Donald Trump, l’iconoclaste de Gaza

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La proposition du président américain contraint les États arabes à se montrer créatifs sur la question palestinienne.

Il est aisé de discréditer l’idée de Donald Trump de transformer la bande de Gaza en « Côte d’Azur du Proche-Orient ». Elle est peu réaliste et sa mise en œuvre serait un casse-tête. Et pourtant, elle mérite d’être considérée, car le président américain met le doigt sur un double problème : la nécessité d’offrir un avenir aux Palestiniens et l’impératif de les faire sortir des griffes du Hamas.

Après seize mois de guerre, la bande de terre de 365 km2 (dix fois plus petite qu’un département français de taille moyenne) est quasiment inhabitable. Les deux tiers des bâtiments sont détruits ; des tonnes de bombes et d’explosifs sont enfouies sous les décombres ; les infrastructures essentielles sont pour la plupart inutilisables. Pire, le territoire est toujours sous le joug des terroristes qui ont attiré cette catastrophe sur ses 2 millions d’habitants en menant la razzia du 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël.

Tant que le Hamas restera aux commandes, aucune reconstruction n’est envisageable : le gouvernement israélien ne lèvera pas le blocus, et les bailleurs de fonds internationaux et arabes y regarderont à deux fois avant d’investir. Et cela même dans l’hypothèse où le cessez-le-feu tiendrait, ce qui est de plus en plus improbable, tant le Hamas multiplie les provocations à chaque libération d’otages.

L’idée de Trump a soulevé un tollé mondial. Et pourtant, qui sont les plus condamnables ? Ceux qui cherchent des solutions hors des sentiers battus ou ceux qui s’accommodent de l’environnement inhumain dans lequel les Palestiniens de Gaza seraient obligés de vivre ? Même si elle commençait aujourd’hui, la reconstruction durerait, au bas mot, une décennie. En envisageant une évacuation, au moins temporaire, du territoire, Donald Trump change les termes d’une équation sans solution.

Une déportation forcée de Palestiniens de Gaza serait un crime de guerre contre une population qui n’a pas à être collectivement punie pour des forfaits perpétrés par un parti de tueurs. En revanche, une incitation au départ volontaire pourrait être effective : déjà avant le 7 Octobre, selon un sondage du Centre palestinien de recherches politiques et d’enquêtes publiques (PSR) de Ramallah, environ un tiers des habitants souhaitaient émigrer. Ceux qui en rêvent sont probablement beaucoup plus nombreux aujourd’hui, mais ils n’osent pas le dire par crainte de s’attirer les foudres du Hamas.

Les États arabes au pied du mur

Qui pourrait accueillir les candidats au départ ? Trump a cité l’Égypte et la Jordanie, en paix avec Israël depuis respectivement 1979 et 1994. Les deux affichent leur refus, craignant à juste titre la menace déstabilisatrice d’une population endoctrinée depuis près de deux décennies par la propagande islamiste. Mais n’est-il pas temps que les États arabes s’activent pour trouver une solution pacifique à la question de Gaza ? La proposition de Trump les contraint à se montrer créatifs s’ils veulent éviter la mise en place d’une solution à leurs yeux inacceptable.

Le président américain met les États arabes au pied du mur : soit ils acceptent de le suivre, soit ils risquent de perdre la protection américaine. Pour Le Caire ou Amman, tant dépendants de Washington, le risque est grand. La solution pourrait se trouver du côté de l’Arabie saoudite, que Trump veut inciter à conclure un pacte avec Israël. Riyad pourrait être tenté de saisir l’occasion pour se présenter comme le pays qui a empêché la déportation des Palestiniens de Gaza et l’annexion d’une partie de la Cisjordanie par Israël.

Le président américain avait déjà montré lors de son premier mandat, avec les accords d’Abraham, sa capacité à imposer des solutions innovantes au Proche-Orient. Aujourd’hui, il bouleverse à nouveau les règles du jeu. L’idée d’un État palestinien à côté d’Israël semble encore plus vouée à l’échec après le traumatisme du 7 Octobre ? Il évacue la question en proposant un contrôle des États-Unis sur la bande de Gaza. Il remplace le paradigme improductif « la terre contre la paix » par celui de « la paix contre la paix ». Il ne s’agit plus de contraindre Israël à accepter un État palestinien, mais de contraindre les Palestiniens à accepter de vivre à côté (et non à la place) d’Israël. Peut-être n’arrivera-t-il pas à ses fins mais, au moins, il aura fait bouger les lignes.

Par Luc de Barochez

Source lepoint

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