En Israël, les récits des survivants du 7 octobre

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Ce jour-là, désormais baptisé le Shabbat noir, les terroristes du Hamas ont tué 1180 citoyens israéliens et kidnappé des centaines d’autres. Des survivants de cet enfer ont accepté de nous raconter leur douleur, leur colère et leur retour à la vie, et de revenir sur les lieux des attaques.

Elle s’appelle Amit. Elle est devenue, malgré elle, le visage, la voix de ces femmes meurtries. Elle incarne la dignité, le courage. Amit est l’une des premières à avoir brisé ce silence qui enserre, étouffe la réalité des viols perpétrés par les islamistes. Capturée chez elle dans le kibboutz de Kfar Aza au matin du 7 octobre 2023, elle est libérée en novembre, à la faveur d’un cessez-le-feu et d’u accord entre Israël et le Hamas.

Amit, revenue de l’enfer, a décidé de tout dire du sort réservé aux femmes entre les mains des terroristes. Elle a été frappée, insultée, privée d’eau, de nourriture, entravée, elle a eu à subir les assauts de ses geôliers. Elle le raconte avec force détails, à haute voix et sans jamais baisser ce regard dont l’intensité dit tout de sa détermination. « Ils étaient une dizaine, tous armés, se souvient-elle. Ils m’ont kidnappée dans ma chambre. J’étais en pyjama, à peine vêtue et pieds nus. J’ai juste eu le temps d’attraper un plaid pour me couvrir. Je me suis débattue de toutes mes forces pour tenter de m’échapper, car je savais ce qui m’attendrait de l’autre côté. » La vidéo de son enlèvement est devenue virale sur les réseaux sociaux.

Le viol comme mode opératoire

On la voit se battre comme une lionne contre plusieurs hommes. Elle s’arrache à leur emprise, tombe, court. À chaque fois, elle est rattrapée. « Les abus sexuels ont commencé dès ce moment-là. Ils m’ont traînée jusqu’à la bande de Gaza tout en me brutalisant et en touchant mes parties intimes. Là-bas, j’étais enchaînée par les chevilles. Mohamed, le garde chargé de me surveiller, m’a violée. Je savais que cela arriverait. Il me déshabillait du regard, me harcelait et attendait le moment propice. J’ai tenté de me détacher pour ne penser qu’à une seule chose : survivre. Malgré les coups, les agressions sexuelles, je suis aujourd’hui debout et je veux dire au monde ce qu’ils font. »

Semcha, lui, n’a de cesse, depuis le 7 octobre, de parler pour celles qui ont hurlé de toutes leurs forces avant que la mort ne vienne les délivrer de leurs souffrances. Membre de l’organisation Zaka, il intervient pour secourir et surtout ramasser les corps des victimes d’accident ou d’attentat. Ce matin funeste, il a été appelé pour aider les habitants des kibboutz. Ce qu’il découvre le hante depuis, jour et nuit. Semcha raconte les corps suppliciés de centaines de femmes à qui les hommes, venus de Gaza, ont infligé les pires sévices sexuels avant de les tuer.

« Dans certaines maisons, ils sont restés plusieurs heures, voire plusieurs jours. Ils avaient tout le temps et ils l’ont pris. Ils ont appliqué un véritable mode opératoire. Aux abords du festival Nova, des femmes ont été attachées aux arbres et violées. Ces images ne me quitteront plus jamais. Je suis un témoin vivant de ces atrocités. Beaucoup sont mortes. Les survivantes n’arrivent pas à dire ce qu’elles ont subi. Depuis presque un an, je voyage dans de nombreux pays pour raconter leur histoire. »

Victime collatérale de cette violence, Semcha a, durant plus de dix-huit semaines, ramassé, reconstitué des corps, collecté le moindre lambeau de chair pour permettre aux familles d’enterrer ce qu’il restait de leurs proches. « Je suis intervenu sur des terrains difficiles. J’ai vu des horreurs, mais ces massacres dépassent l’entendement. Ces actes terroristes nous ont menés à cette guerre dans Gaza exposant des civils. De nombreux enfants meurent. Mais les terroristes sont cachés au milieu de la population. »

La parole d’Ori est calibrée, contenue et même surveillée par les services de l’armée dans laquelle elle sert encore. La jeune femme était tout juste âgée de 18 ans lorsque les terroristes ont investi le poste avancé de Nahal Oz où sa mission consistait à observer les mouvements à la frontière avec Gaza. Elle a été enlevée comme nombre de ses camarades. Elle seule est revenue. Ori a été secourue, trois semaines plus tard, lors d’une opération menée conjointement par l’armée et le Shin Bet. Elle ne dit rien des conditions de détention ou du sort réservé à ses camarades d’infortune. Pudiquement, elle souffle : « J’ai encore un long chemin à parcourir pour parvenir à vivre pleinement avec moi-même. » Une phrase courte, mais qui laisse deviner l’horreur se cachant derrière chacun de ces mots pesés.

