Raphaël-David Lasseri veut distinguer le vrai du faux

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Ce physicien, Raphaël-David Lasseri, passionné d’IA a lancé Magic Lemp et rentre en guerre contre la désinformation qui pullule sur la Toile.

Son invention pourrait se révéler précieuse aux démocrates, soucieux, après l’élection de Donald Trump, de traquer les fake news. Car à 30 ans, Raphaël-David Lasseri promet, via sa société Magic Lemp, spécialisée en intelligence artificielle, de remonter aux origines de l’information. S’appuyant sur l’IA, sa plateforme Pluralisme répertorie et analyse les discours, politiques bien sûr, mais aussi, potentiellement, en entreprise. De quoi permettre à l’utilisateur de remonter aux sources des prises de paroles et autres reportages. Par exemple, lors de la campagne, Kamala Harris a-t-elle traité Donald Trump de « fasciste » ou est-ce l’inverse ? « Les deux », dévoile Raphaël-David Lasseri.

« L’idée de m’engager contre la désinformation m’est venue après une discussion avec un chauffeur Uber qui a cherché durant tout le trajet à me convaincre que la terre était plate, explique ce patron, en déplorant le déversement de fausses informations sur la Toile. Cela m’a donné envie de concevoir un système qui aide à distinguer le vrai du faux ».

L’encyclopédie Diderot

Après l’Allemagne, la France et l’Uruguay, Pluralisme se déploie, depuis octobre, aux Etats-Unis. Car Raphaël-David Lasseri ne manque pas d’ambition. Le modèle de ce docteur en physique nucléaire théorique ? L’encyclopédie de Diderot au 18ème siècle, à savoir, l’accès à des données ordonnées « sur fond d’infobésité». Apprendre le captive. « Enfant, je lisais une quantité industrielle de livres », se souvient-il.

Sachant coder à 8 ans, bachelier à 14, il a grandi entre Nice et Jérusalem en suivant l’essentiel de ses cours à distance, entouré de parents médecins. Son grand-père l’a sensibilisé aux mathématiques et à l’histoire. Il a achevé ses études à l’Ecole Normale Supérieure de Paris-Saclay avant d’entamer une carrière de chercheur au Commissariat à l’énergie atomique et au CNRS, tout en s’intéressant aux possibilités de l’IA pour modéliser des phénomènes nucléaires complexes.

« A 21 ans, c’était déjà quelqu’un de très mûr scientifiquement. Il était rapide d’esprit et très curieux », se souvient Elias Khan, son directeur de thèse, professeur à l’université de Paris Saclay. Il s’amuse de l’impatience de Raphaël-David Lasseri, lorsqu’il jugeait qu’une personne ou un organisme n’étaient pas assez rapides ou efficaces. « Il a une grande puissance de raisonnement et un esprit transversal. Je ne suis pas surpris qu’il ait crée une entreprise dans le secteur de l’IA, il y a six ans déjà », ajoute-t-il.

1.000 euros au capital

En effet, Raphaël-David Lasseri n’a pas voulu rester entre les murs de la recherche. Sa société Magic Lemp, qu’il dirige avec son associé Thomas Epalle, physicien également, compte une vingtaine de salariés et affiche une croissance annuelle de plus de 30%. Le duo évalue le chiffre d’affaires à… quelques millions d’euros. Il n’en diront pas plus.

Et pourtant. « Venu du monde de la physique et non d’une école de commerce, nous n’étions pas vus comme des dirigeants crédibles, s’agace le trentenaire, en reprochant également à l’écosystème de ne pas mieux intégrer les scientifiques en dehors du monde académique. Notre pays crée de bons cerveaux qu’il n’emploie pas à hauteur de leur potentiel ». Celui, dont l’épouse, «matheuse», oeuvre dans les assurances, avait « envie de créer une boîte de chercheurs qui ait un impact direct sur la société». Magic Lemp a démarré en 2018 avec 1.000 euros. Elle compte désormais parmi ses clients le Sénat, le ministère de l’Intérieur, des Armées, Hachette, des fonds d’investissements et plusieurs PME. Quant à son parcours de physicien, Raphaël-David le doit à son père.

Ainsi, c’est à peine sorti de sa barboteuse, que les yeux écarquillés devant la lune, le futur entrepreneur a scellé son avenir. « C’était en aout. J’avais 3 ans et demi. Mon père avait acheté un télescope, dit-il. Je me suis dit que lorsque je serai grand, je travaillerai à comprendre comment fonctionne l’univers ». Un enfant ne perd pas son temps en s’allongeant dans l’herbe pour rêver sous les étoiles. Parfois, il prépare son futur…

Par Henri de Lestapis