Serge Klarsfeld évoque à son tour la mémoire de la Shoah pour l’INA

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Après Simone Veil, Georges Kiejman, Marceline Loridan-Ivens et Ginette Kolinka, Léa Veinstein continue son travail de restitution des voix des témoins de la déportation des juifs de France.

Afin de préserver et de restituer leur mémoire, la Fondation pour la mémoire de la Shoah et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) se sont associés, à partir de 2005, pour réaliser une série d’entretiens filmés de témoins de la déportation des juifs de France. Depuis 2022, l’INA a confié à Léa Veinstein le soin d’en faire une collection de podcasts : après Simone Veil, Georges Kiejman, Marceline Loridan-Ivens et Ginette Kolinka, vient d’être mis en ligne celui consacré à Serge Klarsfeld.

Quand il vient enregistrer, en 2006, à Bry-sur-Marne (Val-de-Marne), au siège de l’INA, Serge Klarsfeld est un témoin, mais aussi, et déjà, comme le rappelle Léa Veinstein, « le grand avocat connu dans le monde entier pour sa traque inlassable contre les nazis, l’homme qui a lutté pour que la France reconnaisse enfin officiellement son rôle actif dans l’arrestation et la déportation de nombreux juifs sous l’Occupation, l’historien qui, au terme d’années de recherche dans les archives, a pu donner naissance au Mémorial de la déportation des Juifs de France, ce livre unique indiquant, année par année, mois par mois, convoi par convoi, le nom des juifs déportés, ce livre qui a rendu à des familles entières la possibilité du deuil et à un pays entier sa mémoire ».

D’ailleurs, lui se souvient. De la guerre (épisode 1). Né en 1935 d’un homme d’affaires (Arno) et d’une étudiante en pharmacie (Raïssa, dite « Raya ») qui s’étaient rencontrés dans un dancing, rue de la Huchette, à Paris. A l’épisode 2, nous sommes au printemps 1941, et la famille a fui et s’est installée à Nice, alors occupée par les Italiens. « Nice, c’était un émerveillement : le soleil, les palmiers, la mer », se souvient Serge Klarsfeld, ayant à cœur de dire les choses comme elles sont.

Rencontre avec Beate

L’année suivante, Arno entre en résistance et, fin 1943, après la débâcle italienne, les arrestations se multiplient. Il fait alors construire une cloison dans un placard profond. Serge Klarsfeld se souvient parfaitement de cette nuit où il a fallu se cacher, où son père est allé ouvrir, où l’on a demandé à ce dernier où étaient sa femme et ses enfants, où il a menti puis réussi à embrasser la main de son épouse avant d’être embarqué. Et – puisque c’est le titre du podcast et du livre édité par Flammarion pour l’occasion –, « on pensait qu’il allait revenir ».

A l’épisode 3, Serge Klarsfeld dit pourtant la certitude, soudain, que son père ne reviendrait pas : « A la seconde même, j’ai arrêté de croire en Dieu », confie-t-il. Au quatrième et dernier épisode, il raconte sa rencontre, un jour de mai 1960, et alors qu’il se rendait à sa première réunion franco-allemande, avec Beate Auguste Künzel, sa future épouse.

Cinq ans plus tard, alors qu’il s’apprête à être père, Serge Klarsfeld veut retrouver plus précisément ce qui est arrivé au sien : le numéro du convoi, le numéro de matricule (159683) qu’on lui donna à son arrivée à Auschwitz. Il comprend que ce geste opéré pour la mémoire de son père doit désormais se transformer en une recherche collective : « A la volonté des nazis de détruire et d’anéantir le peuple juif, nous, juifs, opposons notre volonté de mémoire juive, précise et intransigeante. » Cette collection de podcasts, confiée aux bons soins de Léa Veinstein, y participe.

« On pensait qu’il allait revenir », podcast écrit par Léa Veinstein et produit par l’INA dans la collection « Mémoires de la Shoah » (Fr., 2024, 4 × 30 min). Egalement disponible sur les plates-formes d’écoute habituelles. (youtoube)

Source lemonde