Trois questions après la mort du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah

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گفت‌وگو با دبیرکل حزب‌الله لبنان
Le chef du Hezbollah a été tué dans une frappe israélienne vendredi. Sa mort, confirmée par le mouvement islamiste financé par l’Iran.

Le chef du Hezbollah a été tué dans un raid dévastateur israélien vendredi en fin d’après-midi sur la banlieue sud de Beyrouth, où l’armée israélienne a dit avoir ciblé le QG du mouvement islamiste. « Sayyed Hassan Nasrallah a rejoint ses compagnons martyrs […] dont il a conduit la marche pendant près de trente ans », a annoncé un communiqué du Hezbollah, plus proche allié de l’Iran, ennemi juré d’Israël.

« Hassan Nasrallah est mort », avait déclaré plus tôt un porte-parole de l’armée israélienne, Nadav Shoshani, sur X.

Juste avant 18h30 vendredi d’énormes explosions ont retenti dans Beyrouth et ses environs, provoquant la panique chez les habitants. Le raid a détruit des dizaines d’immeubles, poussé à la fuite des centaines de personnes et fait au moins six morts, selon un bilan du ministère libanais de la Santé.

Sur les lieux des frappes, à Haret Hreik, plusieurs immenses cratères mesurant jusqu’à cinq mètres de diamètre étaient visibles, selon les photographes de l’AFP sur place. Des habitants du quartier densément peuplé ont raconté à l’AFP avoir entendu des explosions successives et avoir eu leurs maisons « secouées » par celles-ci.

Qui était Hassan Nasrallah ?

A la tête du Hezbollah depuis 1992, Hassan Nasrallah, 64 ans, était un homme de religion qui faisait l’objet d’un véritable culte de la personnalité parmi la communauté chiite au Liban. Ennemi juré d’Israël, il n’était plus apparu que rarement en public depuis la dernière guerre de 2006, et son lieu de résidence était tenu secret. Il recevait cependant des visiteurs dont les chefs de formations palestiniennes alliées à son mouvement.

Hassan Nasrallah est né le 31 août 1960 dans une modeste famille de neuf enfants, dans l’ancienne « ceinture de misère » qui enserrait Beyrouth. Sa famille est originaire du village de Bazouriyé dans le sud du Liban. Adolescent, il étudie la théologie dans la ville sainte chiite de Najaf, en Irak, mais doit partir lors de la vague de répression antichiite du président irakien de l’époque Saddam Hussein.

De retour au Liban, il s’engage au sein du mouvement chiite Amal, mais fait sécession lors de l’invasion israélienne du Liban à l’été 1982 pour faire partie du noyau fondateur du Hezbollah, créé sous l’impulsion des Gardiens de la révolution iraniens.

Marié, père de cinq enfants, Hassan Nasrallah parlait couramment le persan. Il arborait le turban noir des Sayyed, les descendants du prophète Mahomet dont il se réclamait.

Depuis sa prise de fonctions à la tête du Hezbollah en 1992, après la mort d’Abbas Moussaoui, lui aussi assassiné par Israël, il avait patiemment fait évoluer le mouvement, armé et financé par l’Iran, en une force politique incontournable, représentée au Parlement et au gouvernement.

Dans le même temps, il avait développé l’arsenal de sa formation, qui selon lui compte 100 000 combattants, et dispose de puissantes armes, dont des missiles de haute précision.

Au fil des affrontements entre ses hommes et l’armée israélienne, Hassan Nasrallah a consolidé sa stature, et gagné le respect avec la mort, en 1997, de son fils aîné Hadi au combat. La guerre de l’été 2006 avec Israël, qui a duré 33 jours et fait 1 200 morts côté libanais, lui a permis d’afficher la puissance de son mouvement, ses combattants tenant tête à l’armée israélienne. Hassan Nasrallah proclame à la fin de cette guerre une « victoire divine » et y gagne un profil de héros dans le monde arabe.

Le Hezbollah peut-il remplacer son chef ?

Dès l’annonce de la mort d’Hassan Nasrallah, à Téhéran, la capitale iranienne, la municipalité a érigé des panneaux avec un portrait du dirigeant du mouvement souriant et l’inscription : « Le Hezbollah est vivant ».

L’Iran, qui finance et arme toujours le Hezbollah, a affirmé que la « ligne de Hassan Nasrallah se poursuivrait » en dépit de sa mort. « La ligne glorieuse du chef de la résistance, Hassan Nasrallah, se poursuivra et son objectif sacré sera réalisé avec la libération de Qods (Jérusalem), si Dieu le veut », a déclaré le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanani, dans un message publié sur X.

