Un an de prison ferme pour des insultes antisémites dans le métro

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Semi B., réfugié congolais de 40 ans, a été reconnu coupable d’«apologie de crime contre l’humanité» et de «violences à raison de l’appartenance de la victime à une religion déterminée».

«Vous tuez des enfants bande de youpins, bâtards, enfants de terroristes. Hitler avait raison il devait tuer tous les [juifs].» Au mois d’août dernier, une vidéo filmée dans le métro parisien était devenue virale sur les réseaux sociaux. On y voyait un homme tenir des propos antisémites à l’encontre d’une famille de confession juive, puis s’en prendre à une jeune femme qui était intervenue. Cinq mois plus tard, en son absence, Semi B., 40 ans, a été condamné ce vendredi par la 10e chambre du tribunal correctionnel de Paris à un an de prison ferme, «sans possibilité d’aménagement», pour «apologie de crime contre l’humanité» et «violences à raison de l’appartenance de la victime à une religion déterminée».

Le mercredi 14 août, sur la ligne 9 du métro, Semi B. aperçoit trois personnes de confession juive, une jeune fille et ses parents. Le quadragénaire, arrivé en 1998 du Congo et bénéficiant d’un statut de réfugié depuis 2000, commence à les insulter et à cracher en leur direction. Dans la rame, Naomi, 24 ans, sort son téléphone pour filmer la scène. «Au début, je ne pensais pas intervenir parce que j’avais peur, confie-t-elle à l’audience ce vendredi. Mais plus j’entendais ce qui se passait, plus j’étais hors de moi. Pour moi, c’est inconcevable de dire des choses comme ça. Au moment où il leur a craché dessus, je me suis sentie obligée d’intervenir. Les mots sont sortis tous seuls.»

Sur sa vidéo, projetée par le tribunal, on entend la jeune femme lancer à Semi B. : «T’arrêtes! Je vais porter plainte contre toi. Vas-y, sors du métro!» Le quadragénaire, père de cinq enfants issus de plusieurs unions, l’insulte, crache en sa direction avant de se rasseoir. «Personne dans cette rame n’a réagi. Il y avait des hommes baraqués qui n’ont rien fait. C’est minable», déplore Naomi à l’audience. Après les faits, elle porte plainte au commissariat d’Issy-les-Moulineaux.

Deux jours plus tard, le suspect est interpellé dans le 10e arrondissement. En garde à vue, celui qui se dit peintre en bâtiment «au noir» reconnaît les faits mais explique avoir, avant la scène, été traité de «singe» par une femme qui «parlait de ce qui se passait en Israël et en Palestine». Assurant avoir «honte» de son comportement, il affirme «ne pas avoir de problème avec le peuple juif» et déclare : «Je ne suis pas antisémite, j’ai des amis et des cousins juifs». Il évoque le sort des «enfants de Gaza» et fait un lien avec son traumatisme lié aux événements s’étant déroulés dans son pays d’origine, le Congo. L’expert psychiatre qui l’examine le déclare «parfaitement accessible à une sanction pénale».

Libéré sous contrôle judiciaire – qu’il ne respecte pas – celui dont le casier judiciaire porte une dizaine de mentions pour dégradations, menaces de mort, vols aggravés, violences conjugales… ne se présente pas à son propre procès, un fait dont il est coutumier. C’est donc en son absence que ce, vendredi 31 janvier, la procureur requiert à son encontre un an de prison ferme sur les cinq ans encourus, dénonçant «des propos et un comportement totalement inacceptables, consternants, d’une violence sidérante». Après en avoir délibéré, les trois juges de la 10e chambre le condamnent finalement à un an de prison ferme.

«Cet antisémitisme qui gangrène la société»

Cette affaire s’inscrit dans un climat d’antisémitisme particulièrement fort depuis les attentats du 7 octobre 2023 en Israël. En 2023 et 2024, 1676 et 1570 actes antisémites ont respectivement été recensés en France par le Service de protection de la communauté juive (SPCJ) et le ministère de l’Intérieur, contre 436 en 2022. Ce que les avocats de partie civile, Me Avner Doukhan pour Naomi et Me Nicolas Benouaiche pour l’Organisation juive européenne (OJE), n’ont pas manqué de relever à l’audience.

«On a commémoré il y a quelques jours la libération d’Auschwitz. Et ce qu’on constate, c’est qu’en 2024-2025, cette idéologie nauséabonde persiste. Quand Semi B. rentre dans le métro, il voit cette famille et va les invectiver dans des termes faisant directement référence à cette page sombre de notre histoire», plaide Me Doukhan, qui salue au passage le «comportement héroïque» de Naomi.

À son tour, Me Benouaiche appelle le tribunal à prononcer une «sanction sévère» à l’encontre de Semi B., «bon exemple» de «cet antisémitisme qui est en train de gangrener la société». «Dans cette vidéo, c’est de la haine viscérale qui s’exprime, sur fond d’alcool, de traumatisme, on peut tout invoquer, mais la haine est là. Elle est passée sur cet écran. Et à côté de ça, il y a une famille terrorisée et une jeune fille qui dit stop. […] Bien sûr, l’excuse est toute trouvée : Gaza. Il y a toujours une bonne raison de haïr son voisin juif!», s’indigne l’avocat.

La population juive en France, poursuit Me Benouaiche, «ce n’est même pas 1% des Français. Ce petit pourcentage qui rase les murs et baisse la tête dans le métro attend de vous d’être protégé de Semi B. et des gens qui le terrorisent. Ce n’est pas normal en 2025 d’être terrorisé dans le métro parce qu’on est juif ! Ça ne doit pas devenir quelque chose d’anodin.» À la sortie de l’audience, le conseil de l’OJE s’est dit «satisfait» de la peine infligée à Semi B., se réjouissant que «le tribunal n’ait pas hésité à prononcer une peine ferme». «Les juridictions ont désormais conscience de la problématique antisémite», a-t-il conclu.

Source lefigaro