Dans les taillis du Sud-Liban, l’armée israélienne découvre l’incroyable réseau militaire du Hezbollah

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Un réseau de tunnels et de caches d’armes dense et bien fourni a été patiemment construit par la milice chiite. À quelques pas de la frontière, il permettait de harceler les villages israéliens. Il était aussi destiné à lancer une attaque terrestre de grande envergure, selon Tsahal.

Pour arriver au sommet de la colline, l’armée israélienne a employé « beaucoup de force » mais n’a pas rencontré « beaucoup de résistance », explique le général Yiftah Norkin, de la 146e division. Le mur de béton qui sépare Israël du Liban a été éventré. Escortés par des chars Merkava, des bulldozers blindés ont tracé leur route à travers une végétation courte et épaisse : c’est un chemin terreux le long duquel des militaires patrouillent, arme à la main et masque sur les yeux. Les véhicules blindés et les chars soulèvent des nuages de poussière blanche.

À quelques mètres à l’intérieur du territoire libanais, les soldats ont trouvé deux tunnels dont les entrées étaient dissimulées sous des plaques de fer camouflées. Ici, la couche de terre est très fine et les tunnels, d’une dizaine de mètres de profondeur, ont été creusés dans la roche. Sous le sol, les militaires israéliens ont découvert du matériel de communication et des missiles antitanks. De là, on domine tout Israël : au sud-ouest, la baie d’Haïfa, Acre, Nahariya. Tous proches, des kibboutz et des moshav évacués depuis un an : Shelomi, Hanita. Il suffisait à un milicien du Hezbollah de sortir du tunnel pour leur tirer dessus, avant de disparaître.

En une poignée de secondes, le missile Kornet, une arme à visée laser de fabrication russe, atteignait sa cible. Dans ces communautés situées le long de la frontière libanaise, beaucoup de maisons ont été détruites de cette façon. L’armée israélienne a annoncé le début de ses incursions terrestres dans cette zone du Liban il y a une semaine.

En sept jours, les soldats israéliens opérant dans ce secteur estiment avoir trouvé 700 caches similaires, sur une surface d’environ un kilomètre carré. Pour l’instant, affirme un haut gradé israélien, il ne s’agit que de raids, avec des troupes menant des opérations ciblées avant de revenir en Israël. Pas question de renouveler l’erreur de 1982, quand l’opération « limitée » s’était transformée en une occupation de 18 ans.

Près du tunnel, une base de la Finul

Une tour de la Finul, la Force intérimaire des Nations unies au Liban, se trouve à une centaine de mètres tout au plus. Elle est chargée de faire respecter la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, en vertu de laquelle aucune force autre que l’armée libanaise ne doit se trouver au sud du fleuve Litani. Les soldats de la Finul pouvaient-ils ne pas savoir que le Hezbollah était ici ? « Pour creuser de pareils tunnels, il faut apporter du matériel, faire du bruit », souligne le général d’après qui le Hezbollah s’était en réalité constitué une « base militaire à proximité de la Finul », transformant les camps des soldats de la paix en « boucliers humains. » Contactée à ce sujet par Le Figaro, la Finul n’a pas fait suite.

Ces accusations surviennent en pleine polémique autour de la Finul. L’incursion israélienne a été accompagnée d’une série de bavures commises par Tsahal envers les troupes de l’ONU, ce qui a soulevé un concert d’indignations. Au niveau militaire, le message est clair : « Nous ne sommes pas en guerre avec la Finul, affirme le colonel Rafowicz, porte-parole de l’armée israélienne. Nous regrettons tous les incidents. » Mais sur le plan politique, c’est le bras de fer : dimanche, Benyamin Netanyahou s’est adressé à Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies : « Il est temps de retirer la Finul des bastions du Hezbollah et des zones de combat. Votre refus d’évacuer les soldats de la Finul en fait des otages du Hezbollah et met leur vie, comme celles de nos soldats, en danger. » Depuis le début de la guerre du 7 octobre, les relations entre Israël et l’ONU ne cessent de se dégrader.

Ici, tout se joue dans un mouchoir de poche. Faisant face à la silhouette blanche du camp des Nations unies, une tour d’observation israélienne. Depuis plusieurs années, les militaires israéliens alertaient la communauté internationale sur la présence du Hezbollah à leur frontière. Mais ce qu’ils ont trouvé depuis le début de leur incursion terrestre dépassait leur imagination, reconnaît le haut gradé israélien. « Plus nous pénétrons dans le territoire libanais, plus nous découvrons l’ampleur et le degré d’aboutissement du plan destiné à envahir Israël. Ce que nous avons vécu le 7 Octobre, lors de l’attaque du Hamas, n’en était que le modèle réduit. La question est donc : acceptons-nous de dormir avec une telle menace ? Et la réponse est non. Nous sommes en train de changer la situation de façon que cette menace n’existe plus. L’Iran et le Hezbollah se disent prêts à un cessez-le-feu, mais pas nous. Nous ne les laisserons pas reconstituer leurs forces. Nous n’avons pas commencé cette guerre mais nous la mènerons jusqu’au point où nous pourrons ramener nos citoyens chez eux, en sécurité. »

Le puissant véhicule blindé avale les côtes avec une facilité déconcertante. La radio joue un air populaire chez les soldats israéliens Ima Im Hayiti. Composé après le retrait de l’armée de la bande de Gaza, en 2005, il se termine sur ce couplet : « Nous y reviendrons, maman, nous y reviendrons. » Le véhicule s’arrête.

Des postes de tir et une cache d’armes

Ici, la végétation n’a pas été arrachée par les bulldozers. Un sentier serpente entre les arbustes et les épineux. Il a été taillé par des miliciens du Hezbollah dans un axe nord-sud. Ils y ont installé des postes de tirs. Le sentier conduit à une cache d’armes. Une tache de peinture verte, tracée sur un arbre, en indique l’emplacement. Sous le sol, soigneusement stockés dans des barils, des explosifs destinés à faire sauter le mur frontalier, des tenues de combat complètes, des fusils d’assaut AK47, des munitions. La cache était approvisionnée en eau par un tuyau tiré depuis un village libanais. Un câble noir, courant à même le sol, permettait de communiquer. « Ces positions sont reliées à un village libanais que nous allons devoir nettoyer », explique le général Yiftah Norkin.

La végétation est si dense que l’on voit à quelques mètres à peine. Les soldats israéliens dissimulés dans les taillis surgissent au dernier instant. Yair, un réserviste, se tient là, arme à l’épaule. « Mes grands-parents sont des rescapés d’Auschwitz. Ils sont venus en Israël pour que leurs enfants ne vivent plus jamais la Shoah, mais ici, le Hezbollah préparait un second Auschwitz. Je me bats pour que ça n’arrive pas », explique ce père de six enfants.

Pour l’instant, les troupes israéliennes n’ont pas affronté directement les combattants du Hezbollah dans ces parages. La milice chiite les harcèle à distance, en tirant au mortier ou en envoyant des roquettes. Durement frappée ces dernières semaines, elle semble avoir reconstitué ses forces.

Le nord d’Israël est toujours soumis à une pluie de roquettes. Dimanche soir, un drone est parvenu à déjouer la défense aérienne. Il s’est écrasé sur une base militaire israélienne, tuant quatre soldats, en blessant environ 60. Aucune sirène n’avait sonné : une faille tragique dans le Dôme de fer, l’élément clé de la défense israélienne.

Par Guillaume de Dieuleveult

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