30 mois de prison contre une militante propalestinienne antisémites

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Amira Z. était jugée lundi notamment pour «apologie du terrorisme» et de «crime contre l’humanité» après une série de messages publiés sur le réseau social X.

Amira Z. a-t-elle changé ? La fondatrice de l’association «Nice à Gaza», figure locale parmi les plus radicales de la cause palestinienne, qui estimait il y a quelques mois que l’attaque du 7 octobre 2023 en Israël était «de la légitime défense pour les Palestiniens» ou encore que le chef du Hamas Yahya Sinwar – surnommé «le boucher de Khan Younès» – était «le nouveau visage de la résistance», a tenté d’expliquer lors de son procès lundi qu’elle n’en pensait plus rien. Cette aide-soignante de 34 ans de nationalité française et domiciliée à Vence (Alpes-Maritimes) était jugée devant le tribunal correctionnel de Nice pour une série de tweets antisémites publiés entre le 27 juin et le 7 septembre. Pas moins de 13 infractions lui étaient reprochées parmi lesquelles «apologie du terrorisme», «provocation à la haine, à la violence et à la discrimination» ou encore «apologie de crimes contre l’humanité».

«Le 7 octobre est un acte terroriste», a-t-elle déclaré dès le début de l’audience, façon de montrer patte blanche. Un revirement qui aurait germé, à l’en croire, dans les geôles de la maison d’arrêt de Nice où elle vient de passer un mois en détention provisoire. «Je suis à 32 jours de détention», n’a-t-elle pas manqué de rappeler en ce sens au président. Dénonçant tantôt «l’islamophobie» de la France, tantôt la «lâcheté infinie» du maire de Nice Christian Estrosi qui brandirait «le drapeau de la honte» (celui d’Israël, installé sur le fronton de la mairie depuis le 7 octobre), la jeune femme avait partagé ou écrit des propos d’une telle violence sur le réseau social X qu’une enquête avait fini par être ouverte et confiée à la police judiciaire. Lors de la perquisition de son domicile le 17 septembre, les enquêteurs avaient notamment découvert des ouvrages de l’islamologue suisse Tariq Ramadan.

Humour et maladresse

En garde à vue, Amira Z. avait reconnu être l’auteure de l’intégralité des messages, tels «La destruction d’Israël est imminente» ou bien «Depuis le 7 octobre, je suis antisémite». Que dire encore de cette citation reprise dans un tweet : «Hitler a fait une grosse erreur. Il aurait dû vous mettre tous dans les chambres à gaz». Quand le maire de Nice Christian Estrosi avait adressé ses pensées à la famille et aux proches de six otages israéliens dont les corps meurtris venaient d’être découverts, la prévenue s’était fendue d’un tweet des plus cyniques : «Mazel Tov !» (Félicitations en hébreu).

Devant le tribunal, l’intéressée, qui se serait formée à la religion musulmane sur internet et YouTube, confesse une forme de maladresse. «J’aurais dû formuler autrement», déclare-t-elle. «Ça se reformule comment ‘Je suis antisémite’?», l’interroge la partie civile, constituée de la Licra, du Crif, de l’Organisation juive européenne (OJE) et de l’avocat d’un soldat franco-israélien victime de la haine en ligne. «Je suis antijuifs», lui rétorque aussitôt Amira Z., avant de préciser qu’elle n’est, bien sûr… pas «antijuifs». À l’en croire et à en croire son conseil Me Sefen Guez-Guez, seul le sionisme politique aurait été la cible de ses propos.

Mère d’une fillette de douze ans, la prévenue est aussi poursuivie pour avoir relayé et commentée une caricature montrant des oiseaux avec des becs plus ou moins crochus. Là-dessus, cette dernière joue la carte de l’humour. «En quoi était-ce drôle ?», la questionne la procureure Sabine Neale.

La prévenue : «C’est l’esprit Charlie Hebdo !»
La procureure : «En fin de compte, quel est le moteur de ces diffusions à répétition ?»
La prévenue : «C’est le génocide en cours en Palestine madame.»
La procureure : «Et ça justifie ce tout ce que vous avez publié ?»
La prévenue : «Oui.»
La procureure : «Avez-vous conscience que certains de vos messages appellent à la haine ?»
La prévenue : «Je reconnais mes propos. Ça a été très violent, mais je ne reconnais pas la façon avec laquelle c’est interprété.»

Son avocat, Me Sefen Guez Guez tente de rattraper sa cliente, lui demandant ce qu’elle désire à présent. «Une paix, un apaisement. Cette guerre a fracturé notre société. Je trouve ça dommage que l’on ne pleure pas ensemble le 7 octobre, déclare-t-elle en laissant s’échapper quelques larmes. C’est dommage que Christian Estrosi ne brandisse qu’un seul drapeau (Celui d’Israël, NDLR). Ce genre de drapeau divise les Niçois. Faire un hommage aux victimes palestiniennes ne veut pas dire soutenir le Hamas».

MDavid Rebibou, du Crif Sud-Est, pointe «une forme de schizophrénie» chez la prévenue. «On ne sait pas qui le tribunal a en face de lui, la repentie qu’elle dit être ou celle qui derrière son écran écrivait des messages plus haineux les uns que les autres. Il aura fallu son interpellation pour que les messages s’arrêtent !» Une avocate de l’OJE se veut beaucoup plus claire : «Moi je ne crois absolument pas aux regrets de madame. Je ne sais toujours pas ce qu’elle pense. En tant que citoyenne française, ce type de personne me fait peur. C’est la porte ouverte à toutes les dérives. On n’a absolument pas quelqu’un qui est dans le regret», tempête-t-elle à la barre.

«Primairement antisémite»

Même son de cloche du côté de la procureure dans son réquisitoire. «Madame est dans la rupture pas dans l’apaisement. Madame Z. est devenue très primairement antisémite», a-t-elle déclaré avant de requérir une peine de 30 mois d’emprisonnement, dont 18 mois avec sursis sous bracelet électronique. Une peine assortie d’une privation du droit d’éligibilité pendant dix ans et de l’inscription au fichier des auteurs d’infractions terroristes. L’avocat de la prévenue a quant à lui plaidé la relaxe, assurant que sa cliente avait compris la gravité des faits qui lui sont reprochés et qu’elle ne réitérerait pas. La décision a été mise en délibéré et sera rendue le 4 novembre. D’ici là, Amira Z. reste en détention. Elle encourt au maximum une peine de sept ans d’emprisonnement.

Source lefigaro