Joyau de l’art baroque, la synagogue de Slonim, deuxième plus ancienne du pays, s’abîme depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Lors d’une énième mise aux enchères, l’édifice a été cédé à un entrepreneur russe. Les inquiétudes sur sa restauration demeurent.
L’épopée de la synagogue de Slonim, l’une des plus belles de Biélorussie et la deuxième plus ancienne du pays, entame un nouveau chapitre. A l’abandon depuis des décennies, elle a été rachetée pour 42 roubles biélorusses (12 euros) lors d’une vente aux enchères organisée par les autorités en février.
L’homme, qui a fait fortune dans la construction mais dont on sait peu de choses, dispose désormais de cinq ans pour rénover l’édifice religieux en préservant ses caractéristiques historiques et stylistiques. L’entreprise de M. Dudarev était la seule à s’être engagée dans la vente de la synagogue. Après une série d’enchères infructueuses, le prix de départ avait été abaissé à la modeste somme de… 11 euros.
Une synagogue historique
Construite en 1642, alors que la ville de Slonim se trouvait à un important carrefour culturel et commercial de la République des Deux Nations (soit l’union du grand-duché de Lituanie et du royaume de Pologne), la synagogue était fréquentée par une communauté juive d’un millier de personnes, dont l’importance n’a cessé de croître au fil des siècles. La synagogue, en pierre et en brique, a même fait partie d’un système de fortifications urbaines.
Un joyau à l’abandon
En 1921, 71 % de la population de Slonim (sur près de 10 000 personnes) était juive. Décimés par l’occupant nazi, seule une quarantaine de juifs y vivaient encore en 1946, au lendemain de la libération par les Soviétiques. Le lieu de culte fut transformé en entrepôts pour les besoins d’un magasin de meubles, puis définitivement abandonné dans les années 1990. Un petit marché a été installé juste à côté, dans cette ville de l’ouest de la Biélorussie qui compte 50 000 habitants aujourd’hui.
Depuis, plusieurs tentatives ont été faites pour conserver ce joyau baroque. Fin 2020, l’écrivaine biélorusse Ilona Karavaeva – Ioanna Reeves de son nom de plume –, chrétienne, se décide ainsi à le racheter pour 9 000 euros lors d’une précédente vente aux enchères. L’autrice, jointe au téléphone par Le Monde, se souvient avoir été choquée de trouver cette annonce dissimulée entre « deux garages ». Elle se résout à miser, sans trop penser l’emporter, et sans visite préalable, ni évaluation du coût des travaux. Elle finit par vendre son appartement à Minsk, la capitale du pays, pour se lancer dans le chantier de rénovation de la synagogue.
« Je ne pensais pas la trouver en si mauvais état. Quand j’y suis entrée pour la première fois, j’étais tout simplement abasourdie », raconte-t-elle, se disant particulièrement peinée à la vue d’un médaillon délabré, sculpté et peint sur un mur, représentant les Tables de la Loi, tenues par deux lions sur un fond bleu.
« Une manière de se faire de l’argent »
Ilona Karavaeva, qui comptait sur un élan de solidarité pour sauver ce « précieux patrimoine », échoue à récolter l’argent nécessaire à sa restauration. Elle n’a d’autre choix que de rendre la synagogue aux autorités locales, à l’été 2022. La Biélorusse avait pourtant tenté de lever des fonds, via une fondation légale établie à cet effet. Elle avait également lancé un appel à la communauté juive internationale. C’était sans compter le durcissement du régime dictatorial du président Alexandre Loukachenko et les sanctions internationales imposées en raison de sa complicité dans l’agression russe de l’Ukraine, qui ont rendu toute collaboration transfrontalière impossible.
Anton Trafimovich fait partie de ces dizaines de milliers de Biélorusses forcés de fuir le pays après la réélection frauduleuse de Loukachenko en 2020, et la répression des opposants qui s’est ensuivie. Cet ancien journaliste de RFE/RL (Radio Free Europe) s’est reconverti dans une entreprise internationale à Varsovie. Il rêve aujourd’hui de voir la synagogue de Slonim restaurée et un musée s’ériger : « Elle se situe en plein centre-ville et même si plus personne ne s’y rend pour prier, elle reste très importante dans l’histoire de la ville et du pays. »