Fondée en 2017, l’association Israël is Forever veut « mobiliser les forces sionistes francophones ». En réalité, elle se fait le porte-voix radical d’une classe politique israélienne favorable à la colonisation et ne s’interdit pas de se rapprocher de l’extrême droite en France.
Si vous avez 260 euros à dépenser, vous pouvez vous offrir un aller simple pour l’enfer de l’extrême droite israélienne, invitée VIP d’une soirée organisée le 13 novembre à Paris. Bezalel Smotrich, ministre des Finances israélien mais surtout colonisateur en chef de la Cisjordanie, se voit dérouler le tapis rouge par l’association Israël is Forever, qui, sur l’affiche de son gala, annonce « la présence exceptionnelle » de ce suprémaciste juif. Ce dernier a pour lui sa lucidité, puisqu’il se décrit lui-même comme un « raciste homophobe. » Dans le documentaire « Les ministres du chaos », diffusé sur Arte, Bezalel Smotrich évoque une extension progressive d’Israël de Jérusalem à Damas, en Syrie, mais aussi en Irak et en Jordanie. Partisan de la colonisation de Gaza, il avait déjà déclaré que les « Palestiniens n’existaient » pas ; et que le Hamas était « la chance d’Israël ». Le ministre a aussi fondé Regavim, une association qui s’emploie à démanteler les constructions palestiniennes en Cisjordanie, et a été nommé « administrateur » de la Cisjordanie occupée, ce qui consiste à organiser et protéger le développement des colonies en Israël.
Mais qui donc a pu se dire que recevoir un tel personnage était une bonne idée ? Cette association, Israël is Forever, est en quelque sorte le relai français de la droite radicale israélienne. Elle a été créée en 2015 par un certain Jacques Kupfer, décédé l’an dernier. L’ancien président du Likoud France était connu en Israël pour des positions qui allaient bien au-delà du parti de droite qu’il entendait représenter.
Dans un portrait que lui consacre Haaretz en 2020, juste avant sa nomination au sein de l’Organisation sioniste mondiale, on apprend, entre autres, qu’il avait désigné les députés arabes de la Knesset comme des « terroristes » et des « ennemis de l’Ètat » et s’opposait à ce que les Arabes d’Israël aient le droit de vote. Il avait déclaré regretter qu’Yitzhak Rabin ait été assassiné, parce qu’il aurait dû être jugé par un tribunal militaire pour le punir d’avoir signé les accords d’Oslo. Mais il était surtout partisan à l’extrême de la colonisation en Cisjordanie, déclarant : « je ne suis pas sûr que nous ayons besoin d’autant d’Arabes sur la Terre d’Israël ». L’organisation Ameinu USA avait alors jugé « très inquiétante » sa nomination à l’Organisation sioniste mondiale.
Depuis le décès de Jacques Kupfer, Israël is Forever a été repris par sa fille Nili Kupfer-Naouri, qui s’est apparemment mise au défi de supplanter la radicalité de son père. Dernier tweet en date à la rédaction de cet article : « De la mer au Jourdain, il ne peut y avoir qu’un seul État : l’État d’Israël. » Celle-ci s’est rendue, en février dernier, à la frontière égyptienne pour empêcher l’aide humanitaire d’être livrée à Gaza en compagnie de plusieurs membres d’Israël is Forever. « Le Hamas ne va pas de bonté d’âme libérer nos otages si nous donnons des camions humanitaires à la population civile de Gaza. De toute façon, il n’y a pas de population civile innocente à Gaza », avait-elle déclaré. Sur une autre vidéo, elle avait même appelé tout simplement à « raser complètement Gaza », afin qu’il « ne reste rien de Gaza et qu’on puisse y installer une grande réimplantation juive, si Dieu le veut ». Nili Naouri a même réussi à se mettre à dos les autorités israéliennes : elle été interdite trois mois de visite sur le Mont du temple, à Jérusalem, pour y avoir brandi un drapeau en chantant l’hymne national israélien.
En visite chez les colons
L’association Israël is Forever, quand elle ne fait pas la fête avec le ministre des Finances israélien Smotrich, s’en tient à « mobiliser les forces sionistes francophones ». Elle aide surtout les Juifs français à organiser leur alya, quand il ne s’agit pas de les convaincre que leur place n’est plus en France. « La seule place d’un Juif est sur la Terre d’Israël » écrit le coordinateur Haïm Berkovits dans un éditorial publié en janvier. Avant de s’appuyer sur la menace antisémite, bien réelle : « Doit-on faire confiance à ceux qui, dans le passé, ont pactisé avec les nazis ? Doit-on placer notre sécurité entre les mains d’un gouvernement étranger ? »
À plusieurs reprises, l’association s’en prend au grand rabbin de France Haïm Korsia, ou au CRIF, le Conseil représentatif des institutions juives de France, toutes deux accusées, plus ou moins, d’islamo-gauchisme et surtout de ne pas suffisamment encourager les Juifs de France à quitter le pays. Israël is forever reproche aussi au CRIF d’avoir appelé à ne donner « aucune voix juive » à Zemmour aux présidentielles de 2022, quand le candidat de Reconquête a réalisé des scores plus élevés dans les quartiers de résidence de la population juive que la moyenne nationale. À Sarcelles, selon les travaux de Jérôme Fourquet, Zemmour a dépassé les 35%.
Les Français d’Israël ont également plébiscité le polémiste, notamment dans la ville de Nétanya, où vit une importante population française. Ici, Éric Zemmour a obtenu une majorité absolue dès le premier tour. Dans les newsletters de l’association, les termes de « gangrène islamiste », « grand remplacement » reviennent régulièrement, notamment parce qu’elles trouvent leur source dans des médias d’extrême droite, comme Valeurs actuelles ou Dreuz.info. Le « monde occidental » est aussi régulièrement fustigé, comme « ayant complètement perdu ses repères et ses racines qui n’existent plus », comme n’ayant pas les clefs pour comprendre la façon dont il faut faire la guerre au Moyen-Orient.
Israël is Forever, c’est aussi des sorties en présentiel, à commencer par un grand défilé organisé chaque été dans la ville d’Hébron, événement nommé « Yom Hevron », en hébreu. La plus grande ville de Cisjordanie, où vivent près de 800 colons juifs, est placée sous contrôle de l’armée israélienne à laquelle l’association entend apporter tout son soutien. Le but de la journée ? « Montrer que nous sommes les véritables propriétaires », conviction religieuse, viscérale de l’extrême droite israélienne, qui dispense de tout débat sur la question palestinienne.
Coline Renault
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