Les femmes en première ligne

La veille, ces jeunes filles en service, tout juste sorties de l’adolescence, avaient organisé une fête baptisée « Dernier disco », sans deviner qu’il s’agissait en effet de leur dernière soirée ensemble. Repliées dans un abri, une vingtaine de militaires équipées de seulement quatre armes ont tenté de protéger les leurs, en vain. Elles ont presque toutes été tuées. « J’ai été blessée à la tête, aux jambes et à la poitrine par les grenades, poursuit Ori. Sur 20 filles, seules sept ont survécu à la fusillade, et j’étais l’une d’elles. Ensuite, nous avons attendu là pendant quatre heures que quelqu’un vienne nous sauver. Rien ne s’est passé, donc ils ont réussi à nous kidnapper puis à nous emmener à Gaza. J’ai encore du mal à réaliser que ce n’était pas un cauchemar et qu’une année s’est écoulée depuis. »

C’était il y a un an. Gili venait de fêter ses 24 ans et ne soufflera pas sa vingt-cinquième bougie. Gili a été froidement abattue au festival Nova. Eldad, son père, et Orna, sa mère, se préparent aux commémorations. Ils ont pleuré leur fille. La plaie est toujours béante. Et leur consolation est bien maigre. « J’ai vu son corps, souffle son père. Il était propre. Ils ne l’ont pas violée. Elle s’était réfugiée avec un ami derrière le bar, près de la scène où le DJ était installé. C’était illusoire de se penser à l’abri à cet endroit. C’était un piège mortel. Gili n’était pas un rayon de soleil. Elle était le soleil. Elle aimait les gens. Elle n’allait jamais sur les réseaux sociaux. Elle aimait s’amuser et se réjouissait à l’idée de se rendre à cette fête. Nous étions inquiets du trajet de nuit. Nous ne pouvions imaginer que notre fille qui voulait aller danser serait assassinée. »

Leurs derniers échanges, ce jour-là, s’arrêtent à 9h50. Eldad saute dans sa voiture et part à sa recherche dans cette zone devenue théâtre de guerre. Le corps de Gili sera identifié trois jours plus tard. « Des organisations ont baptisé leurs fonds de soutien du nom de Gili,insiste Orna. C’est un bel hommage pour elle qui ne voulait qu’aider les autres. »

La fête bascule dans l’horreur

Ziv est une petite silhouette frêle. Depuis le 7 octobre, son corps se déleste de ses kilos à mesure que l’absence d’Eliya, son petit ami, dure. Lorsque quelques larmes lui viennent, elle les sèche aussitôt avant de se reprendre : « Je ne suis pas une victime. J’agis. Je fais tout ce que je peux pour qu’Eliya et les otages encore retenus à Gaza soient libérés. On n’a pas le temps de pleurer nos morts. On doit se concentrer sur leur retour. »

Il y a tout juste un an, Ziv et Eliya formaient un couple sans histoires. Ils étaient ensemble depuis sept ans. Ziv vendait du matériel de vidéo surveillance et Eliya travaillait dans l’événementiel. Passionnés de musique, ils se sont rendus au festival Nova. « Nous sommes arrivés au petit matin, ce samedi. J’ai embrassé des amis pour leur dire bonjour. Je sais aujourd’hui que nous faisions nos adieux. Ils ne sont jamais revenus. »

Ziv, accompagnée de son jeune neveu de 19 ans, la petite amie de celui-ci et Eliya, n’ont guère le temps d’avancer plus loin au cœur de la fête que des roquettes s’abattent sur les lieux. Habitués à ces scénarios, ils décident de partir. « On a compris que c’était grave quand les policiers sur place, pris de panique, ne savaient quelles consignes donner : partir ? rester ? se cacher ? » En voiture, le petit groupe tente de se diriger vers le kibboutz de Be’eri, mais l’accès est interdit. Un massacre est en cours mais, à cet instant, personne ne le sait. Ignorant que des terroristes se sont infiltrés, ils se réfugient dans un abri en béton prévu pour protéger des attaques aériennes.

