Tandis qu’Israël poursuit ses frappes et mène des incursions terrestres au sud du Liban, le Hezbollah, en déroute, compte ses morts et semble lâché par tous.
Spectaculaire, l’attaque de missiles orchestrée mardi par les Gardiens de la révolution iraniens sur Israël et censée venger la mort de Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah tué à Beyrouth vendredi par une frappe israélienne, ne peut dissimuler la faiblesse du « parti de Dieu », bras armé de Téhéran au Liban.
Jouissant d’un sentiment de toute-puissance depuis la guerre de 2006 contre Israël, le Hezbollah a pris sur lui de faire à nouveau parler les armes, au lendemain de l’attaque du Hamas contre l’Etat hébreu le 7 octobre dernier. Les tirs de roquettes à la frontière nord devaient soutenir le front de Gaza au sud. Au risque de plonger le Liban un peu plus dans la guerre, une guerre qui cette fois, n’est pas celle des Libanais.
En 2006 déjà, le Hezbollah avait engagé le Liban. A l’époque, Hassan Nasrallah avait sous-estimé la réaction israélienne, mais grâce à l’appui total de l’appareil d’Etat libanais et des pays arabes qui avaient injecté des milliards dans la reconstruction du pays, le parti a été conforté dans sa position de mouvement de résistance.
Le parti chiite avait, à ce moment-là, bénéficié du large soutien de la population libanaise, horrifiée par la destruction massive et systématique des infrastructures du pays par les bombardements israéliens perçus comme une punition collective. Le leader du Hezbollah en était sorti renforcé. À l’issue de la guerre Il avait même proclamé une « victoire divine ».
Aujourd’hui, le scénario est différent. Le parti est devenu tellement puissant qu’il impose sa volonté aux Libanais ouvertement et sans détour : l’Etat, c’est nous. Ne sentant pas le besoin d’y mettre la forme, le Hezbollah a ouvert les hostilités contre Israël dès le 8 octobre, déclarant aux Libanais, ébahis, qu’il ouvrait un front avec Israël.
Des pertes par centaines
C’était sans compter sur la préparation des Israéliens. Pendant dix mois, Tsahal cible les positions du Hezbollah dans le Sud et mène des frappes quotidiennes de plus en plus en profondeur, dans la Bekaa et la banlieue sud de Beyrouth, centre névralgique du parti chiite. Avec une efficacité redoutable, l’armée israélienne commence à éliminer systématiquement les hauts commandants du Hezbollah ainsi que son infrastructure militaire par des frappes ciblées, de plus en plus intenses. Plus aucun haut responsable du Hezbollah, ni aucun de ses membres, n’est à l’abri nulle part.
En un an, les pertes du parti se chiffrent par centaines et dépassent le nombre de leurs effectifs perdus lors de la guerre de 2006. Surpris, désemparé et à court de réponse, le « parti de Dieu » rejette la faute sur la technologie moderne. Pensant qu’Israël localise les combattants du Hezbollah à partir de leurs téléphones portables, Hassan Nasrallah leur ordonne de ne plus les utiliser.
Il n’a pas vu venir le piège que lui tendaient les Israéliens : l’opération spectaculaire des bipeurs et talkies-walkies explosifs du Hezbollah qui a fait au moins 37 morts et 3.000 blessés dans les rangs du parti chiite. Une opération de grande envergure qui allait lancer une opération encore plus importante. Tout s’accélère. Le haut commandement militaire du Hezbollah est décapité lors d’une frappe aérienne le 20 septembre.
Le Hezbollah démuni
Le Hezbollah paraît totalement démuni, incapable de réagir, de se réorganiser ou même de communiquer. Les commandants militaires sont éliminés un à un, le rythme est tellement rapide que le parti peine à les remplacer. Qui plus est, aussitôt remplacé, aussitôt éliminé. Comme ce fut le cas pour Ibrahim Akil tué dans la frappe du 20 septembre, il venait d’être nommé numéro un des opérations militaires et commandant de la force Al-Radwan, en remplacement de Fouad Chokr, éliminé quant à lui fin juillet. Une semaine plus tard, le 27 septembre, Tsahal assène le coup de grâce avec l’élimination d’Hassan Nasrallah, décrite comme une opération de renseignement et d’infiltration par excellence.
« Le grand frère iranien brille par son absence, il est clair que l’Iran a lâché le Hezbollah », souligne Maroun Hitti, ancien général de l’armée libanaise, avant d’ajouter : « Le haut commandement iranien a, pour sa part, nommé une commission spéciale d’enquête pour évaluer le degré d’infiltration en profondeur. Il aurait voulu confirmer que le Hezbollah était infiltré jusqu’à la moelle, il ne s’y serait pas pris autrement. »
Depuis lundi, Tsahal mène des incursions terrestres au sud du Liban, une nouvelle étape dans la guerre. « Sans aucun doute, Israël veut en finir avec le Hezbollah. Tout le monde a lâché le mouvement chiite, les pays arabes et même la Syrie, le président Bachar al-Assad a décidé de lui fermer ses frontières, le Hezbollah y faisait passer ses armes, depuis l’Iran via l’Irak. Bachar n’a même pas pris la peine de présenter ses condoléances », observe l’ancien général.
Patricia Chaira