Disparition : Niels Arestrup, l’ombre et la lumière

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Magnétique et prodigieux, Niels Arestrup aura brillé dans des figures d’autorité : mafieux, avocat, général d’armée, directeur de cabinet. Inquiétant, il pouvait aussi se montrer étrangement émouvant. L’acteur est décédé à l’âge de 75 ans.

Jeune homme, il ressemblait vaguement à Marlon Brando. En 1971, encore inconnu, il sait que son idole tourne à Paris « Le dernier tango ». Il le piste et parvient à le croiser au milieu de la rue de Vavin, le temps d’un feu rouge. Un regard que Niels Arestrup n’oubliera jamais. Il a 23 ans. Sa carrière peut démarrer.

Comme tant de comédiens de sa génération, il s’est formé dans les ateliers de Tania Balachova. Au cours des années 1970, il enchaîne les petits rôles pour Alain Resnais , Chantal Akerman, Claude Lelouch… Sur scène, on le voit au Théâtre de poche de Bruxelles ou à l’Atelier à Paris. Il traverse les années 1980 dans des films un peu oubliés comme « La dérobade » ou « La femme flic ». Il lui faudra des rides, des cernes, des cheveux blancs pour poser son personnage. Au cinéma, Arestrup prend son envol dans ses deux dernières décennies.

Au tournant du millénaire, il devient ce vieux monsieur taillé dans l’acier. Jacques Audiard fait de lui le père immoral de « De battre mon coeur s’est arrêté ». Puis, dans « Un prophète », l’inoubliable caïd de prison, capable de vous arracher l’oeil à la cuillère.

Chevalier désarçonné

Par son nom et sa blondeur, hérités de son père ouvrier danois, Arestrup impose un exotisme inquiétant dont il sait jouer. Dans « Diplomatie » (2014) de Volker Schlöndorff, il interprète le général Dietrich von Choltiz, qui renonça à raser Paris en 1944. S’il glace le sang sous l’uniforme nazi, c’est qu’on sent qu’il pourrait bien prendre une telle décision.

L’acteur, on le sait, était ou avait été un vrai violent. Au moins quatre de ses partenaires ont souffert de son comportement brutal : Miou Miou, Maria Schneider, Myriam Boyer, Isabelle Adjani. Il disait avoir « tout essayé » pour se défaire d’une réputation qui, à vrai dire, appartenait aussi à son image ombrageuse. Niels Arestrup n’avait pas tout essayé : publiquement du moins, il ne s’est jamais excusé.

Mais si ses compositions fascinent, c’est surtout qu’il ménage une faille dans les figures d’autorité qu’il interprète. Immense acteur de théâtre, il doit à Bernard Stora sa dernière grande partition de cinéma. Dans « Villa Caprice » (2020), Niels Arestrup est un avocat vieillissant qui se pense invincible et se laisse piéger par un milliardaire joué par Patrick Bruel. A la fin, on le suit sur une plage, brisé, solitaire et défait. Chevalier désarçonné, émouvant dans sa soudaine faiblesse.

Son autobiographie, « Tous mes incendies », s’ouvre par cette phrase énigmatique : « ma vie n’est pas très intéressante ». Il ajoutait encore : « pour le meilleur et pour le pire, je n’ai jamais été autre chose qu’un acteur ».

Adrien Gombeaud