Il n’y a pas de génocide à Gaza, par BHL

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Le philosophe rappelle pourquoi l’accusation de « génocide » visant la guerre que mène Israël à Gaza n’a aucune pertinence, n’en déplaise au pape François. Par Bernard-Henri Lévy.

C’est devenu, chez les ennemis d’Israël, un leitmotiv.

Israël (né d’une guerre de libération nationale réussie) n’est pas seulement un « fait colonial ».

Israël (dont un citoyen sur cinq est palestinien et jouit, comme il se doit, de l’intégralité des droits civiques) n’est pas seulement un « État d’apartheid ».

L’État hébreu, à en croire cette vox populi mondialisée, serait un État génocidaire, et il devient, ce mot de génocide, le mot magique, le mot qui tue, le mot qui déshumanise et qui, divine surprise, exonère de toute responsabilité les Européens et, au-delà des Européens, le monde, qui ont massacré les Juifs, siècle après siècle, par millions, avant, il y a quatre-vingt-deux ans, de mettre en œuvre la « solution finale ».

Cette accusation court les ONG et les chancelleries.

Elle enflamme les pogromistes d’Amsterdam ; les dérouleurs de bannière géante au Parc des princes ; les ministres espagnols hantés par 1492 ; les politiques belges montrant patte blanche aux islamistes ; les nervis wokes de Harvard et de Princeton ; les prétendus « Insoumis » qui, à Paris, rêvent d’un État palestinien allant de la Méditerranée au Jourdain et verraient bien jeter à la mer les 8 millions de Juifs qui vivent aujourd’hui sur cette terre.

Et la voilà enfin relayée par l’une des voix les plus fortes, les plus nobles et, surtout, les plus officiellement infaillibles de notre temps : celle du pape François qui, dans un livre paraissant ces jours-ci, se fait l’écho d’« experts » selon lesquels « ce qui se passe à Gaza » aurait « les caractéristiques d’un génocide » et demande que l’on « étudie » cette accusation « attentivement ».

Or, n’en déplaise au chef d’une Église qui a tant fait pour sceller l’alliance avec les Juifs, cette « étude attentive » n’a pas lieu d’être.

On peut pleurer – c’est mon cas – les victimes civiles de Gaza : on ne peut pas dire d’une armée qui prévient avant de tirer, qui inonde les quartiers qu’elle s’apprête à bombarder de messages adjurant les habitants de ne pas rester, qu’elle est une armée génocidaire.

On peut trouver – c’est aussi mon cas – que ce n’est pas une vie d’être, au gré des combats, ballotté du nord au sud, puis du sud au nord, et de vivre dans des logements de fortune, parfois des tentes : une tente n’est pas une chambre à gaz ; les corridors d’évacuation, ouverts quotidiennement pour pouvoir se mettre à l’abri, ne sont pas des chemins de la mort ; et, si les civils ne sont pas plus nombreux à les emprunter, c’est parce que le Hamas les tient en otage et s’en fait des boucliers.

On peut estimer – c’est déjà moins certain, mais enfin… – que le Cogat, la Coordination israélienne des activités gouvernementales dans les Territoires, n’achemine pas assez d’aide humanitaire à Gaza : des centaines de convois passent tous les jours ; s’il n’en passe pas davantage, c’est, de nouveau, la responsabilité du Hamas, qui soit les bloque de l’autre côté de la frontière, soit en confisque la cargaison pour la revendre ; et il n’y a, côté israélien, aucune limite à ces mouvements.

Et je ne parle même pas de cette sœur cadette de feu Ismaïl Haniyeh, le chef du Hamas, soignée dans un hôpital du sud d’Israël… ou de cette campagne de vaccination organisée en pleine guerre et qui a touché 90 % des enfants gazaouis… ou, il y a dix jours, de ces 231 petits atteints de maladies rares et transportés vers des hôpitaux émiratis qui étaient seuls en mesure de les traiter…

A-t-on jamais vu pareils « génocidaires » ?

Imagine-t-on la Wehrmacht prévenir : « Mesdames et messieurs les Juifs… nous nous apprêtons à attaquer… ou à vacciner… prière d’évacuer sans délai vos ghettos et vos shtetls… merci d’emprunter les corridors prévus à cet effet… » ?

La vérité est que j’ai un peu « étudié » ces sujets.

J’ai vu des génocides (Srebrenica, Darfour).

J’ai filmé les torturés d’Al-Qaïda en Afghanistan et les corps brûlés vifs, jetés du haut des toits, décapités, de Daech à Mossoul.

J’ai documenté sur le terrain, les tueries, pour le coup indiscriminées, de la Russie en Ukraine.

J’ai couvert, bien avant cela, les carnages du FIS en Algérie, auxquels a échappé Kamel Daoud.

Bref, je sais ce que sont des êtres promis à la mort.

J’ai vu des squelettes exploités jusqu’à leur dernière force et, quand cette force a expiré, jetés à la fosse.

J’ai une idée assez claire, autrement dit, de ce que génocide et crime contre l’humanité signifient.

Et je vois bien que l’on oublie, dans cette guerre d’Israël contre l’Iran et ses marionnettes, que Tsahal est la première armée au monde à prendre autant de mesures pour qu’il y ait le moins possible d’innocents pris dans la fournaise des batailles.

Ainsi se forgent les mythes.

Ainsi passe-t-on du complot judéo-maçonnique, ou judéo-bolchévique, ou judéo-capitaliste, à la conspiration judéo-génocidaire dont tous les Juifs du monde seraient plus ou moins complices.

Et ainsi outrage-t-on, non seulement la vérité des faits et des noms, mais la sainte mémoire des morts des génocides du dernier siècle.

Par Bernard-Henri Lévy

Source lepoint

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