Israël : en manque de soldats, Tsahal veut allonger les périodes de réserve

Abonnez-vous à la newsletter

Confrontée à une grave pénurie d’effectifs, l’armée israélienne veut reporter l’âge limite pour les périodes de réserves et annuler les exemptions de service militaire, dont bénéficient les jeunes ultraorthodoxes.

Confrontée à une guerre sur des multiples fronts, l’armée israélienne souffre d’un manque d’effectifs. L’Etat-major et le gouvernement devaient annoncer dimanche l’allongement de l’âge limite des réservistes pour combler les trous. Mais cette décision a été reportée de quelques jours à la suite d’une polémique de plus en plus violente sur le refus des ultraorthodoxes juifs, qui regroupent 12 % de la population, d’envoyer les jeunes de cette communauté à l’armée. La pression est montée d’un cran avec l’annonce de la mort de treize soldats durant le week-end.

Le bilan des soldats du contingent et des réservistes tués qui s’allonge de jour en jour, a poussé des milliers de manifestants samedi soir dans les rues, notamment à Tel Aviv, pour exiger que les Harédim (le terme en hébreu pour les ultraorthodoxes, qui signifie les craignant Dieu) soient contraints de « partager le fardeau » pour la défense de leur pays.

Doubler les effectifs

Le projet, qui va être présenté dans les prochains jours, porte sur un report de l’âge limite pour les réservistes de 40 à 41 ans, de 45 à 46 ans pour les officiers et de 49 à 50 pour les pilotes notamment. Pour compléter le tableau, l’état-major veut rallonger le service militaire de 32 à 36 mois pour les hommes, alors qu’avant la guerre, il devait être ramené à 30 mois dans la bande de Gaza. Tsahal entend également réduire au maximum les exceptions pour raisons de santé. Selon les militaires, il faudra en effet doubler le nombre de bataillons dans la bande de Gaza contre le Hamas, mais aussi doubler les effectifs contre le Hezbollah au nord de la frontière libanaise.

« Il ne faut pas se leurrer, on ne pourra pas se débrouiller avec moins si l’on veut assurer la sécurité et permettre de rentrer chez eux à des dizaines de milliers d’Israéliens, qui ont dû quitter leur domicile près de la bande de Gaza et du Liban », explique un officier supérieur. Selon les commentateurs, il manquerait entre 17.000 à 20.000 soldats pour assurer toutes ces missions, y compris en Cisjordanie.

Dans ces conditions, l’exemption de quelque 66.000 jeunes ultraorthodoxes devient de plus en plus intolérable pour la majorité laïque de la population. L’armée réclame la conscription des ultraorthodoxes mais Benyamin Netanyahou est contre car il est sous la pression de deux partis religieux , dont l’appui est vital pour maintenir sa majorité. Il soutient un projet de loi qui permettrait à la grande majorité des ultraorthodoxes de continuer à ne pas revêtir l’uniforme et à continuer à étudier dans les Yechivot, les séminaires talmudiques, tout en bénéficiant de subventions de la part de l’Etat.

« C’est intolérable, j’ai un fils et une fille, qui risquent leur vie tous les jours à Gaza et en Cisjordanie, alors que les ultraorthodoxes ne courent aucun danger, laissent les laïcs se faire tuer et que, comble de tout, je finance avec mes impôts l’entretien de ceux qui refusent de faire l’armée », s’insurge Agar Raviv, une Israélienne d’une cinquantaine d’années venue manifester devant le siège du ministère de la Défense à Tel Aviv.

Exaspération

Les cas de réservistes contraints d’abandonner leur famille et leur emploi pour des périodes de près de 100 jours depuis le début de la guerre ne sont pas rares parmi les quelque 287.000 Israéliens appelés à effectuer des périodes de réserves, un chiffre record dans l’histoire d’un pays qui a connu de multiples guerres.

Le malaise est tel que Yoav Galant, le ministre de la Défense et membre du Likoud, le parti de Benyamin Netanyahou, a voté en première lecture contre le projet de loi du gouvernement. Il a été pour le moment le seul membre du gouvernement à oser ainsi défier le Premier ministre. Mais, selon les médias, son geste traduit l’exaspération de la population laïque, y compris parmi des membres de la majorité au pouvoir.

Pascal Brunel