Delphine Horvilleur, la rabbine et la mort

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Dans «Euh… Comment parler de la mort aux enfants», Delphine Horvilleur interroge les non-dits des parents sur ce sujet tabou.

En réalité, on n’apprendra pas vraiment Comment parler de la mort aux enfants à la lecture du dernier livre de Delphine Horvilleur«Nous sommes juste avant Pessah, la Pâque juive. Selon la tradition, les parents doivent raconter la sortie d’Egypte aux enfants. Or, ils n’ont pas le droit de raconter l’histoire tant que des enfants n’ont pas posé la question. […] En hébreu, cela s’appelle le Ma Nishtana (“qu’y a-t-il de changé ?”)», dit la rabbine au Monde. Mais quand il s’agit de répondre à leurs questions sur la mort, les adultes se trouvent bien démunis car ils n’ont eux-mêmes pas de réponses. Dépassant le cadre classique du guide, l’autrice interroge cette impuissance des parents et ce tabou plus qu’elle n’apporte de solutions pratiques. Elle s’était déjà intéressée à cette angoisse existentielle dans Vivre avec nos morts (Grasset, 2021), adapté en série en mars dernier. La mort nous cerne.

Que se passe-t-il après «ils vécurent heureux» ?

«Finalement, l’un puis l’autre moururent sur un brancard dans un couloir des Urgences parce qu’il n’y avait pas ce jour-là de lits disponibles au service gériatrie de l’hôpital public.» Effectivement, il est difficile de donner cette explication à un enfant sans le traumatiser. A la place, on botte en touche, on utilise des métaphores. On chuchote pour «cacher un peu de cette vérité que tout enfant devra pourtant apprendre : tout le monde meurt, les mères, les biches et même les héros». Mais en voulant protéger les plus jeunes, les adultes provoquent l’inquiétude. Delphine Horvilleur se rappelle des questions d’un petit garçon ayant perdu son frère et dont les parents ne parlaient qu’en euphémismes : «Dis-moi pourquoi ils affirment que demain on va l’enterrer, et pourquoi ils disent aussi que, maintenant, il est au ciel. Ça n’a aucun sens ! Comment peut-il être à la fois sous la terre et dans les airs. Il faut se décider à la fin».

Comment expliquer ce tabou ?

Delphine Horvilleur avance plusieurs hypothèses. S’agit-il de croyances et de traumatismes ? Elle raconte que sa famille refuse catégoriquement que les plus jeunes n’entrent dans un cimetière. «Dans l’histoire juive, c’est un fait : les parents ont très souvent eu à s’inquiéter pour la sécurité de leurs enfants, et ce, à chaque époque ou presque. Les superstitions dont ils ont hérité n’en sont que la mémoire vive.» Ou bien est-ce lié à un héritage religieux ? Aucun des trois monothéismes n’apporte de réponse claire et unanime sur la mort. «Dans la Bible, un mot troublant désigne le lieu mystérieux où se trouvent les morts. Cet endroit est appelé Sheol, ce qui signifie en hébreu “la question”.» On ne sait littéralement pas où vont les défunts. En même temps, «peu de gens parfaitement décédés sont revenus d’outre-tombe».

La mort est-elle l’envers de la vie ?

«Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent : la vie n’est pas ce qui s’oppose à la mort, mais c’est ce qui inclut la mort en elle, et ce qui compose avec elle.» Pour Horvilleur, la seule manière de «parler de la mort» semble d’en accepter la présence à chaque étape de la vie. Disons que les deux choses s’entremêlent.

Delphine HorvilleurEuh… Comment parler de la mort aux enfants. Grasset-Bayard, 108 pp., 14,90 € (ebook : 10,99 €).

par Maïa Sieurin

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