La force et l’intransigeance d’Israël ont payé. Contre le Hamas et le Hezbollah. Mais aussi face au président américain, à la justice internationale, et aux opinions publiques occidentales, analyse l’eurodéputé Bernard Guetta. L’avenir demeure pourtant incertain car, sous les bombes, les enfants n’apprennent pas à tendre la main.
En trois mots comme en cent, il a gagné. Avec la mort de Hassan Nasrallah, Benyamin Nétanyahou a virtuellement gagné cette guerre, car après avoir brisé le Hamas en un an de bombardements de Gaza, il a décapité le Hezbollah en écrasant son chef sous les ruines de son bunker.
Les armes ne s’en tairont pas d’un coup. Il y aura d’autres rebondissements, mais d’abord ébranlé par un massacre comme Israël n’en avait jamais connu, ce Premier ministre a su débarrasser son pays des deux plus grandes menaces auxquelles il était confronté. Rien d’étonnant à ce que les Israéliens l’en applaudissent, mais voudra-t-il maintenant, et le saurait-il, transformer cette victoire en une paix durable ?
C’est toute la question, car le fait est, pour l’heure, que ce sont la force et l’intransigeance qui ont payé. La force a payé contre le Hamas qui a perdu là l’essentiel de ses troupes face aux soldats, aux avions et aux missiles d’un Premier ministre décidé à l’éliminer. L’intransigeance a payé face à un président américain qui réprouvait le martyre subi par les Gazaouis, mais qui a laissé faire de crainte que l’Iran ne prenne l’avantage dans tout le Proche-Orient à travers ses alliés du Hamas et du Hezbollah.
Une guerre de l’ombre
La force et l’intransigeance ont payé face à la justice internationale et aux protestations de l’écrasante majorité des capitales. Elles ont payé face aux opinions publiques occidentales qui, les mois passant, ont toujours plus désapprouvé l’horreur de la punition collective infligée aux Gazaouis. La force et l’intransigeance ont payé malgré la désapprobation générale qu’elles suscitaient et sitôt qu’il est apparu qu’elles l’emportaient contre le Hamas, Benyamin Nétanyahou les a tournées contre le Hezbollah, mais dans une guerre de l’ombre.
Parce qu’ils ne pouvaient pas envahir à la fois Gaza et le Sud-Liban et qu’ils ne voulaient pas se risquer aux combats de rue dans lesquels le Hezbollah tentait de les attirer, les Israéliens ont préféré le renseignement aux troupes et aux tanks, les essaims d’abeilles aux bombes et aux hommes. Ils ont commencé par cibler de très hauts cadres de cet Etat dans l’Etat que les plus radicaux des chiites libanais avaient créé grâce à l’aide de l’Iran. Ils ont déstabilisé le Hezbollah et la direction iranienne en leur montrant qu’ils s’étaient infiltrés jusqu’à leurs plus hauts rangs et l’opération bipeurs est alors venue semer la panique à tous les échelons d’une organisation qui s’était crue invincible tant elle avait amassé de missiles visant Israël.
Bien des choses sont devenues possibles, mais les Palestiniens ?
C’est de l’intérieur que les Israéliens ont défait le Hezbollah et la mort de son chef, Hassan Nasrallah, était dès lors écrite. Déjà très affaiblie sur sa scène intérieure, la théocratie iranienne a perdu cette bataille. Benyamin Nétanyahou l’a gagnée et obtiendrait la majorité à lui seul si les Israéliens votaient demain. La chute de ce Premier ministre semblait hier imminente, mais tout va bien pour lui. Les monarchies pétrolières, l’Egypte, le trône marocain et la Jordanie sont évidemment soulagés de la défaite d’un régime qui aspirait, depuis la chute du chah, à restaurer l’ancienne puissance perse à leur détriment. Les alliés arabes d’Israël sont si bien confortés qu’avant même la mort de Hassan Nasrallah, Benyamin Nétanyahou appelait, devant l’Assemblée générale de l’ONU, à l’ouverture de relations diplomatiques israélo-saoudiennes.
Quoi qu’ils en disent, ni les Etats-Unis ni les pays de l’Union européenne ne sauraient non plus s’affliger du naufrage du Hezbollah dont ils avaient si souvent été victimes. Ruiné, meurtri, démembré par des décennies de guerre civile et l’emprise que l’Iran exerçait sur lui par Hezbollah interposé, le Liban pourrait aujourd’hui chercher un modus vivendi avec Israël et se reconstruire avec l’aide de l’Europe et du Golfe. La prospérité d’une zone de libre-échange proche-orientale n’est elle-même plus totalement inimaginable. Bien des choses impossibles sont maintenant devenues possibles, mais les Palestiniens ?
On sent bien que la droite israélienne se dit qu’elle pourrait les faire oublier tout autant que les Etats-Unis ont fait oublier les Indiens d’Amérique, mais, contrairement aux Indiens, les Palestiniens ont un milliard et demi de coreligionnaires dans le monde, leurs enfants ne viennent pas, sous les bombes, d’apprendre à tendre la main, et Israël a beaucoup perdu d’appuis et de sympathies depuis un an. La victoire va toujours à la victoire, mais on peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s’asseoir dessus.
par Bernard Guetta, député européen (RE)