Dimanche 8 septembre 2024, nous fêtons la Libération de Besançon (Doubs). Mais nous rappelons-nous encore de ce que signifie ce jour ? Quel était le sens de la Libération pour les Bisontins de l’époque ? Retour sur la période qui l’a précédée avec Orianne Vatin, historienne.
Se rappeler l’Occupation pour mieux savourer la joie de la Libération. C’est le message que porte Orianne Vatin, historienne, auteure de Besançon, de l’Occupation à la Libération et présidente de l’association Besançon Historique. À l’occasion des 80 ans de la Libération, replongeons-nous avec elle dans cette partie de notre histoire.
Le 17 juin 1940, le chef-lieu du Doubs tombe aux mains des Allemands. « Ça a bouleversé la vie des Bisontins à tous les niveaux, que ce soit dans la vie personnelle et professionnelle. Tout était sous la coupe de l’occupant, même les programmes scolaires étaient modifiés s’il y avait des auteurs juifs dans les manuels », retrace l’historienne.
Un antisémitisme forcené et précoce
Besançon n’a pas été épargné par les rafles, les déportations, la torture et les exécutions. On pouvait voir des affichettes « commerce juif » devant les boutiques juives et le port de l’étoile jaune était obligatoire.
Dans sa thèse sur la présence allemande à Besançon, de 1937 à 1948, l’universitaire Anne-Laure Charles raconte comment les Allemands présents dans le chef-lieu de Franche-Comté ont organisé une répression antisémite particulièrement précoce.
Avant même que l’Armistice ne soit signé, les Allemands ont réalisé un état des lieux du patrimoine juif dans la ville. Ils ont demandé à la Banque de France de bloquer les comptes détenus par des Juifs, sans succès.
Alors que les troupes d’occupation ne sont pas officiellement installées, les Allemands recensent l’ensemble des biens appartenant aux Juifs de la ville. Les mesures prises par la Feldkommandantur de Besançon dépassaient les ordres donnés par l’administration supérieure allemande.
« Ils avaient le droit sur tout »
Les occupants contrôlaient les sources d’information. Il n’y a plus de liberté d’expression. Tout était censuré, les courriers, les livres, les films au cinéma, les pièces de théâtre, la radio, le journal. « On ne se déplaçait pas comme on voulait, il y avait des règles pour se déplacer à pied à Besançon », raconte Orianne Vatin.
Les Allemands étaient très organisés. Ils déportaient les juifs et arrêtaient, torturaient ou fusillaient les résistants. « Les tortures ont été très violentes dans les sous-sols des différents bâtiments réquisitionnés du centre-ville de Besançon ». L’occupant était omnipotent et agissait en conséquence. « S’ils voulaient arrêter un résistant, ils pouvaient directement le tuer au lieu de l’arrêter ».
« C’était très stricte. Ils avaient le droit sur tout et pouvaient réquisitionner les voitures. Une fois, ils ont demandé à un homme d’emmener des soldats à un endroit. Il a refusé et a été fusillé. »
La Libération, c’était donc la libération au sens littéral. « L’Occupation était une prison à ciel ouvert, on ne pouvait pas manger ce qu’on voulait, échanger avec qui on voulait, il y avait un couvre-feu », contextualise-t-elle. Lors de la Libération, les Bisontins ont donc retrouvé pleinement leur liberté de vivre. Ils pouvaient enfin se déplacer et retrouver leur famille qui pouvait se trouver dans différentes zones de France.
Comment s’est passée la Libération de Besançon ?
« La Libération est assez complexe, car il y a plusieurs forces en présence : résistants, Bisontins, FFI [Forces françaises de l’intérieur] et Américains », précise Orianne Vatin.
Pour rappel, l’armée américaine débarque en Normandie le 6 juin 1944 et se déploie progressivement sur le sol français. À partir du 15 août 1944, une partie des troupes remonte la vallée du Rhône et entre en Franche-Comté le 1ᵉʳ septembre 1944.
Le 4 septembre, 17 000 soldats américains de la 3ᵉ division d’infanterie US et du 6ᵉ corps d’armée du général Patch arrivent par Larnod et franchissent le pont d’Avanne, seul pont qui n’a pas été détruit par les Allemands et qui permet l’accès à Besançon.
Les 5 et 6 septembre, les Américains entrent dans Besançon et prennent la colline du Rosemont puis Saint Ferjeux.
Le 7 septembre, épaulés par les FFI, les Américains progressent vers le fort de Chaudanne qu’ils croient abandonné. 25 GI (soldats américains) sont tués en quelques minutes par les Allemands ayant renforcé leur garnison pendant la nuit. Les Américains attaquent ensuite la Citadelle depuis le fort Chaudanne. Ses fortifications sont endommagées par les obus américains tirant sur les résistants allemands. En fin de journée, Américains et FFI gravissent les pentes de la Citadelle depuis la Chapelle des Buis. C’est la fin de l’Occupation, les Allemands se rendent.
« Tout ne s’est pas terminé en une fois. Les Allemands se rendent le 7 septembre au soir sauf que le lendemain, lorsque l’on fête la Libération, il reste des tireurs allemands isolés. Ils ne sont pas nombreux, mais peuvent tirer avec des rafales automatiques, donc c’était un peu tendu. »
Le lendemain, place du 8 septembre, tous les drapeaux nazis sont brûlés et la foule se rassemble. Les Américains ne sont que de passage et partent libérer d’autres villes. Les Bisontins récupèrent leur ville et il faut alors tout reprendre en main.