Face à une montée de l’antisémitisme et à un climat social préoccupant en France, de nombreux Juifs français envisagent l’exode vers Israël. Depuis les élections législatives, plusieurs centaines de demandes d’Alyah ont été déposées auprès de l’Agence juive en France.
Yaëlle et Aurélien se languissent d’impatience en attendant leur tour au guichet du bureau parisien de l’Agence juive, en charge de (l’immigration vers Israël). Ils se préparent à faire leurs bagages pour un départ sans retour de France avec deux de leurs quatre enfants, en route pour la Terre promise. « C’est une décision que nous avons longuement mûrie, explique le couple. Nous ne tournons pas le dos à la France, mais il nous est presque pénible d’y visualiser un avenir. » Au cœur des préoccupations : « un changement démographique évident » qui les alarme ainsi que <em>« les tensions dans les qui jettent une ombre sur le futur de leurs enfants.
Depuis la « loi du retour » votée par le jeune État hébreu en 1950, toute personne qui peut prouver sa judéité, ou la présence de juifs dans son ascendance, peut devenir citoyen de l’État d’Israël. Fait notable : depuis le 7 octobre dernier, les demandes d’Alyah en France ont enregistré une hausse saisissante, atteignant près de 6 440 dossiers d’immigration ouverts, contre 1 057 à la même période l’an passé.
6 440 dossiers d’immigration ouverts, contre 1 057 à la même période l’an passé
Alors même qu’Israël est en guerre et toujours sous la menace d’un nouveau pogrom. À l’international, plus de 22 000 nouveaux immigrants ont choisi de s’installer dans l’État hébreu depuis les attaques terroristes du et, à ce jour, près de la moitié des 15,7 millions de juifs dans le monde y vivent (7,1 millions).
Bien que l’Agence juive ne corrobore pas le nombre de « 2 000 » dossiers d’Alyah ouverts à la suite des législatives du 7 juillet, comme mentionné par plusieurs médias, elle confirme néanmoins un net regain d’intérêt dès l’annonce des résultats. L’apparition de Jean-Luc Mélenchon, au soir du second tour, aux côtés de la militante antisioniste vêtue d’un keffieh palestinien, en a troublé plus d’un.
À l’âge de 18 ans, Eliott, l’un des fils de Yaëlle et Aurélien, a insisté auprès de ses parents pour rester en France. En s’inscrivant à l’université pour la rentrée prochaine, il a dû se résoudre à faire un choix : « J’envisageais une carrière d’avocat, mais cela aurait limité les possibilités de vivre en Israël plus tard, si je le souhaitais. »
« Nous trouvons en Israël un refuge »
Par conséquent, il s’est orienté vers un domaine propice à l’emploi dans le pays, la « tech », lui offrant ainsi un point de départ pour s’y établir à l’avenir. « Ce n’est pas la peur qui nous fait partir, insiste son père. La France traverse des changements. Lors des manifestations anti-israéliennes, où sont les drapeaux français ? C’est une vérité difficile à accepter pour la communauté juive. Nous trouvons en Israël un refuge où nous sommes chaleureusement accueillis et où nous nous sentons chez nous. »
L’antisémitisme d’atmosphère, alimenté par certaines figures politiques, a eu un impact majeur sur la décision d’Aurélien et Yaëlle qui redoutent de voir se reproduire « les premiers signes de 1933 avant la Seconde Guerre mondiale ». À la question de savoir si les juifs ont un futur en France, Aurélien répond sans détour : « Je crains qu’il n’y ait pas d’avenir pour les Français en France. »
« Je viens en Israël pour construire et me construire »
Emmanuel Sion, à la tête de l’Agence juive, insiste sur l’importance d’avoir un « projet solide » avant de s’en aller. Une expression israélienne, livnot u’lehibanot, se traduit par « Je viens en Israël pour construire et me construire » : cette ambition doit être au cœur de la démarche. « Il est essentiel de partir pour les bonnes raisons, insiste-t-il. La communauté juive de France est très liée à Israël : ceux qui décident de faire leur Alyah le font par conviction sioniste et par solidarité pour débuter un nouveau chapitre de leur vie. » Emmanuel Sion fait observer qu’Israël n’est pas la seule option : « Certains préféreront des destinations comme les États-Unis ou la Suisse. »
Le 15 juillet dernier, une centaine de juifs français ont quitté la France pour s’installer en Israël, symbole d’un premier grand départ : parmi ces olim Hadashim ( « nouveaux immigrants » en hébreu), la plus jeune a moins d’un an et la plus âgée a 70 ans. Le ministre de l’Alyah et de l’Intégration, Ofir Sofer, leur a fait bon accueil. D’autres départs sont programmés tout au long de l’été ; reste à savoir si cette tendance s’inscrira dans la durée.
Lara Tchekov