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Le président des Etats-Unis s’est exprimé au côté du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Donald Trump, qui a des projets immobiliers pour Gaza, est prêt à y envoyer des soldats. Il assure que la Jordanie et l’Egypte finiront par accepter d’accueillir des réfugiés palestiniens.
Juste avant son entrée en fonction, Donald Trump a joué un rôle décisif pour obtenir un cessez-le-feu et la libération par étapes des otages israéliens retenus à Gaza. A présent, il a une solution simple pour régler le conflit israélo-palestinien. Son plan consiste à occuper la bande de Gaza et à déplacer ailleurs tous les Palestiniens qui y habitent.
« On parle probablement de 1,7, peut-être 1,8 million de personnes. Je pense qu’elles vont toutes être réinstallées dans des zones où elles peuvent vivre une belle vie sans avoir peur de mourir chaque jour », a-t-il déclaré. Depuis deux semaines, les réfugiés palestiniens qui étaient parqués dans des camps regagnent leur foyer d’origine, ou plutôt ce qu’il en reste après les bombardements israéliens et la traque des terroristes du Hamas : des tas de béton, sur des kilomètres.
Une possession américaine de long terme
A un journaliste qui lui a demandé s’il comptait envoyer des troupes américaines à Gaza pour sécuriser la zone, il a répondu : « nous ferons le nécessaire ». « Nous allons prendre le contrôle de cette partie et nous allons la développer, créer des milliers et des milliers d’emplois. » Et d’ajouter : « Avec notre stabilité et notre force, en la possédant […], nous serons un bon gardien », dans l’intérêt de « tout le Moyen-Orient ».
« J’envisage un statut de possession de long terme […], ça n’a pas été une décision prise à la légère ; tous les gens à qui j’ai parlé aiment cette idée des Etats-Unis possédant ce pan de territoire », a déclaré Donald Trump. Rappelant de son côté que l’un de ses objectifs est que Gaza « ne soit plus jamais une menace », Benyamin Netanyahou s’est félicité que « le président Trump l’élève à un tout autre niveau ». « Il voit un futur différent pour ce morceau de territoire », a-t-il applaudi.
Donald Trump, qui a débuté en tant que promoteur immobilier, imagine faire de ce territoire méditerranéen « un endroit international incroyable ». Il a souligné que « le potentiel de la bande de Gaza est incroyable », évoquant « la riviera du Moyen-Orient ». « Ça pourrait être si magnifique », a-t-il glissé. Son projet n’est qu’« une recommandation, mais une très forte recommandation ».
« Construire quelques jolis endroits »
Pour Donald Trump, les Palestiniens n’ont pas d’autre choix que de quitter Gaza. « Ils sont là parce qu’ils n’ont pas d’alternative [ …], je ne sais pas pourquoi ils voudraient rester. C’est un site de démolition », a-t-il d’abord justifié. « Si nous pouvions trouver le bon terrain, ou plusieurs terrains, et leur construire quelques jolis endroits avec plein d’argent dans la zone […], ce serait bien mieux que de retourner à Gaza », a-t-il poursuivi.
C’est faire peu de cas du combat des Palestiniens pour leur terre, qui dure depuis des décennies, sans même parler de l’objectif de créer un Etat palestinien reconnu par la communauté internationale, la hantise de Benyamin Netanyahou. Le Hamas a dénoncé des propos « racistes » et alignés sur « l’extrême droite israélienne ». Le président palestinien Mahmoud Abbas a, lui, « fermement » rejeté cette idée. « Nous ne permettrons pas que soient bafoués les droits de notre peuple », a-t-il déclaré.
Le déplacement forcé de la population palestinienne de la bande de Gaza constituerait une « violation grave du droit international », a réagi le ministère français des Affaires étrangères. « L’avenir de Gaza doit s’inscrire non dans la perspective d’un contrôle par un Etat tiers mais dans le cadre d’un futur Etat palestinien, sous l’égide de l’Autorité palestinienne », a précisé le Quai d’Orsay dans un communiqué.
L’Arabie saoudite a redit qu’elle ne ferait pas la paix avec Israël sans la création d’un Etat palestinien et s’est opposée au déplacement de la population. Le sénateur américain Chris Van Hollen, démocrate membre de la commission des relations étrangères, s’est montré plus direct, qualifiant la proposition de Trump de « nettoyage ethnique sous un autre nom ».
« 1, 2, 3, 4, 5, 7, 8, 12 » colonies palestiniennes
Lors de la deuxième conférence de presse commune de la journée, Donald Trump a présenté les choses différemment : « Gaza ne doit pas traverser un processus de reconstruction et d’occupation par les mêmes personnes qui ont vécu ici, qui se sont battues pour ça, qui y sont mortes [sic], qui y ont vécu une misérable existence », a-t-il dit.
Le Hamas est évidemment opposé à l’exil hors de Gaza. Quant à l’Autorité palestinienne, elle pourrait se battre pour maintenir la population dans la mince bande de terre côtière. Encore faudrait-il reconstruire. Or l’autorité, qui a été tenue à l’écart de l’accord de cessez-le-feu, n’en a tout simplement pas les moyens sans soutien international.
Donald Trump estime qu’il serait possible de créer « 1, 2, 3, 4, 5, 7, 8, 12 » colonies palestiniennes hors de Gaza. Les pays voisins « immensément riches » devront selon lui financer les nouvelles habitations. « Nous nous assurerons que ce soit quelque chose de vraiment spectaculaire », a-t-il promis.
Blocage au Congrès
Craignant une déstabilisation, les grands voisins que sont l’Egypte et la Jordanie ont déjà fait savoir qu’ils ne voulaient pas accueillir ces réfugiés. « Ils disent qu’ils n’accepteront pas. Je dis qu’ils vont le faire, et je pense que d’autres pays vont aussi le faire », a assuré le président des Etats-Unis. Donald Trump a déjà prouvé sa détermination à peser sur les pays alliés avec tous les moyens à sa disposition – menaces de droits de douane, voire de retrait de la protection militaire.
Le chef d’Etat américain a déjà beaucoup fait pour satisfaire Benyamin Netanyahou depuis sa prise de fonctions. Il a annulé les sanctions de l’administration Biden contre les colons israéliens ayant violenté des civils palestiniens en Cisjordanie. Ce mardi, il a décrété le retrait des Etats-Unis de l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens. Les écoles et dispensaires de l’UNRWA viennent d’ailleurs de fermer dans la partie arabe de Jérusalem, sur ordre de Tel-Aviv.
La Maison-Blanche a également annoncé mardi l’envoi d’un milliard de dollars de bombes et de bulldozers blindés à Israël. Cependant, la transaction est restée bloquée au Congrès. Les élus démocrates font de l’obstruction, car ils sont furieux du démantèlement de l’aide internationale des Etats-Unis et du sort fait à l’USAID, l’agence des Etats-Unis pour le développement international. En général, ils votent avec les républicains l’aide militaire à l’allié israélien.
Par Solveig Godeluck