Les trois minutes du député Habib, par Daniel Schneidermann

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L’arrogance et l’impunité s’invitent à la tête de nombreux Etats démocratiques, mais aussi dans les rangs des Parlements. Personnage récurrent des vidéos virales sur les réseaux sociaux, le député des Français de l’étranger est un bon exemple.

Ce qui est pratique, pour tenter de comprendre les phénomènes Trump, et Nétanyahou, et Ben Gvir, et Smotrich, de les métaboliser, de comprendre physiquement comment sont rendus possibles cet enfermement mental, cette folie collective, par lesquels des démocraties se dotent de dirigeants, qui les conduisent à leur perte, c’est que nous avons le même à la maison. En modèle réduit, bien entendu. Il s’appelle Meyer Habib, se présente ceint de l’écharpe tricolore de député des Français de l’étranger (zones de Chypre, de Grèce, d’Israël et des Territoires palestiniens, de l’Italie, de Malte, de Saint-Marin, du Saint-Siège, de la Turquie), mais sous cette écharpe, intervient essentiellement comme représentant des intérêts permanents de l’Etat d’Israël en général, et ceux de Nétanyahou en particulier.

Le député Habib est un personnage récurrent des vidéos virales sur les réseaux sociaux. Dans l’une des plus partagées, en mars dernier, il tente de s’approcher du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti pour lui remettre les photocopies des insultes et des menaces reçues par lui, dont il vient de donner lecture à l’Assemblée nationale. Des huissiers doivent l’éloigner.

Dans la vidéo la plus récente, il tente d’interrompre, dans les couloirs, une interview du député LFI David Guiraud, lors d’une suspension de séance après que son collègue Sébastien Delogu a brandi un drapeau palestinien dans l’hémicycle. S’adressant aux journalistes qui interrogent Guiraud : «Comment, vous leur donnez la parole ?» Guiraud : «Qu’est-ce que tu fais là, toi ? Va t’en !» Habib : «A qui tu parles ?» Guiraud : «A toi, je te parle.» Habib : «On n’a pas gardé les cochons ensemble. – C’est toi le cochon, dans la boue du génocide. Je suis en pleine interview…» Habib, passant au vouvoiement : «Me touchez pas !» Guiraud : «Vous êtes un porc.» Aux caméras : «Ce Monsieur est un porc, il défend le génocide depuis le début, c’est un porc.» Considérant que «porc est la plus vieille insulte antisémite du monde», Meyer Habib, dûment invité à commenter l’incident sur BFM, a ensuite annoncé porter plainte contre cette «crapule antisémite».

Le système de défense de Habib est le même que celui de Nétanyahou : quiconque le conteste ou le contredit est taxé d’antisémitisme. David Guiraud est antisémite, comme pour les dirigeants israéliens l’ONU est antisémite, ainsi que le procureur de la CPI qui vient de requérir des mandats d’arrêt contre Nétanyahou et l’un de ses ministres. Et Amnesty, et les humanitaires, et l’Espagne, et l’Irlande, et la Norvège, qui viennent de reconnaître l’Etat de Palestine. Même le pape, à n’en pas douter, est antisémite, qui a appelé au cessez-le-feu.

Il est une autre vidéo de Habib, moins connue, apparemment moins violente, mais plus éloquente, qui a resurgi sur X à l’occasion de l’incident Guiraud. C’est une séance de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, en février dernier, présidée par le centriste Jean-Louis Bourlanges. Alors que le règlement prévoit des temps de parole de deux minutes trente par député, Habib réclame trois minutes. Meyer Habib, se levant furieux alors que Jean-Louis Bourlanges l’interrompt après son temps réglementaire : «Tout le monde a eu trois minutes !» Bourlanges : «Non.» Puis, élevant la voix alors que Habib rassemble déjà ses affaires en continuant à ergoter : «Arrêtez ! Respectez l’autorité de la présidence. Et sortez si vous n’êtes pas content. On se passera de vous.» Sortie furieuse du chahuteur.

Meyer Habib, Benyamin Nétanyahou, Donald Trump : trois visages de l’arrogance et de l’impunité. Trois impunités aux racines différentes, bien entendu. L’impunité israélienne ne peut se comprendre sans se souvenir d’Auschwitz. Mais quelles leçons en tirer ? «Du génocide des Juifs, on peut tirer deux leçons différentes, disait en substance l’historien israélien Tom Segev. L’une est que ce que nous avons subi est si terrible, que tout nous est permis. L’autre, c’est que ça ne doit recommencer pour personne.» Benyamin Nétanyahou a choisi.

Jean-Louis Bourlanges face à Meyer Habib, métaphoriquement, c’est le procureur de la CPI face à Benyamin Nétanyahou, ou le jury populaire new-yorkais face au milliardaire Donald Trump. Même si ni l’ONU, ni la CPI, ni la CIJ, ni personne, n’ont les moyens de lancer à Nétanayahu «sortez ! on se passera de vous! », on se prend à rêver à la manière dont l’histoire aurait pu tourner, si dès les premières trente secondes, dès les toutes premières occupations illégales d’Israël en 1967, une calme autorité incontestée, au nom de la tolérance zéro, avait élevé la voix : «Respectez le droit international». Et on ne peut s’empêcher de se dire que ce pourrait être parfois simple, la fermeté…

par Daniel Schneidermann

Source liberation

3 Comments

  1. Je suis bien déçu de voir InfoJmoderne publier un article aussi partisan et aussi ignoble. Je ne n’étais pas abonné pour lire de pareilles saloperies. Comment fait-on pour se désabonner ?

    • vous perdez votre temps Marcoroz : vous ne parviendrez pas à nous faire croire que Meyer Habib sent la rose…

  2. J’avoue que cet article en tout cas l’auteur et ceux qui ont autorisé à le publier est tout aussi radical que ce à quoi nous sommes confrontés. « Cochon » c’est pas assez ?! STOP

Les commentaires sont fermés.