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La déclaration choc du président américain, mardi, d’expulser tous les Palestiniens de l’enclave pour en faire «la Côte d’Azur du Moyen-Orient» pourrait mettre à mal le troisième échange d’otages.
A chaque jour son nouvel effroi. Le Canada, le Panama, le Groenland, le golfe du Mexique, et maintenant… Gaza. Recevant le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, à la Maison Blanche mardi, Donald Trump a fait une nouvelle déclaration choc, cette fois annonçant son souhait que l’Amérique prenne le contrôle de la bande de Gaza et que tous les Palestiniens en soient expulsés.
«Tous, a réaffirmé Trump. Je veux dire, nous parlons probablement d’un million sept cent mille personnes, un million sept, peut-être un million huit. Mais je pense qu’ils devraient tous partir. Je pense qu’ils seront réinstallés dans des endroits où ils pourront mener une vie meilleure et ne plus avoir à craindre de mourir chaque jour.»
Comme un promoteur immobilier essayant de mentir le plus efficacement possible pour vendre un méga projet fantaisiste à des élus locaux médusés, voire comme un enfant raconterait un rêve inachevé, le président américain a badiné sur «la Côte d’Azur du Moyen-Orient» où accourront «des gens du monde entier», et dont les Etats-Unis auraient une sorte de «bail permanent». A ses côtés, Nétanyahou s’est extasié du don de Trump de «penser hors du cadre», le cadre étant la loi internationale, les décisions de l’ONU sur la partition de la Palestine, toutes les résolutions du Conseil de sécurité depuis 1967 et bien sûr le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale qui l’accuse d’implication dans des crimes de guerre commis sur ce territoire au cours des seize derniers mois.
Au Moyen-Orient, les mots résonnent différemment qu’ailleurs
Trump semble déterminé à plonger la région – sinon bien au-delà – dans une spirale de mort et de désespoir pour annihiler tous les plans de paix possibles et vider Gaza de ses Palestiniens. Mais ce n’est pas tout. Face aux questions incrédules de la journaliste de NBC News Kelly O’Donnell, Trump a déclaré qu’il envisageait également d’expulser les Palestiniens de la Cisjordanie et d’attribuer ce territoire à Israël. «Nous en discutons», a-t-il affirmé sur la volonté de Nétanyahou et des alliés d’extrême droite de prendre le contrôle de la «Judée et Samarie» bibliques, qui incluent la Cisjordanie contrôlée par l’Autorité Palestinienne. «Et les gens aiment cette idée», a t-il ajouté, promettant une annonce «sur ce sujet très spécifique dans les quatre prochaines semaines».
«Du fleuve à la mer», aimaient à chanter les manifestants anti-Biden qui reprochaient au président démocrate d’être trop coulant avec Israël. ils ont maintenant ce qu’ils veulent, un seul territoire, mais au lieu d’être vidé de ses Palestiniens Juifs, il serait vidé de ses Palestiniens arabes.
Certains se voulaient rassurants ce mercredi, rappelant que les déclarations tonitruantes de Trump sur d’autres territoires n’avaient pas été suivies d’effet. C’est mal connaître la dynamique du Moyen-Orient, où les mots résonnent différemment qu’ailleurs et où les intérêts convergents des uns ne sont pas forcément ce que voient les autres. Effectives ou non, les déclarations du président le plus irresponsable que l’Amérique ait connu auront des effets immédiats en ce sens : il est peu probable, par exemple, que le Hamas puisse procéder au troisième échange d’otages israéliens contre prisonniers palestiniens prévu ce week-end.
Marché de dupes
Nétanyahou a donc obtenu tout ce qu’il lui était important : rassembler l’extrême droite israélienne sous son aile et sauver son gouvernement, faire imploser l’accord de cessez-le-feu sans que l’on puisse le lui reprocher et préparer le terrain pour le prochain volet, la Cisjordanie. Le Hamas aussi a obtenu tout ce qu’il lui fallait : sa responsabilité dans la destruction de Gaza va s’effacer, les déclarations de Trump forçant les Gazaouis, peut-être même tous les Palestiniens, à se ranger sous leur commandement dans une résistance nationale ragaillardie.
Et Trump bien sûr a obtenu tout ce qui lui était important, une onde de choc qui monopolise l’attention et laisse le champ libre à ses agissements au cœur du système fédéral, aussi anti constitutionnels soient-ils. Les seuls lésés de ce marché de dupes sont évidemment les Palestiniens, dont le leader du monde libre vient de nier le droit à l’existence nationale, voire le droit d’exister tout court.
Dov Alfon