Israël a été bâti par les pionniers ashkenazim puis a intégré du mieux possible des vagues de sefaradim pauvres et pas éduqués : voici l’histoire officielle de l’état juif.
J’ai lu cette semaine deux ouvrages de Matti Friedman qui éclairent d’un jour nouveau cette alyah séfarade trop souvent dénigrée. Pour moi, tunisienne et donc séfarade assumée et fière de l’être, c’était une lecture attendue depuis bien longtemps.
Espions de nulle part
Le premier, « Espions de nulle part », raconte l’histoire de quatre de ces « juifs arabes », qui, lors de leur arrivée en Israël furent recrutés par le Palmach pour former la « section arabe ». Leur rôle : s’infiltrer dans les pays arabes, et c’est pour cela qu’on les surnommait mista’arvim, « ceux qui passent pour des Arabes ».
Plutôt que de vous en dire davantage sur ce livre, je préfère vous citer un passage qui me paraît résumer son intérêt : « L’Etat qui est devenu le pays des espions et de leurs descendants, et aussi le mien, paie encore aujourd’hui le prix de l’erreur commise à sa création, peut-être la plus grave – il a repoussé les juifs orientaux en marge de la société et de l’histoire nationale. Les gens qui ont entrepris de forger un état juif au Moyen Orient auraient dû comprendre que les juifs de la région étaient un atout précieux et pas seulement dans le domaine du renseignement. Les nouveaux venus auraient pu être invités à devenir des partenaires à part entière dans la création de cette société inédite mais ce ne fut pas le cas ». L’auteur développe longuement cette idée en conclusion de son ouvrage, et revient sur la gravité des erreurs de jugement qui ont pesé et pèsent encore sur les juifs séfarades.
Le codex d’Alep
C’est pour cela que dès que j’ai fermé ce livre, j’ ai immédiatement démarré la lecture de l’autre ouvrage de Matti Friedman, « Le codex d’Alep« .
Le fil conducteur de l’histoire est celle de ce fameux codex, nommé aussi « La Couronne » et de ses tribulations, en terre d’Israël. Construit comme un thriller, il ne tolère pas qu’on en dévoile l’histoire à proprement parler, mais il faut au contraire parler de ce qu’il dévoile en arrière plan : le pillage du patrimoine religieux et culturel des juifs d’orient arrivés en Israël. On les trouvait arriérés, mais on savait la valeur immense de leurs objets de cultes qui avaient fait le voyage avec eux. Et c’est pour cela que leurs biens leur ont été dérobés en toute impunité en Israël, pour des musées, ou pour des collections personnelles. Ainsi en marge de son enquête, Matti Friedman évoque rapidement le cas des yéménites : « Ces juifs laissèrent tout derrière eux mais pas leurs livres. Pour la plupart il s’agit de codex et de rouleaux manuscrits. Beaucoup d’un âge respectable. Au camp on demande aux yéménites de les déposer auprès des employés qui les expédieront en Israël par voie maritime. Or de nombreux membres de cette communauté n’ont plus jamais revu les ouvrages qu’ils possédaient. » Spoliation organisée par les autorités et toutes les réclamations ont bien sur été vaines.
Alors pour vous confirmer dans votre idée que quelque chose a foiré, lisez ces deux livres, écrits par un ashkenaze pur jus à qui je tire mon chapeau!!
Line Tubiana