La justice israélienne a confirmé l’existence d’une enquête sur le cabinet du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, pour une grave affaire de fuite de documents top secrets.
Quatre arrestations déjà, dont un porte-parole de Netanyahou, et ce n’est sans doute que le début. Tout commence le 2 septembre, dans une conférence de presse durant laquelle le Premier ministre israélien a montré face caméra des documents confidentiels obtenus selon lui par l’armée israélienne. Ces révélations prouvaient, comme c’est pratique, toutes les affirmations de Netanyahou : entre autres que les manifestations monstres contre lui étaient le résultat d’une campagne de désinformation du Hamas, et que les otages israéliens à Gaza seraient transférés en Iran via l’Égypte si Israël signait un accord de cessez-le-feu.
Le lendemain, ces documents étaient publiés par le tabloïd allemand Bild. Trois jours après, c’est le journal britannique Jewish Chronicle, choix tout aussi iconoclaste, qui avait la primeur d’autres documents, plus top secrets encore.
Des documents confidentiels… mais faux
Dans l’armée israélienne, c’est la stupeur. Car il y a en effet un twist assez embarrassant : l’enquête démontre rapidement que ces documents sont effectivement confidentiels, qu’ils proviennent effectivement du lac de données de l’unité secrète 8200, mais qu’ils sont des faux, forgés par Tsahal pour une opération de désinformation probablement destinée à tromper un officier égyptien. En fin de compte, elle aura réussi au-delà de toute espérance, puisqu’elle a fait tomber dans le panneau l’entourage du Premier ministre israélien.
Nous sommes donc très proches d’un roman d’espionnage classique, Notre Agent à La Havane de Graham Greene, où un paisible vendeur d’aspirateurs se voit proposer des sommes mirobolantes pour devenir agent des services secrets britanniques, se met à transmettre à Londres des événements qui n’ont existé que dans son imagination, allant jusqu’à faire passer les plans d’un aspirateur pour ceux d’une nouvelle arme top secrète des Soviétiques à Cuba.
Sauf que dans notre affaire, les implications sont graves pour les otages israéliens, et bien entendu pour des milliers de victimes palestiniennes.
Quelles pourraient être les conséquences de cette affaire pour Netanyahou ? L’arrestation jeudi de son porte-parole, Eliezer Feldstein, n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour lui. Difficile pour Netanyahou de prétendre qu’il ne savait rien de ce qui se tramait, ou d’accuser comme d’habitude les gauchistes, puisque le suspect est très proche de l’extrême-droite israélienne. Les trois autres suspects sous mandat d’arrêt, et ça ne s’invente pas, venaient d’une unité de sécurité chargée de lutter contre les fuites.
Je termine donc par une citation du vendeur d’aspirateur de Graham Greene : « On devrait rêver davantage, car au siècle où nous vivons, la réalité n’est pas une chose à regarder en face ».