Ce jeudi soir, le président du Crif-Grenoble-Dauphiné, Hervé Gerbi, annonce dans une lettre ouverte que les élus de Grenoble ne sont pas les bienvenus aux célébrations en mémoire des victimes du 7 octobre, ni aux autres événements organisés par les institutions juives de l’Isère.
Gros clash ce jeudi soir entre le Crif Grenoble-Dauphiné et la Ville de Grenoble. Dans une lettre ouverte, le président Hervé Gerbi annonce que les liens sont rompus. Le ton était déjà monté ces derniers jours, après la tenue d’une réunion, dans une salle communale, de l’association pro-palestinienne Samidoun, la Ville ayant argué qu’elle ne pouvait pas l’interdire, puisque l’association n’était pas interdite en France. Une position que le Crif n’avait pas acceptée.
Et ce jeudi, la « rupture » est actée. “Nous suspendons toute organisation conjointe entre la Ville et les institutions juives, ce qui inclut la préparation du prochain prix Louis Blum qui doit honorer une personnalité luttant contre l’antisémitisme”, annonce le courrier.
« Il est question d’honnêteté intellectuelle et d’équilibre »
Hervé Gerbi écrit ainsi au maire Éric Piolle : “J’avais attiré votre attention sur le positionnement de cette association, interdite en Allemagne, et qui chaque jour élève en « martyrs » les combattants du groupe terroriste Hamas. Alors qu’elle tenait conférence pour une quarantaine de vos administrés, elle affichait dans le même temps publiquement sur les réseaux sociaux son soutien au Hezbollah, autre groupe terroriste. Vous avez officiellement revendiqué le droit d’usage de locaux municipaux par cette association au motif qu’elle n’est pas interdite et en vertu du principe de liberté d’expression ; et ainsi admis, implicitement mais nécessairement, l’usage de fonds publics pour faciliter l’expression d’une parole haineuse qui jamais ne promeut la paix entre les peuples. Dont acte.
Hier, dans un tweet sur X, vous avez écrit : « La folie meurtrière d’Israël s’amplifie au Liban faisant de nombreuses victimes. La communauté internationale doit réagir en suspendant les livraisons d’armes. Il faut un cessez-le-feu et la libération des otages pour mettre fin à cette guerre ». Il n’est bien évidemment pas question de remettre en cause ni le droit de chacun de critiquer la politique israélienne dans ses choix de défense, ni de déplorer les morts civiles innocentes auprès desquelles nous devons compassion et humanité. Il est question d’honnêteté intellectuelle, d’équilibre et de justesse dans les propos.
Aux Nations unies, par l’intermédiaire de son président, la France a exprimé mercredi soir la position suivante : « Le Hezbollah prend depuis trop longtemps le risque d’entraîner le Liban dans la guerre. Israël ne peut, sans conséquences, élargir ses opérations au Liban ». Et de rappeler le non-respect, par le groupe terroriste armé Hezbollah, depuis la fin de la guerre en 2006, de la résolution 1701 du conseil de sécurité des Nations Unis : retrait du sud Liban et désarmement du Hezbollah par application de la résolution 1559 de ce même conseil […]
Avant même la riposte israélienne que chacun peut à loisir considérer disproportionnée, le groupe terroriste armé Hezbollah a décidé d’ouvrir sur le sol israélien, au Nord, un front de guerre obligeant depuis bientôt un an près de 100 000 femmes, enfants, jeunes et vieillards, malades ou non, à quitter leurs habitations. C’est cela la réalité de la situation géopolitique […]
Déjà, le 7 octobre 2023, alors que les juifs du monde entier vivaient dans leurs chairs et dans leur cœur le drame du plus grand pogrom antisémite depuis la Shoah, vous renvoyiez dos à dos victimes juives et bourreaux islamistes par cette prise de position outrancière et justificative de l’attaque du Hamas : « Nouvelle sidération face à cette escalade sans fin d’actes terroristes, de réponses toujours plus violentes, de colonisation qui se propage, de guérilla de l’eau ». L’annonce, quelques semaines plus tard, de la remise en route du jumelage Grenoble – Réhovot apportait sans doute une réponse apaisante à l’émotion et la colère légitime des Grenobloises et grenoblois juifs.”
« Double posture qui n’est pas acceptable »
Il poursuit : “Mais nous relevons en réalité une double posture qui n’est pas acceptable : s’attirer sur le plan national la complaisance de celles et ceux qui vouent une haine existentielle à Israël par des prises de position unilatérales et sans mesure aucune, tenir localement avec la communauté juive un discours d’apaisement. Vos prises de position nationales rendent de facto impossible le jumelage avec les habitants de Réhovot […] L’Assemblée nationale et le Sénat ont reconnu en 2019 que la haine d’Israël sont les ressorts d’un antisémitisme nouveau. Toute expression politique qui, par son déséquilibre, nourrit, même implicitement, ce sentiment de haine, contribue par ricochet à la montée de l’antisémitisme […] Vos dernières prises de position ont réactivé cette émotion et cette colère dans des proportions que nous n’avions jamais connues avec le premier magistrat de notre ville.
Le 7 octobre prochain, la communauté juive du département rendra hommage aux victimes du 7 octobre et aux otages du Hamas. Vous m’avez annoncé la venue de votre première adjointe en représentation officielle de la Ville de Grenoble. Dans le contexte que je viens de décrire, je vous indique que la présence d’une représentation de la Ville de Grenoble n’est pas souhaitée par les institutions juives que je représente, ni à cette manifestation, ni aux prochaines. De la même façon, nous suspendons toute organisation conjointe entre la ville et les institutions juives, ce qui inclut la préparation du prochain prix Louis Blum qui doit honorer une personnalité luttant contre l’antisémitisme. La vocation du Crif est de défendre l’existence d’Israël et de lutter contre l’antisémitisme, piliers indissociables de la protection des Grenobloises et grenoblois juifs. Il n’appartient qu’à vous d’ouvrir réellement une nouvelle ère de dialogue pour que cesse entre nous et vous l’hémorragie de la défiance, ouverte depuis plusieurs années.”