« Nous étions lespremiers à l’intérieur, à la fin nous étions 29 entassés dans un tout petit espace. Juste après nous est arrivé un homme arabe. J’ai eu peur. Mais il s’est présenté, a demandé si nous étions blessés. Il s’appelait Oussama et avait une quarantaine d’années, il travaillait dans les environs et a essayé de nous rassurer. Les terroristes sont arrivés en voiture. Ils riaient, criaient, leur sono était poussée à fond, c’est comme s’ils faisaient la fête en tirant sur tout ce qui bouge. Oussama est sorti pour leur parler. Il a dit qu’il était arabe et musulman, qu’il n’y avait que des gamins sans armes à l’intérieur. Il les a suppliés de nous laisser partir. Ils l’ont traité de traître travaillant avec les juifs. Je n’ai rien vu. Il a hurlé sans discontinuer durant dix longues minutes. Ils l’ont torturé. Puis j’ai entendu un coup de feu et ses cris ont cessé. »

À l’intérieur du bunker, le cauchemar continue. Les terroristes lancent des grenades. À huit reprises, Hersh et Aner, deux jeunes festivaliers, parviennent à les renvoyer à l’extérieur. « Aner nous a dit qu’il le ferait autant que possible et que, s’il était blessé ou tué, nous devions prendre le relais. » La neuvième tentative a été fatale pour Aner et la majorité du groupe. Hersh a perdu son bras. Enlevé, il a survécu onze mois dans les tunnels avant d’être abattu. « Mon neveu est mort, reprend Ziv, sa petite amie aussi. J’étais ensevelie sous leurs cadavres et un amas de chair et de membres déchiquetés. Ils m’ont crue morte. Eliya, blessé, a été enlevé. »

La jeune femme évoque la mobilisation de la société israélienne autour de la question des otages. Pour elle, il ne s’agit pas seulement de la vie d’Eliya ou de ses camarades, mais aussi du ciment de la nation. « Les islamistes ont réussi à nous diviser sur ce sujet. Certains pensent dorénavant que l’on doit sacrifier les otages dans cette guerre, alors que nous avons toujours placé la vie avant tout. La priorité doit être de les ramener sains et saufs. Le problème du combat contre les terroristes doit se régler après. Je parle de ces islamistes et non pas de la population à Gaza qui souffre de cette guerre. Je fais bien la différence car les hommes du Hamas se fichent de tous ceux qui ne sont pas comme eux : ils les tuent. Je refuse de tomber dans la haine. En Israël, nous vivons avec les Arabes. Je ne veux pas que ce 7 octobre me transforme. »

De la douleur, pas de haine

Il vient de fêter ses 21 ans. Il a été amputé d’une jambe au niveau de la hanche, a perdu en partie l’usage de son bras droit, a eu le poumon perforé. Noam est un miraculé. Il aurait dû mourir. Il a survécu. Il porte autour du cou, en bijou, une balle récupérée dans son corps. « Je trouve ça plutôt joli », s’amuse-t-il. Il se tient aujourd’hui debout grâce à sa prothèse et dit ne ressentir aucune haine mais demeurer lucide sur la nature de ces terroristes. Ce matin du 7 octobre, Noam était en service et finissait sa garde de nuit dans une base située près du kibboutz de Be’eri. C’est lui qui réveille ses camarades, dès les premières alertes. À l’extérieur, les soldats tombent nez à nez avec des rescapés du festival Nova. Ils tentent de les protéger face à une centaine d’individus armés et exaltés.

Noam s’avance à découvert avec son supérieur. Il tue deux hommes avant d’être blessé de plusieurs balles par un autre. « Il s’est approché de moi. J’étais allongé face contre terre, retenant ma respiration. Il m’a tiré dessus pour vérifier que j’étais mort. Je n’ai pas bougé. Je n’ai pas vu son visage mais je n’oublierai jamais, ni ses cris de joie hystériques, ni sa voix. Elle est gravée dans ma mémoire. Il était de toute évidence sous l’emprise de stupéfiants. Il a été ensuite abattu. J’ai été transféré à l’hôpital dans le coma, j’ai été soigné des semaines durant par des médecins arabes. Des personnes formidables. » Avant cette tragédie, il aimait faire la fête, draguer les filles et ne se souciait guère du lendemain. Mais le 7 octobre, il a perdu 16 de ses amis et a failli mourir. Autant d’épreuves qui ont transformé sa personnalité et sa vie. « Ce qui m’arrive est une bénédiction, explique-t-il. Je ne ressens pas de haine ou de colère et je refuse que les actes du Hamas façonnent mes choix ou ma vie. Ce qui frappe notre pays ne doit pas redéfinir notre avenir. J’ai pris conscience de la nécessité de m’engager en politique pour devenir acteur du changement. En attendant, même avec une jambe en moins, je veux retourner servir dans l’armée pour être utile. »

