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Son retour, les insultes, ses projets… Le ministre des Outre-mer, en visite à Mayotte avec le Premier ministre François Bayrou, répond aux questions du Point.
L’hypothèse de son retour au pouvoir était devenue une arlésienne de la vie politique. Depuis 2017, son nom apparaissait systématiquement dans l’habituel lot de rumeurs qui anime chaque remaniement, sans que jamais le scénario ne se concrétise. Mais cette fois, il est bien là, quasi miraculé, confortablement assis dans un canapé, le teint hâlé, cravate et chaussettes d’un violet coordonné qui lui donnent une allure cardinalice.
« Je ne suis pas revanchard, je ne remonte pas sur un ring de boxe », confie au Point un Manuel Valls qui s’affiche serein, juste avant de s’envoler pour Mayotte. Calme, comme si on l’avait laissé là, la veille, dans ses habits ministériels, et faisant fi des attaques qui accompagnent son retour, huit ans après son départ de Matignon.
« Je ne veux pas me laisser entraîner sur ce terrain, les insultes visent à abaisser le débat public et à nous dévier de l’essentiel, lâche-t-il alors qu’on le taraude sur le sujet. Je ne suis jamais blasé, jamais dans l’acrimonie, jamais dans la rancœur. Je fais la part des choses entre le bruit permanent et le réel. Je sais ce que j’incarne, depuis vingt-cinq ans que j’alerte sur la montée de l’antisémitisme et de l’islamisme, ou sur “les gauches irréconciliables”. C’est cela qui suscite toute cette haine. Mais je ne me laisserai pas dévier de ma mission, je suis totalement concentré. On n’a pas tellement de cordes de rappel, si l’on continue de crise en crise, je ne sais pas où nos institutions iront… »
Que les outre-mer soient confiés à un ancien locataire de Matignon et de Beauvau, numéro trois dans le protocole gouvernemental, après un défilé de quatre ministres en deux ans, alors que les urgences se multiplient et que « le sentiment d’abandon n’a jamais été aussi fort », voilà ce sur quoi il préfère insister. Manuel Valls reprend à son compte la formule de Chirac, qualifiant ce ministère de « mini-Matignon », qui concerne 3 millions de nos compatriotes sur trois océans, cinq continents, bref, « une France en très grand, avec des problèmes exacerbés ».
« Dans le Pacifique, le seul drapeau de l’Union européenne, c’est le nôtre ! » s’exclame le nouveau ministre, qui connaît ces dossiers de longue date – rappelons qu’il est entré au cabinet de Michel Rocard en 1988 juste après la négociation des accords de Matignon sur la Nouvelle-Calédonie.
Une grande mappemonde derrière lui, Manuel Valls, le débit lent, tente de montrer qu’il n’est pas à ce poste par hasard. « Je n’ai rien demandé, jure-t-il. Mais François Bayrou m’a proposé quelque chose d’inédit et d’exaltant, je n’ai pas hésité. » S’il ne s’agissait pas des outre-mer, il l’assure, il « aurait peut-être refusé ». Ce politique « qui aime l’action » bout d’en découdre.
« Le rôle du ministère des Outre-mer va changer », lance-t-il, estimant que son administration, aux effectifs plutôt maigres, doit être renforcée. Pas une mince affaire en pleine asphyxie budgétaire. Il reste plusieurs jours à Mayotte – préparant le projet de loi spéciale pour la reconstruction qui doit être présenté en Conseil des ministres le 3 janvier –, il annonce un voyage en Nouvelle-Calédonie fin février et une tournée aux Antilles pour prendre à bras-le-corps le dossier de la vie chère. Il promet d’éviter les déplacements express d’une poignée d’heures, de ne pas courir les plateaux TV et de transformer le regard sur les territoires ultramarins dans le débat public.
« Je veux prendre du temps, recréer le lien avec ces territoires, répondre au sentiment d’éloignement de la jeunesse ultramarine, aux discriminations, aux oligarchies économiques dans les Antilles », détaille le ministre. Ajoutant : « Les outre-mer, ça ne peut pas être que les catastrophes et les médailles de nos sportifs. »
Au-delà des déclarations d’intention, aura-t-il les coudées franches, au sein d’un collectif gouvernemental particulièrement fragile et quasi condamné à l’immobilisme par la configuration parlementaire ? « Manuel a un poids politique considérable et une aura médiatique qui font qu’il pourra obtenir des arbitrages », veut croire, optimiste, le préfet Frédéric Potier, son ancien conseiller outre-mer à Matignon.
Ces derniers mois, en pleine crise calédonienne, l’ancien Premier ministre n’avait d’ailleurs pas manqué d’exprimer ses doutes sur la gestion du dossier par le président de la République et sa détermination à maintenir, malgré les alertes, le projet de révision constitutionnelle. « J’espère qu’il a compris que tout passage en force conduirait au chaos total. La Nouvelle-Calédonie est une école d’humilité pour tout le monde », assénait-il au Point, le 27 mai. « Emmanuel Macron a mis à terre trente-six années de dialogue et de progrès et la méthode qui doit tant à Michel Rocard », enchérissait-il dans Le Parisien en novembre. Deux mois plus tard, s’il assure qu’il sera « loyal et solidaire » vis-à-vis du président, le nouveau ministre des Outre-mer assume : « Depuis 2022, je n’ai jamais caché mes désaccords sur la Nouvelle-Calédonie et Israël. » En amont de sa nomination, les deux hommes ont échangé par téléphone, « une discussion de grande qualité politique et humaine », assure Valls.
