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Des villas Art déco, un stade de rugby, des vases de grès bleu, un jardin botanique : des stations Porte de Saint-Cloud à Pont de Sèvres, l’extrémité ouest de la ligne 9 réserve mille et une surprises à proximité de la Seine.
La rue du Belvédère, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), dégage un charme presque londonien. A dix minutes de marche de la station Porte de Saint-Cloud, desservie par la ligne 9 du métro parisien, les maisons mitoyennes affichent chacune la signature d’un architecte renommé. Conçue par André Lurçat, une résidence-atelier d’artiste (1927), à la façade uniformément blanche, épouse la courbe de la voie. Les colonnes en béton armé et les larges fenêtres symétriques d’une élégante villa (1929), qui rappellent les rues monumentales du Havre, trahissent la patte d’Auguste Perret. Au bout de la rue, on doit à Jean Hillard une série de cinq maisons en brique, pierre et ardoise (1935).
Le long de l’avenue Robert-Schuman, les toitures pentues et les hautes fenêtres à meneaux d’une villa (1928) conçue par Jean-Léon Courrèges signent le style dit « régionaliste », qui s’inspirait, dans la première moitié du XXe siècle, des maisons de campagne. André Malraux a logé, de 1945 à 1962, dans le duplex doté de grandes pièces de réception. En face, une construction (1930) de Louis Faure-Dujarric se caractérise par une certaine asymétrie et les baies vitrées de son immense salle de musique.
Le « parcours des années 1930 », dans ce quartier opulent de Boulogne, peut être suivi grâce à de jolies plaques émaillées accrochées aux grilles des immeubles. Deux autres segments, tout aussi passionnants quoique plus éloignés du métro, complètent la découverte architecturale de la ville.
La ligne 9, l’une des plus longues du réseau avec ses 19,6 kilomètres de longueur et ses 37 stations, a été prolongée jusqu’à Boulogne-Billancourt en 1934, ce qui constituait alors la première incursion du métro parisien en banlieue. Près de la porte de Saint-Cloud, presque à cheval sur le périphérique, le Parc des Princes aux immenses portiques en béton voisine le stade Jean-Bouin, temple du rugby, à l’allure presque légère avec son toit ajouré. Le quartier abrite la célèbre piscine Molitor aux murs moutarde, désormais propriété d’un hôtel de luxe. Du lobby, on aperçoit le bassin entouré de balustrades blanches et de cabines aux portes bleues.
Il faut s’enfoncer dans Boulogne pour rallier, à cinq minutes à pied de la station Marcel-Sembat et à côté de l’hôtel de ville Art déco inauguré en 1934, deux musées où l’on se bousculera beaucoup moins qu’au Grévin, lui aussi desservi par la ligne 9. La collection du sculpteur Paul Landowski (1875-1961), auteur du Christ rédempteur qui domine la baie de Rio de Janeiro, occupe le dernier étage de la médiathèque qui porte le nom de l’artiste. Dans son atelier sis à Boulogne, Paul Landowski concevait des œuvres monumentales et éclectiques d’inspiration chinoise, cambodgienne ou arabe.
Cela fait longtemps que Boulogne-Billancourt n’est plus le bastion des travailleurs des usines Renault. Dans les passages autrefois industrieux qui mènent doucement vers la Seine, on devine d’anciennes maisons d’ouvrier transformées en repaires bohèmes garnis de microterrasses et de petits jardins. Seule la cité du Pont-de-Sèvres, avec ses immeubles à 16 étages datant des années 1970, rappelle le Billancourt populaire.
Collines arborées
Vue du pont qui enjambe le fleuve, frontière naturelle entre la ville dense et les collines arborées des Hauts-de-Seine, la métamorphose du quartier est flagrante. La sphère vitrée de la Seine musicale domine l’île Seguin, où se tenait jusqu’en 1992 l’usine Renault. Des passerelles strient le fleuve en tous sens tandis que sur la rive droite, la tour Horizons, prouesse de 19 étages que l’on doit aux Ateliers Jean Nouvel, donne l’impression que trois bâtiments disparates ont été entassés les uns sur les autres. Il ne subsiste du complexe automobile qu’un portail en briques jaunes surmonté du mot « Renault ».
