Pas de portraits d’otages brandis; pas de slogans martelés contre le gouvernement ou pour réclamer le retour immédiat des 101 personnes encore détenues à Gaza. Par Danièle Kriegel.
Juste le silence de quelques centaines de femmes, toutes vêtues de blanc et assises en rond, en ce mercredi après-midi, à Jérusalem, non loin du domicile du Premier ministre, Benjamin Netanyahou. Un sit-in silencieux qui, va durer trois heures. Régulièrement, les rangs se resserrent avec l’arrivée d’un nouveau contingent de femmes en blanc venu en autocar du centre du pays ou des habitantes de Jérusalem qui ont fini leur journée de travail.
Une nouvelle forme de protestation
Depuis plusieurs semaines, « Shift 101 », rebaptisé par certains « le mouvement des Femmes en blanc », organise devant différentes institutions gouvernementales, à Jérusalem,- et depuis vendredi dernier à Tel-Aviv – des rassemblements silencieux et non violents.
À l’origine de cette initiative, le psychanalyste et psychiatre, Yoram Yovell. C’est lui qui a suggéré les bases conceptuelles de cette nouvelle forme de protestation, entre désobéissance civile non violente sur le mode de Mahatma Gandhi dans sa lutte pour l’indépendance de l’Inde et principes du Bouddhisme Thibétain.
Après avoir dit oui au projet, des mères d’otages ont mis sur pied le premier rassemblement silencieux organisé début novembre, à Jérusalem, devant la Knesset, le parlement israélien. Depuis, via un groupe WhatsApp, Shift 101 annonce les dates et les heures des protestations à venir. Sans révéler les lieux des sit-in, afin d’empêcher la police de bloquer l’accès au lieu choisi.
« C’est finalement tout ce qu’il nous reste »
Rester assises en silence pendant des heures, sous l’œil de policiers qui peuvent à tout moment vous demander de dégager ou être en proie à la vindicte de passants mécontents ou encore de soutiens du gouvernement qui vous insultent, c’est inédit en Israël.
Celles et ceux que nous avons rencontrés ce mercredi après-midi en conviennent. Mais pour Lotem, Nurit, Patricia, Raphaël, l’important est d’être là pour soutenir les familles d’otages dans leur combat.
« Je serai là qu’il s’agisse de protestation silencieuse ou de manifestation bruyante« , nous explique Lotem, volontaire dans l’organisation logistique des actions de « Shift 101 ».
Pour Nurit, 71 ans, venue tout exprès de Galilée, être là est une évidence : « Tous les samedis soir je me rends aux rassemblements de soutien, place des otages à Tel-Aviv. Alors, au moment où les mères ont décidé de faire des sit-in silencieux, j’ai répondu présente. Et pour qu’il y ait le plus de monde possible, j’organise les déplacements en autocar ou en voiture de ceux qui ont rejoint le mouvement. »
Même sentiment de la part de Patricia : « Pour moi c’est une question de solidarité. Je m’identifie aux mamans des 101 otages. Et puis je pense que venir ici, cela leur donne de la force pour poursuivre leur lutte. »
Mobilisé auprès des familles d’otages depuis près de 14 mois, Raphaël a le sentiment d’avoir tout essayé : « Après avoir crié, battu le pavé, lancé une tonne de slogans, tout ce qui nous reste c’est finalement de s’asseoir et de marquer notre présence autour des mères d’otages. Si, ce qu’elles me demandent c’est de participer à cette nouvelle forme de protestation, alors je dois faire l’effort de venir. Car, c’est tout ce qu’elles ont : ce soutien. »
Blocage du gouvernement
Pour l’heure, ni les Femmes en blanc, ni les manifestations du samedi soir pour le retour immédiat des 101 otages encore détenus à Gaza, n’ont fait fléchir Benjamin Netanyahou et ses ministres. Leur priorité reste la victoire totale sur le Hamas.
La semaine dernière, lors de la réunion d’une commission parlementaire, en présence de proches d’otages, Itamar Ben Gvir, le ministre de la police, ultra-droite et fervent promoteur de la recolonisation à Gaza, a été très clair : « Je ne libérerai pas mille ‘Sinwars’ (ndlr : surnom donné aux combattants du Hamas en référence au nom de leur ex-leader, Yahya Sinwar, tué en octobre dernier)« .
Or, refuser tout échange de prisonniers palestiniens contre les otages détenus à Gaza, c’est, en d’autres termes, bloquer toute possibilité d’accord mettant fin à la guerre à Gaza.
Par Danièle Kriegel, correspondante à Jérusalem