La contestation contre Benyamin Netanyahou grandit à mesure qu’Israël s’empêtre dans une guerre sans but politique. Le camp antigouvernemental a repris le chemin de la rue en lançant une « semaine de résistance » et demande la tenue d’élections anticipées.
« Ça pourrait être différent ici. Élections maintenant ! » Le slogan s’étale sur un tissu arc-en-ciel dont Tamar et Omer Berman tiennent les extrémités. Ces deux quadragénaires ne savent pas par où commencer pour décrire leur colère à l’encontre du gouvernement de Benyamin Netanyahou : « Ils ne servent que leurs intérêts. Ils n’aiment pas leur peuple. Plus personne ne leur fait confiance, ils ne peuvent pas rester là ! », s’insurge Tamar, psychologue, avant de reprendre en chœur avec les manifestants : « Non à la dictature ! Non au fascisme ! »
Comme elle, des milliers de personnes ont répondu, lundi 17 juin, à l’appel à manifester devant la Knesset à Jérusalem, lancé par trois organisations antigouvernementales pour le deuxième jour d’une « semaine de résistance ». Alors que la guerre s’enlise, l’Israël libéral perd patience face à Benyamin Netanyahou. Rodés par neuf mois de lutte contre la réforme de la justice en 2023, les organisateurs ont promis des actions et blocages à travers le pays pour convaincre les Israéliens de rejoindre leur cause : l’appel à des élections anticipées.
« Bibi, le plus gros danger d’Israël »
À Jérusalem, c’est la convergence des luttes. Ou des colères. La myriade des tee-shirts floqués au nom des causes ou des groupes illustre la variété des positions sur le spectre d’une gauche qui s’est durcie avec la guerre. Chacun a une bonne raison de réclamer le départ de Benyamin Netanyahou.
« Il faut un accord maintenant, c’est la seule solution pour récupérer les otages à Gaza, or ce gouvernement n’en veut pas », lance Mirit, tee-shirt noir « Ramenez-les à maison ». « Sous leur direction, Israël s’est perdu, a perdu ses valeurs. Bibi est un menteur, c’est le plus gros danger d’Israël », estime Moti, revêtu d’un polo kaki « Frères d’armes », évoquant ces anciens réservistes en première ligne des manifestations contre la réforme de la justice.
Dans un pays qui ne voit pas la guerre à Gaza, les Palestiniens et les Gazaouis sont les grands absents des slogans. Seul un petit groupe anti-occupation scande un téméraire : « From the River to the Sea, Freedom and Equality ! » (« Du Jourdain à la Méditerranée, liberté et égalité », NDLR.)
« Ils vont finir par craquer »
Cette « semaine de résistance « a été décidée après une séquence tumultueuse : démission de Benny Gantz du cabinet de guerre, dont il était la caution centriste ; premier vote sur un projet de loi d’exemption de service militaire pour les ultra-orthodoxes ; escalade de tensions avec le Hezbollah ; mort de dix soldats à Gaza…
Dans la foule, on vit ces pertes humaines comme des sacrifices vains. « Nos enfants meurent. Bibi sourit », dénoncent deux panneaux, en référence à cette photo d’un Netanyahou tout sourire prise après le vote, le 14 juin, de la loi exemptant les ultra-orthodoxes de service militaire. « Les Israéliens meurent. Des soldats sont tués tous les jours, les gens du Nord voient de nouvelles maisons détruites tous les jours. Mais pour quoi ?, s’interroge Tamar Berman. Ce pays est gouverné par des gens qui veulent juste mettre le feu à la baraque. Ça n’assure pas notre sécurité. Ça nous tue. »
En fin de soirée, le cortège se dirige vers la maison du premier ministre, située dans la rue de Gaza, dans un quartier cossu de Jérusalem-Ouest, où canon à eau et violences policières accueillent la vague de colère. « Quand le pouvoir se sent menacé, il oppresse », sourit Uri, trentenaire et habitant du quartier qui ne rate aucune manifestation hebdomadaire devant la résidence. « Ils vont finir par craquer. Ce n’est pas le moment de lâcher. »
Cécile Lemoine, correspondante à Jérusalem