
Le chroniqueur de CNews comparaît devant la cour d’appel de Paris pour avoir affirmé que le maréchal Pétain aurait aidé à sauver les Juifs français entre 1939 et 1945. Des propos calomnieux, une vraie fake news : la preuve par quatre.
Éric Zemmour est de nouveau devant la justice. Il comparaît ce 12 février devant la cour d’appel de Paris pour « contestation de crime contre l’humanité ». En cause : des propos de 2019 sur CNews, où il avait assuré que le maréchal Pétain avait sauvé des Juifs français. La Cour de cassation avait cassé la relaxe dont il avait bénéficié à deux reprises dans cette affaire (en 2021 et 2022).
Entre le printemps 1942 et l’été 1944, soixante-quinze mille Juifs environ furent déportés de France – dont une large majorité d’étrangers. C’est nettement moins que dans les autres pays européens. Si des Juifs français, quoique menacés, ont pu échapper à la déportation, c’est parce qu’ils connaissaient bien ce pays dans lequel ils vivaient depuis des générations, qu’ils étaient totalement intégrés au tissu social, qu’ils ont donc pu se cacher, bénéficiant parfois de l’aide de leurs compatriotes. À partir de 1942, année des grandes rafles mais aussi du port obligatoire de l’étoile jaune pour les Juifs à partir de l’âge de 6 ans, la population, choquée, commencera à se retourner contre la politique de collaboration menée par Vichy. Les prises de parole très fortes d’hommes d’Église, comme l’archevêque de Toulouse, Mgr Saliège, contribueront aussi à la prise de conscience.
Quoi qu’en dise Éric Zemmour (et avant lui, d’autres zélateurs de Philippe Pétain), les historiens s’accordent sur ce point : les Juifs français qui n’ont pas été déportés ne doivent pas leur salut au maréchal qui dirigeait la France. S’il ne décida en rien de la Solution finale (décision bel et bien allemande), Vichy collabora avec l’occupant, allant parfois plus loin que ce que celui-ci lui demandait. Illustration en quatre actes majeurs.
Les dénaturalisations
22 juillet 1940 Douze jours après que l’Assemblée nationale a voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain – et un mois après la signature de l’armistice –, le gouvernement de Vichy décide de revoir, et possiblement d’annuler toutes les naturalisations accordées depuis 1927. Bien que non expressément visés, les Juifs (français, donc) seront sur-représentés parmi ceux qui se retrouvent soudain apatrides : environ sept mille sur quinze mille, selon l’état actuel des connaissances. Ils seront, aux côté des Juifs étrangers, les premières cibles des arrestations et internements décidés par les Allemands et auxquels Vichy collabore.
Par ailleurs, en octobre suivant, le décret Crémieux de 1871 est abrogé. Il avait fait des Juifs d’Algérie des citoyens français. Ils redeviennent des « indigènes ».
Le statut des juifs
18 octobre 1940 Promulgation d’un décret-loi signé par le maréchal Pétain, Pierre Laval et huit ministres du gouvernement français. Il impose une définition biologique de qui est juif (« toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de la même race si son conjoint lui-même est juif »), et indique une série de professions qui leur sont désormais interdites : l’administration, la magistrature, l’enseignement, les postes à responsabilité militaire, etc. Professions ouvertes aux seuls nationaux – ce qui montre bien que le statut vise les Juifs français. Ils ne peuvent pas non plus écrire dans les journaux (hormis dans des publications scientifiques), travailler dans le cinéma, le théâtre, la radio. Le texte précise que des quotas seront établis pour les professions libérales, ainsi que des règles qui « détermineront les conditions dans lesquelles aura lieu l’élimination des Juifs en surnombre ». Des dérogations pourront être accordées à celles et ceux qui ont rendu « des services exceptionnels à l’État français » – ce sera le cas de l’historien Marc Bloch, ancien combattant décoré de la Première Guerre mondiale.
Le recensement
2 juin 1941 Vichy ordonne un recensement des Juifs, y compris français, sur tout le territoire – complétant un premier recensement édicté par les autorités allemandes l’année précédente, en zone occupée. Tous les Juifs ont désormais l’obligation de se rendre en mairie et de se déclarer, en précisant leur adresse. Des fichiers seront constitués sur tout l’Hexagone, ils serviront aux arrestations. En même temps est promulgué un deuxième statut des Juifs ; la liste des professions qu’on leur interdit s’allonge.
La rafle du Vél’ d’Hiv
16 et 17 juillet 1942 La rafle (de Juifs étrangers) est demandée par le IIIe Reich mais elle est organisée et exécutée par l’État français, qui va au-delà des demandes allemandes en arrêtant aussi les enfants : environ quatre mille – en plus de neuf mille adultes. Or la plupart de ces enfants sont français. Ils mourront en déportation. En 1995, le président Jacques Chirac reconnaîtra la responsabilité de l’État français dans la rafle du Vél’ d’Hiv, et la déportation des Juifs de France, étrangers ou non, affirmant : « Nous conservons à leur égard une dette imprescriptible. »
Poster un Commentaire