Bruno Tertrais publie quelques vérités sur l’État d’Israël

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Dans son ouvrage « La Question israélienne », le géopolitologue remonte aux sources de l’antisionisme et analyse les raisons d’un conflit qui n’en finit pas avec la Palestine.

Il peut paraître paradoxal de consacrer un livre à la « question israélienne », alors qu’il est communément admis en Europe que résoudre la « question palestinienne », en créant un État ad hoc, suffirait à établir la paix entre Israël et ses voisins.

Pourtant, dès lors que la légitimité de l’État d’Israël est établie au regard de l’histoire du peuple juif, de la légalité internationale et même de la morale universelle, se pose la question des conditions de sa survie et de son insertion dans la région proche-orientale, de manière encore plus cruciale depuis l’épouvantable attaque perpétrée le 7 octobre 2023 par les islamistes du Hamas.

Le géopolitologue Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, souligne dans son nouvel ouvrage (*) « qu’il n’est pas sans raison que les Israéliens voient leur pays comme le Juif des nations ».

Instrumentalisation de la cause palestinienne

Comment un État moins peuplé que la Belgique, plus petit que la Bretagne, peut-il à ce point déchaîner les passions à travers le monde ? L’auteur y voit bien sûr des raisons historiques et religieuses, le poids de l’antisémitisme, l’influence croissante de l’islamisme… Mais il y décèle aussi la conséquence de l’instrumentalisation de la cause palestinienne, dès les années 1950, non seulement par les États arabes – qui y ont longtemps vu une garantie de leurs pouvoirs autocratiques et un ciment commode de leur unité – mais aussi, c’est moins connu, par l’Union soviétique. L’antisionisme contemporain est ainsi « l’héritier des trois fléaux du XXe siècle : le nazisme, le communisme et l’islamisme », souligne l’auteur.

D’anciens officiers SS ont par exemple diffusé après la guerre les conceptions hitlériennes de la « question juive » dans le monde arabe, notamment Johann von Leers, propagandiste du Reich recruté par le dirigeant égyptien Nasser et qui édite en arabe Les Protocoles des sages de Sion.

De leur côté, après leur création au Caire dans les années 1920, les Frères musulmans inscrivent dans leur combat l’expulsion des Juifs de ce qu’ils appellent la « terre de l’Islam » – une obsession mortifère endossée aujourd’hui par tous les islamistes.

Enfin, l’URSS, qui avait pourtant voté le plan de partage de la Palestine mandataire en 1947, tourne casaque et décrit le sionisme dès 1952 comme un « nationalisme bourgeois, impérialiste et colonialiste ». Le KGB encourage dès lors la création de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), accuse Israël de génocide et répand l’idée infâme que les leaders sionistes se seraient acoquinés avec les nazis pour accélérer l’émigration vers la Palestine.

La propagande soviétique compare ensuite Israël à l’Afrique du Sud de l’apartheid, établissant ainsi une fausse équivalence, relayée par des politiciens européens et par des ONG, comme Amnesty International.

Confusion et égarements

Avec le ton froid et détaché de l’analyste, Tertrais remet les idées à l’endroit sur un pays qui génère souvent confusion et égarements. Malgré les accords d’Abraham de 2020 (avec les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Maroc), les menaces contre Israël persistent. Elles ne viennent plus tant des États arabes que des groupes djihadistes et, derrière eux, de l’Iran, qui a pour la première fois en 2024 agressé le territoire israélien à partir de son propre sol.

Le 7 Octobre et ses suites ont rendu les Israéliens « encore plus amers et méfiants » quant à tout processus de paix, observe l’auteur, qui se montre confiant à l’idée qu’Israël, malgré ses fractures internes, restera à l’horizon de son centenaire, en 1948, un État juif et un État démocratique. Mais un État en paix ? Rien n’est moins sûr.

(*) La Question israélienne, de Bruno Tertrais (Éditions de l’Observatoire, 176 p., 20 €).

Par Luc de Barochez

Source lepoint

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