L’histoire de Christophe Colomb, un explorateur espagnol aux origines juives

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Une nouvelle enquête scientifique, menée pendant plus de deux décennies, a révélé que Christophe Colomb, le célèbre navigateur qui a découvert l’Amérique en 1492, pourrait en réalité être né en Espagne et non à Gênes comme la tradition l’a longtemps soutenu. Ce serait également un Juif séfarade, dissimulant ses origines pour échapper aux persécutions religieuses. Cette hypothèse soulève des questions sur l’histoire connue du navigateur et ouvre de nouvelles perspectives sur ses motivations et son parcours.

Christophe Colomb, figure emblématique de l’histoire mondiale, a longtemps été perçu comme un explorateur italien originaire de Gênes. Pourtant, une récente étude génétique, menée par José Antonio Lorente de l’Université de Grenade, remet en question cette origine traditionnellement acceptée. Après plus de vingt ans de recherches, son équipe a révélé que Colomb serait en fait né en Espagne, dans une famille juive séfarade.

Cette enquête, dont les résultats ont été dévoilés dans un documentaire diffusé par la chaîne publique espagnole RTVE, s’appuie sur l’analyse d’échantillons ADN prélevés sur les restes supposés du navigateur et de ses proches. À travers cette découverte, c’est une nouvelle facette du célèbre explorateur qui émerge, en plein cœur d’une Espagne marquée par les expulsions religieuses et les conflits identitaires du XVe siècle.

Une enquête génétique controversée

L’origine de Christophe Colomb a suscité des débats passionnés parmi les historiens pendant des siècles. La version la plus répandue le présente comme un Italien né à Gênes en 1451. Mais de nombreuses théories alternatives ont vu le jour au fil des ans. Certains chercheurs ont suggéré qu’il pourrait avoir une origine espagnole, portugaise, grecque, voire britannique. Ces théories reflètent l’importance de Colomb dans l’histoire. Elle témoignent de la volonté de plusieurs nations de revendiquer cet explorateur. Ses voyages ayant marqué l’expansion européenne en Amérique.

Cependant, une étude récente, dirigée par José Antonio Lorente, professeur à l’Université de Grenade, a apporté des éléments génétiques inédits et surprenants. Ils remettent en question cette version traditionnelle. Selon cette recherche, Colomb serait né dans la région méditerranéenne espagnole, à Valence, certes. Néanmoins, il appartiendrait à une famille juive séfarade. Lorente et son équipe ont en effet identifié des marqueurs génétiques dans l’ADN de Colomb et de ses proches. Ils suggéreraient une origine juive.

L’étude a commencé en 2003 avec l’exhumation des restes supposés de Colomb dans la cathédrale de Séville. Il y reposait depuis la fin du XIXe siècle. Les chercheurs ont également recueilli des échantillons d’ADN sur les ossements de son fils Fernando et de son frère Diego. Ils purent ainsi les comparer à des données généalogiques et à d’autres profils ADN historiques. Ce travail a permis de tester les différentes hypothèses sur les origines de Colomb. Peu à peu, les résultats ont écarté l’hypothèse italienne qui prédominait jusque-là.

À la place, les indices pointèrent vers une une communauté juive séfarade de Valence. Ces résultats remettent en question plusieurs siècles de croyances établies. Ils soulèvent de nouvelles interrogations sur l’identité et la trajectoire personnelle de l’explorateur.

Les critiques de la communauté scientifique

Malgré la médiatisation de cette découverte dans un documentaire diffusé sur RTVE, la prudence reste de mise. Antonio Alonso, ancien directeur de l’Institut national de toxicologie et de sciences médico-légales en Espagne, a soulevé des préoccupations importantes dans un article du Guardian. Il déplore notamment l’absence de publication des données issues de l’analyse ADN dans une revue scientifique. Effectivement, pour lui, le fait que ces résultats aient été dévoilés directement à travers un programme télévisé sans passer par un processus de validation par des pairs affaiblit la crédibilité des conclusions avancées. Il craint que l’enthousiasme médiatique autour de cette annonce ne conduise à des interprétations hâtives ou imprécises.

D’autres experts, comme Rodrigo Barquera, spécialiste en archéogénétique à l’Institut Max Planck, ont également émis des réserves sur la portée des résultats. Bien que des marqueurs génétiques associés à des populations juives aient été identifiés, Barquera souligne que cela ne peut pas constituer une preuve définitive des origines géographiques exactes de Christophe Colomb… et bien sûr, ni de ses croyances religieuses. La génétique, selon lui, ne peut à elle seule décrire l’identité complexe d’un individu. Encore moins à une époque marquée par des persécutions religieuses et des migrations forcées. De plus, il rappelle que ces marqueurs génétiques pourraient être présents dans diverses populations sans nécessairement impliquer une ascendance séfarade spécifique.

Une origine cachée par crainte des persécutions

Le contexte religieux et politique de l’Espagne à la fin du XVe siècle joue un rôle crucial dans la compréhension de cette hypothèse sur l’origine de Christophe Colomb. En 1492, l’année de son célèbre voyage vers le Nouveau Monde, l’Espagne vivait une période de forte répression religieuse sous l’Inquisition. Les Rois Catholiques, Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, venaient de promulguer l’Édit d’Alhambra. Ce dernier ordonnait l’expulsion des Juifs non convertis. Les musulmans, également sous pression, devaient choisir entre la conversion au christianisme ou l’exil. Cette politique brutale de purification religieuse visait à renforcer l’unité catholique du royaume. Dans ce contexte, il est possible que Colomb, s’il était effectivement d’origine juive séfarade, ait choisi de dissimuler ses racines pour éviter d’être persécuté et pour conserver le soutien royal nécessaire à ses expéditions vers le Nouveau Monde.

Ce silence sur ses origines pourrait s’expliquer par un souci de survie et d’opportunisme politique. En tant que bénéficiaire direct du soutien d’Isabelle et Ferdinand, Colomb devait impérativement se conformer aux exigences religieuses de ses protecteurs. Si cette hypothèse se confirme, cela ajouterait une ironie tragique à son parcours. Il aurait participé à l’extension de l’empire espagnol. Cela tout en cachant son appartenance à une communauté persécutée par ce même empire. Le fait que Colomb aurait pu se trouver contraint de renoncer à sa véritable identité religieuse soulignerait la complexité de ses motivations et la pression exercée par les politiques religieuses de l’époque. Une telle révélation offrirait une nouvelle perspective sur son personnage, souvent idéalisé, en le rendant plus humain face aux réalités sociales et religieuses de son époque. Mais tout cela reste à considérer avec précaution…

Source science-et-vie