Être utile, c’est aussi le leitmotiv d’Elay et Ariel. Grièvement brûlés dans l’incendie de leur maison à Kfar Aza, ils ont réussi à sortir du brasier dans lequel les terroristes avaient jeté des bonbonnes de gaz. Ils ont traversé les flammes en serrant entre leurs deux corps leur petite fille Yael, alors âgée d’un an et demi. Cachés jusqu’à la nuit tombée sous un tracteur, ils sont enfin secourus. Elay, la maman, parvient à tendre le bébé aux secouristes avant de s’évanouir.

Des semaines durant, le mari et la femme plongés dans le coma sont soignés pour des blessures très sévères. La petite Yael, brûlée au corps et au visage, est, elle aussi, prise en charge par les médecins à l’hôpital de Tel Hashomer. Les traitements sont lourds, le chemin vers la guérison est long et les séquelles physiques seront indélébiles pour toute la famille. Mais Elay et Ariel ont décidé de réagir et d’agir pour ne pas être marqués comme des victimes. Ariel a repris son activité de thérapeute et Elay, qui achevait ses études de médecine, est devenue interne dans cet hôpital qui la soigne, une partie du temps, et où elle enfile la blouse blanche pour soigner les autres. Tous deux en sont sûrs, ils reconstruiront leur maison et leurs vies en pansant leurs plaies et celles de leur fille.

La plaie béante du deuil

Lui aussi a perdu sa maison dans l’incendie provoqué par des terroristes qui se sont introduits dans le kibboutz de Be’eri. Mais il a perdu plus encore. Dana, sa femme, a péri d’une balle qui lui a perforé le thorax. Son fils Carmel, âgé de 15 ans, blessé par des tirs de kalachnikov en aidant son père à retenir la poignée de la pièce sécurisée où la famille s’était réfugiée, s’est vidé de son sang. Avida, sévèrement atteint, n’a rien pu faire, il a vu sa femme et son fils s’éteindre sous ses yeux. « Carmel était passionné de surf et devait aller au Sri Lanka pour cela. Il m’a dit : “Je crois que ce ne sera pas possible.” Puis, il m’a demandé de l’enterrer avec sa planche. J’aurais dû mourir aussi ce jour-là. Mon état était critique mais j’ai entendu ma fille, Adar, qui était elle aussi blessée, me supplier de ne pas la laisser seule. Je suis là pour elle et mes deux autres fils, Rotem et Nofar. »

Amputé de la jambe, Avida est une véritable force de la nature. Logé provisoirement dans un kibboutz voisin, il retourne régulièrement à Be’eri pour s’occuper de ses plantations d’avocats et de citrons. Il prépare aussi un voyage en Autriche où il a prévu de faire du cyclisme. « Je fais ça chaque année avec des amis. L’an dernier, nous étions en Croatie. J’avais mes deux jambes. Maintenant j’ai une prothèse. Dana aurait voulu que je continue à vivre. Be’eri ne doit pas devenir un mémorial et nous devons détruire ce qui a été sali par le Hamas. Je ne veux pas m’apitoyer sur mon sort. J’ai eu la chance d’avoir durant toutes ces années ma femme et mon fils. Nous retournerons là-bas quand nous aurons reconstruit. Je sais que tout peut recommencer un jour ou l’autre car le conflit concerne cette terre. Mais quoi qu’il arrive, nous resterons. »

Une paix dorénavant impossible

Originaires, elles aussi, du kibboutz de Be’eri, Raaya et Nira sont installées dans des logements provisoires en attendant la reconstruction de leurs maisons brûlées. Elles étaient voisines et ont vu les terroristes s’introduire chez elles. Raaya a été enlevée avec sa fille, Hila, 13 ans, et Emily, 9 ans, son amie qui était venue pour une soirée pyjama. Elles ont été retenues plusieurs semaines dans la bande de Gaza avant d’être libérées. Nira, elle, avait passé la soirée en famille avec ses trois filles et Yosi, son mari. Au petit matin, les terroristes ont fait monter les hommes dans une voiture et ont renoncé, faute de place, à emmener les femmes.

