L’armée israélienne en pénurie d’effectifs connaît de plus en plus de défections parmi les 300.000 réservistes mobilisés pour de très longues périodes dans les combats menés par Tsahal dans la bande de Gaza et au Liban.
« Si je suis rappelé, je vais y réfléchir à deux fois avant de me présenter, c’est trop dur pour moi » : ce témoignage de Yoav, un réserviste, qui a effectué plus de 300 jours de réserve en 13 mois a été diffusé par Galei Tsahal, la radio de l’armée israélienne. Tsahal a ainsi reconnu publiquement une baisse de motivation dans les rangs des 300.000 réservistes, qui ont été mobilisés, à un moment ou un autre, depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza et au Liban.
Selon l’armée, le pourcentage de réservistes, c’est-à-dire des Israéliens qui ont effectué un service militaire de 32 mois avant d’être appelés pour des périodes de réserve jusqu’à l’âge de 40 ans , n’est plus que de 80 % alors qu’il dépassait les 100 % au début des combats lorsque des civils s’étaient portés volontaires pour réendosser l’uniforme sans avoir reçu d’ordre de mobilisation à la suite de l’énorme de choc provoqué par les massacres commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre de l’an dernier.
Burn-out
Dans certaines unités combattantes particulièrement exposées, la situation est bien pire, selon le quotidien « Jerusalem Post », avec un taux de 50 % de refus de réservistes. Parmi les raisons avancées figure essentiellement ce qui a tout d’un syndrome de « burn-out », plus que d’une manifestation contre la poursuite de la guerre. « Je ne peux plus continuer, mes enfants grandissent sans voir leur père », a expliqué Yonatan, un autre réserviste à la radio de l’armée, après avoir passé 150 jours en un an à crapahuter sur le terrain et mettre sa vie en danger.
Vie de famille chaotique
A ces dangers sur le terrain s’ajoutent une vie familiale chaotique, des carrières professionnelles interrompues et des patrons des commerces et autres petites entreprises dont la survie est menacée notamment dans les régions les plus explosées aux tirs de roquettes, de missiles et de drones du Hezbollah ou du Hamas au nord et au sud du pays. De nombreux étudiants ont perdu une si ce n’est deux années d’études. A tout cela il faut ajouter le sentiment d’une profonde injustice . Quelque 63.000 « haredim », des jeunes de la communauté des ultraorthodoxes, qui regroupe 12 % de la population israélienne, continuent à être exemptés de service militaire pour se consacrer à leurs études religieuses. Un privilège, qui est de plus en plus mal supporté par l’immense majorité des laïcs.
Malgré tout, le gouvernement de Benyamin Netanyahou, dont la survie dépend du soutien de deux partis religieux hostiles à la moindre conscription, veut faire passer une loi permettant de légaliser ces exemptions que la Cour suprême a jugées illégales. L’armée, qui manque de 10.000 hommes fait pression pour obtenir des effectifs supplémentaires en appelant quelque 7.000 « haredim » sous les drapeaux.
« Corvéables à merci »
Parmi les autres mesures envisagées pour regarnir les rangs de Tsahal en cours de discussions au Parlement, figurent l’allongement du service militaire obligatoire de 32 à 36 mois, l’âge limite pour l’appel aux réservistes de 40 à 45 ans pour les soldats, et de 45 à 50 ans pour les officiers. L’armée réclame également une revalorisation des soldes pour les jeunes officiers qui sont moins bien payés que les policiers ou les gardiens de prison, ce qui les incite à quitter l’uniforme pour trouver des emplois mieux rémunérés dans le secteur privé.
Comme le souligne le général de réserve, Ofir Cohen, chargé de la gestion des réservistes : « ils ne doivent pas être considérés comme du matériel utilisable sans limite, corvéable à merci, sinon nous allons atteindre un point où personne ne voudra plus porter le fardeau, qu’il faut impérativement partager de façon équitable ».
Pascal Brunel
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