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Après la première chronique de l’humoriste ce vendredi, des propos qu’il a tenus sur les réseaux sociaux refont surface. Plus récemment sur France Inter, Merwane Benlazar insultait la police et traitait le public de Miss France de «porcs».
Pour sa grande «première» à la télévision, dans l’émission C à Vous sur France 5, l’humoriste Merwane Benlazar n’a pas fait dans l’originalité : entre deux vannes sur l’actualité du foot, il égratigne par des punchlines faciles et attendues Manuel Valls ou Bernard Arnault – qu’il appelle «Bernard», dans une familiarité goguenarde qui ne révolutionne pas, là encore, l’humour à la télé. Le plateau ricane, la présentatrice Anne-Élisabeth Lemoine pleure de rire… La séquence aurait pu passer inaperçue, mais la chronique de Merwane Benlazar ce vendredi 31 janvier a fait polémique tout le week-end, pas tant pour son contenu que pour les propos que l’humoriste a tenus par le passé sur les réseaux sociaux.
Merwane Benlazar, qui n’a pas encore 30 ans, est né en Seine-Saint-Denis et fait partie des révélations portées par le succès du stand-up et des «comedy club». Il a débuté dans l’un d’eux, le Bordel Club, et s’est formé à l’improvisation théâtrale auprès du comédien franco-iranien Kheiron. Après avoir fait la première partie de plusieurs humoristes, dont Gad Elmaleh, il connaît le succès à partir de son passage au Festival de Montreux en 2022 ainsi qu’au Jamel Comedy Club. Il joue depuis deux ans son spectacle, «Le formidable Merwane Benlazar», au théâtre du Gymnase, et Télérama comme Les Inrocks l’ont applaudi des deux mains. France Inter l’accueille chaque semaine depuis la rentrée pour une chronique à la radio.
L’humoriste a construit son personnage de scène sur un jeu avec les stéréotypes et les inquiétudes que suscite en France le renforcement d’un islam rigoureux et identitaire. «Je sais très bien l’image que je renvoie, je peux vous la donner : je pense que je renvoie l’image d’un arabe de banlieue… mais pas dangereux», s’amuse-t-il à dire dans l’un de ses sketchs. «J’ai fait plein de coins de la France où je faisais peur aux gens», déclare-t-il dans un entretien à Usbek & Rica . Il assume un humour très politique, destiné à déjouer les clichés sur les musulmans et les immigrés d’origine maghrébine : «L’un des grands thèmes de mon spectacle est en effet le rapport que la France entretient, pas forcément avec l’islam, mais avec tout ce qui est différent de ses valeurs et de croyances historiques», dit-il en espérant convaincre un public xénophobe de dire à l’issue du spectacle : «j’ai vraiment été con de penser ça ! »
Flics racistes, invocation de la charia…
Le propos se politise encore un peu plus dans ses chroniques sur France Inter, où Merwane Benlazar décrit dans un sketch les «flics» comme «racistes» et «misogynes». Ajoutant en référence à l’affaire Nahel : «Avant les flics quand ils tuaient des jeunes ils avaient des problèmes, maintenant ils ont des cagnottes». Gérald Darmanin aurait quant à lui, à en croire l’humoriste, «fait du racisme au sein de la police». Plus récemment, Merwane Benlazar consacrait une chronique à l’émission Miss France, «une dinguerie», estimant que le succès de l’émission de TF1 est dû au fait que de nombreux téléspectateurs sont des «beaufs» et des «porcs».
.@MerwaneBenlazar, nouveau chroniqueur humour @cavousf5 depuis hier soir.
Preuve qu’on peut notamment :
– arborer le look salafiste
– parler de génocide à Gaza
– qualifier de « porcs » ceux qui regardent Miss FranceEt avoir son rond de serviette à la table de… https://t.co/RVHpzkxFja
— Lara Fatimi (@LaraFatimi) February 1, 2025
Une chronique féministe, en somme, puisque dénonçant «une émission sur qui c’est la plus bonne des gonzesses». Mais voilà, de façon curieuse pour un humoriste féministe, d’autres propos tenus cette fois sur le réseau social X laissent au contraire songeur. L’avocate Lara Fatimi, à l’origine de la polémique sur le choix de l’humoriste par France 5, en a exhumé quelques-uns, comme ce message de 2021 posté sur X où Merwane Benlazar demande : «pas de femme en DM», semblant bannir l’idée de discuter spécifiquement avec des femmes sur la messagerie du réseau social.
Où s’arrête l’humour et où commence la réalité du personnage ? Merwane Benlazar joue à dessein sur l’ambiguïté de ses propos mais n’en relaie pas moins, sérieusement cette fois, une vision conservatrice de l’islam, dont il respecte scrupuleusement l’orthopraxie, en discourant régulièrement de ce qui est permis ou défendu par la «charia». Laquelle interdit par exemple, à juger de sa réponse à un internaute, de «fouiller dans les conversations privées».
Il décrit par exemple dans un sketch son choix de se faire pousser la barbe et plaisante sur la perception de ce nouvel attribut physique : «Avant j’étais un Arabe sans barbe, mais maintenant ma vie a complètement changé !» lance-t-il, avant de s’en prendre aux «chroniqueurs télé» à cause desquels le port de la barbe chez les musulmans est vu parfois comme le signe d’un ralliement à l’islamisme…
L’humoriste relayait régulièrement des conseils religieux, s’indignait des prises de position du Conseil français du culte musulman qui appelait les musulmans à manifester leur solidarité avec les victimes de l’attentat commis dans la basilique de Nice en 2020, recommandait des sites pour acheter des livres islamiques ou découvrir des prières, y compris des sites «ouvertement salafistes», d’après l’essayiste Ferghane Azihari qui dénonce le relais donné par l’humoriste au site salafislam.fr par exemple. Il a par ailleurs qualifié la guerre d’Israël contre le Hamas de «génocide» de la population de Gaza.
Quant à sa vision de l’identité et de l’intégration, elle est là encore plus qu’ambiguë : en 2018, Merwane Benlazar qui est né en France mais revendique ses origines algériennes, disait ainsi : «J’me sens pas français, après j’me sens à 100 % chez moi ici».
La députée européenne Nathalie Loiseau a dénoncé le choix de confier une chronique sur France 5 à l’humoriste, dans un message posté ce lundi 3 février : «Au nom de toutes les femmes, de leur liberté, de leurs droits chèrement gagnés ici et bafoués par les islamistes partout à travers le monde, une seule question : Pourquoi ?».
Au nom de toutes les femmes, de leur liberté, de leurs droits chèrement gagnés ici et bafoués par les islamistes partout à travers le monde, une seule question : Pourquoi ? pic.twitter.com/5ORyJFU89b
— Nathalie Loiseau (@NathalieLoiseau) February 3, 2025
Par Paul Sugy