se vident car c’est Shabbat » , relate-t-elle. Deux garçons ont alors sauté sur les jeunes femmes pour leur voler leurs téléphones portables, en lançant « T’es juive, t’es riche, tu vas pouvoir t’en acheter un autre ! »
Car le plus difficile, selon ces jeunes, reste les remarques dans la vie quotidienne, souvent en soirée. Des insultes antisémites par rapport à un prétendu physique « de juif », Axel en entend souvent : « Quand on me demande de quelle religion je suis, on me dit ‘C’est marrant, t’as pas une tête de juif’. » « Tu en penses quoi, de la politique de Nétanyahou ? Parce que c’est chez toi » , a aussi demandé un garçon à Emma, qui l’a mal vécu : « Chez moi, c’est la France. »
Face à ces attaques, certains ont même déjà envisagé de quitter leur pays . « Si l’extrême droite arrive au pouvoir, on en a déjà parlé avec mes parents, de déménager en Israël » , explique Elsa. Shirel, elle, a déjà tenté l’expérience : « J’avais besoin de partir juste pour voir ailleurs, je ne supportais pas cette ambiance, ça me pesait », avoue-t-elle. Après son année de terminale, elle est partie, direction Israël. « J’ai une culture juive et française, la France me manquait « , explique-t-elle pour justifier son retour.