Des associations juives en France se sont dites «dans le désarroi» après les déclarations du président français, qui a accusé Israël de «semer la barbarie».
«Outrance et gâchis»: le gouffre devient béant entre la communauté juive de France et le président Emmanuel Macron qui, après avoir appelé à stopper les ventes d’armes utilisées à Gaza, accuse Israël de «semer la barbarie».
«Comme une blessure»
«On parle beaucoup, ces derniers jours, de guerre, de civilisation ou de civilisation qu’il faut défendre. Je ne suis pas sûr qu’on défende une civilisation en semant soi-même la barbarie», a martelé le chef de l’État lors d’une conférence d’aide au Liban jeudi à Paris.
Une réponse sans équivoque au Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou qui affirmait encore mercredi, sur la chaîne française CNews, mener une «guerre de civilisation contre la barbarie» face aux mouvements islamistes du Hamas à Gaza et du Hezbollah au Liban. Et qui a aussitôt provoqué de vives réactions dans la communauté juive, tout comme ses propos rapportés sur le rôle de l’ONU dans la création de l’État d’Israël.
«Jamais dans l’Histoire une démocratie n’a accusé une autre démocratie de «semer la barbarie»», s’est ému le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), évoquant des propos «outranciers» ressentis «comme une blessure».
«Respecter le droit international»
Pour le Président de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) Yossef Murciano, «Macron nous replonge une nouvelle fois dans le désarroi». «Le Hezbollah, comme le Hamas, est une menace existentielle pour Israël et sa dimension d’État refuge pour les Juifs du monde entier», poursuit-il. Le Hamas a perpétré le pire massacre de Juifs depuis la Seconde Guerre mondiale le 7 octobre 2023 en Israël, déclenchant une riposte israélienne sans précédent à Gaza, avec des destructions massives.
«Lorsqu’on se revendique de la civilisation comme le fait Netanyahou, il faut montrer l’exemple et il faut respecter le droit international», réplique de son côté le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot. «Ce n’est pas faire offense au peuple d’Israël et au peuple juif de rappeler constamment le gouvernement à ses obligations», dit-il. Mais pour beaucoup, le mot «barbarie» est «extrêmement chargé»: il renvoie à «terrorisme et groupes jihadistes», pointe Marc Hecker, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Position française rééquilibrée
«La communauté juive vit un malaise qui renvoie à celui vécu à l’époque du général de Gaulle lorsqu’il avait qualifié les Juifs de «peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur»», en réaction à la Guerre des Six Jours en 1967, et décidé d’un embargo sur les armes à Israël, commente encore le président du Crif Yonathan Arfi. «Ça avait été un traumatisme pour les Juifs de France», rappelle-t-il à l’AFP. L’incompréhension est d’autant plus forte que depuis 2017 le chef de l’État a «montré à maintes reprises sa proximité avec Israël et le peuple juif», souligne Frédéric Haziza, chef du service politique de la station communautaire Radio J. Et si tous les Juifs de France ne soutiennent pas le Premier ministre israélien», «il est un point qui fait l’unanimité, c’est l’existence d’Israël et son droit à se défendre», souligne-t-il.
Après un soutien sans réserve à Israël au lendemain du 7-Octobre, le président Macron a rééquilibré la position française en direction du monde arabe tout en réaffirmant son attachement à la sécurité d’Israël. Pour Agnès Levallois, de l’Institut de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, le chef de l’État a «donné plein de gages au Premier ministre israélien et n’a été remercié en rien», notamment pas par le cessez-le-feu espéré au Liban, d’où sa colère et l’escalade verbale depuis plusieurs semaines avec Benyamin Netanyahou.
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