Le vice-président iranien Mohammad Javad Zarif a de son côté exprimé ses condoléances pour la mort de Nasrallah, le qualifiant de « symbole de la lutte contre l’oppression ».

Un drapeau noir a été érigé en signe de deuil au sanctuaire de l’imam Reza, le principal lieu de culte chiite du pays situé dans la ville de Machhad, dans le nord-est du pays, selon l’agence de presse locale Tasnim.

Une taupe iranienne a permis aux Israéliens d’éliminer Nasrallah

Selon une source sécuritaire libanaise, l’État hébreu aurait été informé par une taupe iranienne de la présence du leader chiite dans la banlieue sud de Beyrouth.

« Les Israéliens ont mis le paquet, ils ne voulaient pas rater leur cible », commente une source sécuritaire libanaise bien informée, au lendemain de la mort d’Hassan Nasrallah. Le chef du Hezbollah a été tué dans son QG, un complexe de six immeubles au cœur de la Dahieh, la banlieue sud de Beyrouth. Selon cette même source, les Israéliens auraient été informés dans l’après-midi par une taupe iranienne de l’arrivée imminente sur place du leader chiite.

Les F-35 de l’État hébreu, équipés de bombes anti-bunkers, sont en embuscade dans le ciel libanais et attendent l’arrivée de la cible au centre de commandement. Au même moment, non loin de là, dans le quartier de Haret Hreik, ont lieu les funérailles de Mohamed Hussein Srour, commandant au sein du Hezbollah de l’unité des drones sur le front du sud, tué la veille dans une frappe aérienne.

Six bombes de 2 tonnes chacune

Juste après l’enterrement, Hassan Nasrallah arrive à son quartier général en compagnie, dans la même voiture, du commandant iranien du régiment Al Qods, l’unité d’élite des Gardiens de la révolution islamique d’Iran. Les Israéliens, qui opèrent une surveillance aérienne 24 heures sur 24, sont sûrs de leur coup.

Douze autres commandants participent à cette réunion d’urgence en présence d’Hassan Nasrallah. Les services israéliens ont attendu que tous se trouvent dans la salle où la milice chiite planifie ses opérations militaires, dans les sous-sols ultra-sécurisés de son QG, pour donner l’ordre de bombarder. En tout, les pilotes de Tsahal ont lâché six bombes de 2 tonnes chacune.

« C’est la plus grande attaque qu’on ait connue depuis 2006 », nous confie la même source sécuritaire. L’explosion a été entendue jusque dans le centre-ville de Beyrouth, tandis qu’un épais nuage se dessinait au-dessus du QG du Hezbollah. Des bâtiments qui le constituent, il ne reste que des gravats au milieu d’un cratère géant, de 30 m de profondeur. Deux autres immeubles voisins ont également été soufflés.

Les personnes en charge de suivre et relayer les instructions du leader chiite ont perdu tout contact avec lui juste après le bombardement : « Personne n’arrivait à le localiser, ni à communiquer avec ceux qui l’accompagnaient », rapporte une source proche du Hezbollah.

Alors que « le contact est perdu » avec Hassan Nasrallah, les Américains concluent aussitôt à son décès et déclarent ne pas avoir été informés de l’attaque. Dans le même temps l’armée libanaise bouclait la zone de l’ambassade américaine à Awkar, dans la banlieue nord de Beyrouth, et renforçait ses effectifs sur place.

Ce n’est que le lendemain que le mouvement chiite confirmera la mort de son leader, tandis qu’un autre incident survient dans la matinée à l’aéroport international de Beyrouth (AIB). Alors qu’un appareil civil iranien entame sa descente, un avion de guerre israélien contacte la tour de contrôle et lui intime l’ordre d’interdire l’atterrissage, menaçant de bombarder les pistes dans le cas contraire. Le ministre sortant des Transports, Ali Hamiyé, affilié au Hezbollah, va alors immédiatement ordonner d’empêcher l’avion iranien de se poser.

Depuis l’élimination par Israël du leader chiite Hassan Nasrallah, et la décapitation de tout son commandement, c’est silence radio du côté de son organisation. Un silence retentissant, au contraire d’Israël qui fait entendre le bruit fracassant de ses missiles pilonnant la banlieue sud de Beyrouth depuis 24 heures.

Source leparisien