Mendel Narboni : «Porter la kippa en 2024, c’est un risque, mais il ne faut pas fuir»

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Victime d’une agression antisémite dans les transports en commun il y a quelques jours, Mendel Narboni, 19 ans, est un influenceur qui partage sur les réseaux sociaux son quotidien de juif religieux. Engagé dans le dialogue interreligieux et la promotion de l’amitié entre les communautés, il livre à Entrevue son témoignage sur l’exploision de l’antisémitisme en France depuis le 7 octobre, son engagement pour la fraternité et son attachement à la France malgré les tensions actuelles.

Entrevue : Mendel, tu as 19 ans, et tu partages sur les réseaux sociaux ton quotidien de juif religieux. Tu essaies de faire découvrir ta religion aux Français, et tu publies aussi des vidéos qui favorisent le dialogue interreligieux et l’amitié entre les religions. Il y a quelques jours, dans les transports en commun en Île-de-France, tu as été victime d’une agression antisémite. Peux-tu nous raconter ce qui s’est passé ?

Mendel Narboni : En fait, j’étais dans le bus. Il y avait trois jeunes qui ont commencé à discuter, à rire entre eux, puis à me regarder. Un homme devant moi m’a alors dit : « Si tu veux rentrer chez toi tranquillement ce soir, je te conseille de partir. » J’ai compris qu’il valait mieux que je bouge, alors je suis allé au fond du bus.

Quand je suis descendu, les trois jeunes sont descendus aussi. L’un d’eux m’a donné un coup de pied et ensuite, quand il a voulu remonter dans le bus, le bus est parti. Il a donc continué l’agression, en me donnant un coup de poing. Heureusement, un passager est intervenu, et l’agresseur a arrêté. J’ai pu rentrer chez moi.

Tu as dû avoir très peur ?

Mendel Narboni : Oui, bien sûr. Mais il y avait un homme dehors, et je savais qu’il n’allait pas laisser quelqu’un se faire tabasser sans rien faire. Sans cette intervention, j’aurais vraiment eu peur. Ce genre d’agression, avec des insultes, c’est rare, mais ce n’est pas la première fois que ça m’arrive. Ça peut m’arriver dans la rue, quand on me reconnaît des réseaux sociaux, ou tout simplement parce que je porte une kippa.

Les gens qui t’agresse te reconnaissent par rapport aux réseaux sociaux ou est-ce simplement car tu portes une kippa ?

Mendel Narboni :En général, ceux qui me reconnaissent sont bienveillants. Mais parfois, dans certains quartiers, il peut y avoir des gens qui vont commencer à insulter ou à se moquer. Une fois dans le métro, ça a failli mal tourner, mais ce sont des choses rares.

Tu as fait un court-métrage sur l’amitié interreligieuse, peux-tu nous le présenter ?

Mendel Narboni : Oui, j’ai fait un court-métrage avec un ami créateur de contenu, Nabil Absi. Il parle justement de l’amitié entre juifs et musulmans. On a mis en scène une agression, et mon ami, qui est musulman, vient me sauver en expliquant que la violence et la haine ne sont pas ce que prêche l’Islam. Ce court-métrage est disponible sur mes réseaux sociaux.

Tu portes la kippa tous les jours. Est-ce un risque aujourd’hui de porter une kippa dans les rues de Paris, en 2024 ?

Mendel Narboni : C’est une bonne question. Porter la kippa, c’est un risque, mais il ne faut pas en avoir peur. On ne la porte pas pour les autres, on la porte pour soi, pour se rappeler qu’on est attaché à Dieu. On est nés juifs, c’est notre façon de vivre, il faut l’assumer.

Tu as des dizaines de milliers d’abonnés sur les réseaux sociaux. Reçois-tu beaucoup de messages antisémites ?

Oui, je reçois pas mal de messages antisémites, surtout depuis le 7 octobre dernier, avec les attaques du Hamas en Israël. Certains prennent cela comme un prétexte pour exprimer leur haine. Mais personnellement, je ne prends pas ces messages à cœur. Je pense que, dans la vraie vie, on pourrait bien s’entendre avec les gens qui m’insulte.

Justement, comment as-tu vécu cette période du 7 octobre et les événements qui ont suivi ?

Mendel Narboni : Après les attaques du Hamas, la situation s’est tendue pour la communauté juive en France. Les gens étaient déjà influencés par ce qu’ils voyaient dans certains médias, mais avec le 7 octobre, c’est devenu un prétexte pour certains d’être ouvertement antisémites. On sent que les tensions sont plus fortes depuis cette date, et les messages de haine se sont intensifiés. Mais encore une fois, je n’y prête pas trop attention.

Comment vis-tu cette montée de l’antisémitisme en France ?

Mendel Narboni : Clairement, l’antisémitisme a augmenté ces derniers temps. Des gens m’accusent parfois d’être responsable de ce qui se passe en Israël et en Palestine. Mais ce sont des imbéciles, et il y en a partout. J’ai appris à ne pas me laisser atteindre par ces critiques.

Dans tes vidéos, tu sembles vouloir encourager la fraternité entre les religions. C’est important pour toi ?

Mendel Narboni : Oui, c’est très important. J’appelle tout le monde « frérot » dans mes vidéos, qu’ils soient musulmans, chrétiens ou juifs. Je suis un bon vivant, j’aime tout le monde, et je veux encourager cette fraternité.

Beaucoup de juifs quittent la France aujourd’hui à cause de l’antisémitisme croissant. As-tu déjà pensé à faire ton alyah, c’est-à-dire partir vivre en Israël ?

Mendel Narboni : Non, je n’ai pas envie de quitter la France. J’aime ce pays, je me sens bien ici. Il y a des gens qui partent pour Israël, mais moi, je pense qu’il ne faut pas fuir. L’histoire juive est pleine de persécutions, mais on a toujours su se relever. Il ne faut pas partir par peur.

Manuel Valls disait que la France ne serait pas la France sans ses juifs. Que penses-tu de cette montée des départs ?

Mendel Narboni : C’est triste de voir des juifs quitter la France. Mais l’antisémitisme existe, et il faut l’affronter. Pour moi, partir parce qu’on a peur, c’est abandonner. Si on part, c’est pour vivre pleinement notre judaïsme ailleurs, pas parce qu’on fuit.

Merci beaucoup, Mendel Narboni, d’avoir répondu à nos questions. Où peut-on te retrouver sur les réseaux sociaux, et as-tu un dernier message à faire passer ?

Mendel Narboni : Vous pouvez me retrouver sur Instagram et TikTok sous le nom de Mendel Narboni. Mon dernier message, c’est qu’il ne faut pas avoir peur. Si on est attaché à Dieu et sincère dans ce qu’on fait, on est protégés.

Propos recueillis par Radouan Kourak

Source entrevue