En état de choc, Nira finit par réagir et mettre ses filles à l’abri des tirs dans une maison qui venait d’être fouillée par les hommes du Hamas. Elles resteront là jusqu’à l’arrivée de l’armée, à la nuit tombée. Yosi est mort à Gaza dans l’effondrement de l’immeuble où il était retenu, après une frappe israélienne. « Son corps est toujours là-bas. Il était prisonnier avec la jeune Noa qui a été libérée par l’armée israélienne en juin dernier lors d’une opération spéciale. Elle était avec lui jusqu’à la fin. » Nira ne craque pas, ne pleure pas. Elle sourit même. Elle dit vouloir tenir pour ses filles. Elle veut aussi offrir une sépulture à son mari et retourner à Be’eri même si, pour elle, tout a changé. L’amour de sa vie n’est plus là et « (sa) naïveté »s’est envolée ce matin du 7 octobre. « J’ai toujours vécu à Be’eri. Je me souviens, plus jeune, que nous allions régulièrement à Gaza pour faire le marché. Nous parlions avec les habitants, ils nous côtoyaient. Je pensais que vivre en paix était possible. Aujourd’hui, j’ai compris que toute une génération a été dressée pour nous haïr et nous tuer. Nous resterons, mais il nous faut comprendre que ce sera la guerre pour toujours. »

Elle apparaît impeccablement maquillée et coiffée comme pour camoufler sa douleur et s’accrocher à quelques bribes de normalité. Mais la vie de Danielle a basculé le jour de l’attaque dans un cauchemar bien réel. Elle était avec sa fille, Emilia, 5 ans, en visite chez sa sœur dans le kibboutz de Nir Oz. Dans un scénario bien rodé, les terroristes ont mis le feu à la maison. Toute la famille se réfugie dans la pièce sécurisée mais, très vite, la fumée les pousse à sortir. « Je serrais ma fille contre moi. Je lui ai expliqué que nous allions mourir. Elle était terrorisée. J’étais résignée, mais je ne pouvais accepter de voir ma fille périr sous les flammes. J’ai choisi la mort par balles, pensant que ce serait plus rapide. Nous sommes sortis par les fenêtres avec ma sœur, son mari et leurs jumelles de 3 ans. Finalement, ils ne nous ont pas tués, mais capturés et emmenés à Gaza. » Danielle raconte comment, là-bas, une foule en liesse insulte, frappe et crache. « J’étais complètement recroquevillée sur ma fille pour la protéger des coups. Heureusement, ils ne l’ont pas atteinte. » Danielle ne veut rien cacher de la brutalité de ses geôliers, du manque de nourriture, d’oxygène dans les tunnels.

Le 7 octobre, la boîte de pandore

Elle parvient même à relativiser la dureté de ses conditions de détention car, dit-elle, les gardes qui lui ont été assignés étaient très religieux et n’ont pas abusé sexuellement d’elle. « Ils étaient peut-être plus humains ? moins cruels ? Mais qu’est-ce que l’humanité quand on est capable de tuer un homme de 80 ans, comme ils l’ont fait sous mes yeux, ou de garder une petite fille sous terre, sans hygiène et peu de nourriture pendant presque cinquante jours ? Ils me disaient : “Ne t’inquiète pas. Si tu meurs, on s’occupera de ta fille. Elle sera traitée comme une princesse à Gaza.” Cette perspective me terrifiait et m’a permis de tenir pour la sortir de là. »

Elles ont été libérées. Mais Danielle dit toute sa colère à l’endroit des responsables de la Croix-Rouge et de l’Unicef qui, selon elle, n’ont rien fait pour venir en aide aux enfants et aux otages ayant besoin de soins. Elle pense aussi à tous ces travailleurs thaïlandais massacrés dans le kibboutz. « Les islamistes nous détestent parce que nous sommes juifs. Mais eux n’étaient là que pour travailler. Ils ne leur ont laissé aucune chance. Les Occidentaux doivent comprendre cela. Ce qu’ils nous ont fait ne se limitera pas au seul peuple israélien. C’est une question de temps avant que cela arrive chez vous, en Europe et ailleurs. »

Par nos envoyés spéciaux Nadjet Cherigui (texte) et Ziv Koren/Polaris/Starface (photos)

Source lefigaro