A Paris, Nancy, Angers ou Lyon, des groupes violents ont semé la panique ces derniers jours. Dans un cas au moins, les assaillants se sont félicités d’une possible victoire de l’extrême droite aux législatives à venir.
«On les a juste hués quand ils sont passés et ils se sont jetés sur nous.» Trois jours après les faits, Sarah (1) est toujours sous le choc. Vendredi 14 juin au soir, à Lyon, la jeune femme a été confrontée à la violence débridée d’une bande de plusieurs dizaines de militants d’extrême droite qui ont déambulé en centre-ville en réplique à une manifestation contre le Rassemblement national. L’incident n’est pas isolé. Agression homophobe à Paris, attaques contre des rassemblements de gauche à Nancy et Angers… Alors que le parti lepéniste est aux portes du pouvoir, à la faveur de la dissolution de l’Assemblée nationale, les radicaux d’extrême droite se sentent visiblement pousser des ailes et font parler les poings.
Sarah s’était rendue à un rassemblement contre l’extrême droite organisé en début de soirée à Lyon, vendredi, à l’appel d’associations et d’organisations syndicales. Après la manifestation, cette intermittente du spectacle décide d’aller boire un verre avec des amis dans le quartier de la Croix-Rousse. «On était tranquillement assis en terrasse, raconte-t-elle à Libé, quand on a commencé à entendre des bruits et des cris qui venaient du haut de la rue. Je me rappelle que quelqu’un a crié “c’est les fachos”.» «Rapidement, on a vu arriver un groupe de 40 à 50 types qui criaient des slogans racistes et faisaient des saluts nazis. Des gens sur la terrasse les ont hués et ils ont chargé», poursuit la jeune femme. Face à la violence de l’action, Sarah se réfugie dans une des rues adjacentes avec une grande majorité des clients du bar. «J’ai vu un homme se faire passer à tabac à coups de chaîne de vélo. Ils ont aussi jeté des chaises sur les gens, ont renversé des tables, c’était le chaos. Tout le monde a eu très peur.»
«Vous verrez quand Bardella sera au pouvoir et que Hitler reviendra !»
Après cet épisode traumatisant, Sarah rentre chez elle partagée entre le choc et la colère. Elle décide de diffuser une vidéo de l’attaque sur son compte Instagram avant d’aller se coucher. En se levant le lendemain, elle constate qu’elle a reçu des messages menaçants de la part de comptes anonymes et même une menace de viol, que Libé a pu consulter. Elle envisage de déposer plainte, mais a peur de donner son identité et son adresse à la police, craignant qu’elles ne fuitent. «Je suis aussi choquée car les médias n’ont que très peu parlé de cette attaque mais en ont fait des caisses sur les trois poubelles brûlées en marge de la manifestation contre l’extrême droite», s’étrangle Sarah. «J’ai l’impression que ces militants se sentent en toute impunité.
Est-ce ce sentiment d’impunité qui a poussé, dès dimanche 9 juin au soir, quatre militants du GUD Paris qui venait de fêter la victoire de Jordan Bardella à agresser et frapper un jeune homme dans le Ve arrondissement de la capitale en raison de son orientation sexuelle supposée ? Lors de leur garde à vue – ils ont été interpellés dans la foulée –, ils ont fait assaut de confiance, lançant notamment aux policiers : «Vous ne savez pas qui je suis. Demain, à 14 heures, vous êtes virés.» Ou encore : «Vous verrez quand Bardella sera au pouvoir et que Hitler reviendra !» Deux phrases rapportées à leur procès, mercredi 12 juin, par l’une des policières qui les ont entendus.
«Vivement dans trois semaines, on pourra casser du PD autant qu’on veut», ont-ils renchéri au commissariat, selon une source proche de l’enquête. Parmi les interpellés figure l’un des leaders du GUD, Gabriel Loustau, fils d’Axel Loustau, ancien cadre du Rassemblement national et ami proche de Marine Le Pen. Gabriel Loustau et Halvard K. ont été condamnés à six mois d’emprisonnement avec sursis pour non-assistance à personne en danger. Louis G. et Briac F., qui ont porté les coups, à respectivement cinq et sept mois d’emprisonnement avec mandat de dépôt, peines aménageables sous bracelet électronique.
«Ça a viré à la bataille rangée»
La veille de cette condamnation, l’extrême droite faisait aussi parler les poings à Nancy. Un groupe d’une dizaine d’individus cagoulés, dont des militants de l’Action française (royaliste) et des hooligans d’extrême droite selon plusieurs sources locales, s’en est ainsi pris à une manifestation spontanée contre l’extrême droite et pour l’union des gauches. La préfecture a confirmé à Libé que «l’ultradoite» était bien à l’initiative des heurts. Des vidéos des faits montrent une bande de nervis vêtus de noir, pour beaucoup cagoulés et certains armés, se mettre sur le chemin du cortège, puis reculer sous la pression des manifestants et finir par se réfugier derrière un cordon de CRS. Une manœuvre effectuée en bon ordre et sans cesser de distribuer des coups.
Libé a pu joindre une des manifestantes qui a reçu un coup de ceinture au niveau du crâne. «La partie métallique de la boucle m’a ouvert le cuir chevelu et j’ai aussi reçu un coup au niveau de la tempe», témoigne-t-elle. Prise en charge par une équipe de sauveteurs bénévoles, elle a finalement atterri aux urgences après avoir été prise de vertiges et de vomissements. Elle en sera quitte pour une bonne dose d’antidouleurs. Mais la jeune femme tient à relativiser : «Je préfère que ça soit moi qui me fasse frapper que des enfants ou des personnes fragiles qui étaient présents dans la manifestation. D’autant qu’après cette attaque des personnes ont été agressées en marge de la dispersion par des petits groupes de trois-quatre types en noirs.» A Nancy, les participants à la manifestation en sont sûrs : ce sont les mêmes qui s’en étaient pris plus tôt au cortège.
Dernière attaque en date, celle d’une guinguette populaire à Angers, samedi 15 juin. Une centaine de personnes s’étaient rassemblées pour assister au concert du rappeur Vin’s après une journée de mobilisation contre l’extrême droite. La fête a été interrompue vers 21h30 par l’irruption d’une dizaine de militants, dont plusieurs ont été identifiés comme appartenant au groupuscule radical local, le RED Angers (héritier de l’Alvarium, dissous à l’automne 2021). «Ça a viré à la bataille rangée», a témoigné un employé de la guinguette auprès de Libé. Une personne a été blessée lors de l’affrontement et l’établissement a porté plainte. Une enquête a été ouverte pour violences avec arme. Commentaire lapidaire du même employé : «En ce moment, les militants d’extrême droite ne se sentent plus pisser.»
(1) Le prénom a été changé.
par Maxime Macé et Pierre Plottu
Que Sarah adhère au RN…elle sera protégée contre ses amis « antifas et islamo gauchistes 😉