L’avènement d’un « écoquartier dynamique, novateur et agréable à vivre », comme on peut le lire dans la petite exposition à la gloire de la métamorphose qui se tient dans un bâtiment de la rive droite, n’est pas terminé. Sur le pont, une immense inscription vante la future station de la ligne 15 du Grand Paris Express, promise pour 2026 : « Préparez-vous à aller plus vite ».
A l’écart de l’intense activité du futur hub, le Musée national de la céramique, à Sèvres, affiche la sérénité des bâtiments qui ont traversé les siècles. Derrière une grille en fer forgé et une cour pavée, cet imposant palais jouxte la manufacture, où le four à céramique fonctionne toujours.
Au premier étage du musée, dans la salle où fut signé le traité de Sèvres du 10 août 1920 qui acta le démantèlement de l’Empire ottoman, on déambule entre des vases de plusieurs mètres de haut. L’histoire de la porcelaine européenne commence au début du XVIIIe siècle, apprend-on, lorsque les Européens, fascinés par ce matériau venu de Chine, cherchent à l’imiter.
Meublant les grands espaces aux larges fenêtres, où le parquet grince sous les pas des visiteurs, les vitrines présentent des productions provenant des hauts lieux de la céramique : Nevers, Rouen, Delft (Pays-Bas), Savone (Italie) ou Meissen (Allemagne). Le rayonnement international des services de table est précisément décrit, ainsi que la fonction pédagogique des assiettes représentant des villes, des paysages, des métiers ou des événements historiques.
Aux bonbonnières, vases de grès bleu, fontaines et moutardiers succèdent bientôt des œuvres et des bijoux du XXIe siècle, aux couleurs et aux formes modernisées. Au dernier étage, une exposition (jusqu’au 10 mars) fête les 200 ans du musée, à partir de ses abondantes réserves. Parmi les pièces inattendues figure la reproduction grandeur nature en céramique du traîneau de l’explorateur polaire Paul-Emile Victor (1907-1995), des jetons en porcelaine ou des mugs sur lesquels sont inscrits les prénoms « Carla » et « Nicolas » (Sarkozy). Au rez-de-chaussée du bâtiment, un atelier permet de se familiariser avec le processus de la production de Sèvres.
Le parc de Saint-Cloud prolonge naturellement cette escapade à portée de métro. Au-dessus de la prairie où se tient le festival Rock en Seine à la fin de l’été, les chemins montent à travers les arbres jusqu’à la terrasse de l’ancien château, puis dans le jardin du Trocadéro, où s’ouvre une vue exceptionnelle sur l’Ouest parisien. Le panorama inclut le fleuve, le bois de Boulogne et Meudon, et même la butte Montmartre ou les hauteurs de Villejuif (Val-de-Marne). Et si, plutôt que de repartir en métro, on prenait le tramway ? Le T2, aux rames vertes ou bleues, suit les rives de la Seine. Autre possibilité : parcourir à pied le chemin de halage jusqu’à l’île Saint-Germain, à Issy-les-Moulineaux, en longeant des péniches habitées.
La si belle Table de Cybèle
Créé il y a douze ans, le restaurant La Table de Cybèle a été mis, depuis 2022, sous perfusion potagère. La patronne, Cybèle Idelot, a d’abord tenté de créer un jardin sur le toit de l’immeuble qui abrite son restaurant, mais la greffe n’a pas pris. Elle a donc décidé d’acheter un terrain sain de 1 hectare et demi à Gambais (Yvelines), où elle fait pousser des fruits et légumes en permaculture. Cette manne végétale nourrit à la fois un établissement gastronomique sur place (Ruche) et sa table à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Résultat : une carte très verte dont près de la moitié des plats sont végétariens.
En entrée, un carpaccio de navets est rendu absolument croquant par des bris de noisettes et des mini-morceaux de granny-smith. Puis un risotto d’épeautre parsemé d’une foule de légumes rôtis, évidemment de saison (carottes, salsifis, etc.) s’accompagne de pleurotes lacto-fermentées, ajoutant une pointe d’acidité. C’est beau, c’est bio, et surtout c’est bon. Ces ingrédients très modestes déterrés le jour même ou la veille par sa brigade retrouvent toute leur noblesse. Formules le midi à 29 euros (entrée-plat ou plat-dessert) et 36 euros (entrée-plat-dessert).
La Table de Cybèle, 38, rue de Meudon, Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).
Par Olivier Razemon
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