L’heure est à l’apaisement. Même si la « macronie » a toujours observé cet animal politique issu du « vieux monde » avec un brin de suspicion, voire de mépris. Et que, de son côté, l’intéressé n’a jamais adhéré au goût macronien pour le renouvellement à tout prix des figures. Un jour, il avait lâché à l’un de ses proches : « Il y a une dame qui m’a dit qu’elle était ministre, je n’ai pas reconnu de quoi. » Comprendre : la politique est une affaire sérieuse, elle doit être confiée à des professionnels.
Depuis sa nomination, Manuel Valls multiplie les contacts avec les élus ultramarins, dont beaucoup sont à gauche, souligne-t-il, « ils ont leur franc-parler ». Depuis son ralliement à Emmanuel Macron après sa défaite à la primaire face à Benoît Hamon, les relations avec sa famille politique d’origine sont tendues. « Je préfère me taire », lâche l’un de ses anciens ministres, amer. « À Matignon, il a incarné un autoritarisme mis au service d’une ligne libérale », embraye le député Laurent Baumel, ancien frondeur, insurgé contre son usage du 49.3 sous le quinquennat Hollande. Valls n’a eu de cesse de canonner l’alliance du PS avec La France insoumise, dont il chargeait encore en juin dans nos colonnes « les propos antisémites, les positions pro-Hamas et longtemps pro-Poutine ». Sachant que plusieurs élus ultramarins sont LFI, le ministre va-t-il arrondir les angles ? « Il y a une grande diversité politique dans les outre-mer, je travaillerai avec tous les élus, souffle-t-il. Je n’ai pas à arbitrer les élégances de la gauche. »
« Je ne suis pas né pour être ministre »
« Son républicanisme est majoritaire dans l’opinion mais minoritaire dans la gauche politique incarnée par le Nouveau Front Populaire », estime le sondeur Stéphane Rozès, qui le connaît depuis longtemps. Raconter Valls, admirateur de Clemenceau quand d’autres préfèrent Jaurès, c’est inévitablement plonger dans les querelles inflammables qui fracturent le camp bâbord depuis quarante ans sur les valeurs de la République, la pratique des institutions, les relations internationales ou le réformisme économique.
De manière plus prosaïque, beaucoup l’accusent d’avoir couru derrière le pouvoir depuis l’échec de son aventure présidentielle en 2017. « L’erreur qu’il a faite, c’est de donner le sentiment de vouloir s’accrocher à tout prix, et ça l’a abîmé, regrette l’un de ses anciens collaborateurs. Il a souffert d’être écarté du jeu. » Un sparadrap que Manuel Valls, engagé en politique dès ses plus jeunes années, veut arracher : « Je ne suis pas né pour être ministre. » Son départ précipité en Espagne, qui lui a valu maints procès en trahison ? « Je l’ai fait pour des raisons très personnelles. Pour moi, c’était vital sinon je me brisais en mille morceaux. »
Valls déboule dans un casting de fortes têtes que François Bayrou a composé, d’Élisabeth Borne à Gérald Darmanin, en passant par Bruno Retailleau. Au risque de provoquer certaines étincelles ? « Quand on a été rocardien, ce n’est pas pour finir avec Retailleau », grince un cadre socialiste qui avait soutenu Valls à la primaire de 2017. En février, au moment où Gérald Darmanin annonçait vouloir supprimer le droit du sol à Mayotte, l’ancien locataire de Matignon dénonçait lui-même dans une tribune au Monde « une évolution qui pourrait mettre en danger la cohérence historique et territoriale de notre droit de la nationalité ».
Pas de quoi les empêcher de siéger au sein d’un même exécutif, se défend Manuel Valls : « Je n’ai aucun problème à travailler avec Gérald Darmanin et Bruno Retailleau, dans ces moments-là, il faut réunir toutes les bonnes volontés, je le dis depuis des années. » Le Vendéen est l’un des rares à être monté au créneau pour le soutenir quand il s’est fait traiter « d’étron » (sic) par un auditeur de France Inter. « C’est un républicain de droite, je suis un républicain de gauche, mais nous avons une relation exceptionnelle avec Bruno Retailleau, nous partageons une même passion pour un Vendéen : Clemenceau », affirme le Catalan.
Jusqu’à quand se côtoieront-ils au gouvernement ? À 62 ans, celui qui a adhéré au Mouvement des jeunes socialistes en 1980 pour Michel Rocard mesure, assure-t-il, la fragilité de la vie politique. « À chaque fois que j’ai été aux responsabilités, dans mon fauteuil de maire, dans l’Hémicycle ou au Conseil des ministres, je me suis dit : “Pense qu’il y aura un dernier jour.” J’ai toujours su que j’étais de passage. » Mais qu’en politique, ce grand fauve le sait aussi, on n’est jamais mort.
honte, aux juifs-sans-dignité de ce site qui n’en finit pas de lécher le derrière de ce fascistoïde…