Un peu plus que les autres élus LFI, le député de Roubaix multiplie les déclarations anti-israéliennes. Il y a un intérêt tout personnel.
Samedi dernier, le 25 mai, on n’a pas entendu David Guiraud. Le député LFI était présent au dojo de Roubaix pour le lancement d’une opération de solidarité, mais, au milieu des judokas en kimono, l’élu roubaisien n’a pas pu s’exprimer comme il l’entendait : son micro ne fonctionnait pas, ce qui l’a un peu énervé. Trois jours plus tard, en revanche, on a très bien entendu ce proche de Jean-Luc Mélenchon traiter son collègue Meyer Habib de « porc ».
Le député LR des Français de l’étranger (dont la circonscription comprend Israël et les Territoires palestiniens) venait de l’apostropher, juste après que le député Insoumis Sébastien Delogu eut brandi dans l’hémicycle un drapeau palestinien. « Qu’est-ce que tu fous ici, barre-toi », lance, au beau milieu d’un échange avec la presse, Guiraud à Meyer Habib. Réponse de ce dernier : « On n’a pas élevé les cochons ensemble. » « C’est toi, le cochon, répond vertement Guiraud. T’es un porc, barre-toi de là ! Tu es dans la boue du génocide palestinien. » Les mots de « cochon » et « porc » sont, on le rappelle, des insultes antisémites habituelles, et Habib Meyer revendique sa judéité.
Un drapeau palestinien brandi dans l’hémicycle : très vive altercation entre le député LFI @GuiraudInd et le député apparenté LR @Meyer_Habib.#DirectAN #QAG pic.twitter.com/WAJYilhZCl
— LCP (@LCP) May 28, 2024
David Guiraud ne s’est pas emporté ; ses mots n’ont pas dépassé sa pensée ; son attaque n’est pas un dérapage. Il l’a lui-même reconnu le soir même, sur le plateau de BFMTV. Plus exactement, il en a rajouté : « Il est vrai qu’il faut être beau joueur. Moi, je présente mes excuses à tous les cochons de France. Je n’en ai jamais vu défendre les génocides. »
Électoralisme réfléchi
David Guiraud sait très bien ce qu’il fait et dit, à l’image de Sébastien Delogu, qui applique une stratégie réfléchie en déployant un drapeau palestinien à l’Assemblée nationale. La même poursuivie par Jean-Luc Mélenchon et ses lieutenants, qui glissent à dessein des allusions antisémites. LFI cherche à recruter des électeurs parmi la population issue de l’immigration et la communauté musulmane depuis 2017. Date à laquelle Éric Coquerel, député LFI de Seine-Saint-Denis, a identifié dans cet électorat les voix manquantes pour que Mélenchon accède au second tour de la présidentielle.
David Guiraud applique avec assiduité cette même stratégie. Il a été à bonne école : après 2017, le fils du maire PS des Lilas devient attaché parlementaire d’Éric Coquerel, tout juste élu député. Guiraud reconnaît, dans un article de Libération, qu’il s’est initié au conflit israélo-palestinien au travers des vidéos de Dieudonné et d’Alain Soral, deux hommes pas vraiment connus pour leur défense d’Israël et des Juifs.
Depuis, le trentenaire, qui court les plateaux télé, a choisi son camp : il défend avec une étonnante ardeur la Palestine, la communauté musulmane… Et, comme sur les plateaux de CNews ou BFMTV, il n’a peur de rien. Il prend la pose, en jean et veste de survêtement, aux côtés de Mehdi Meklat, auteur de tweets racistes, antisémites et orduriers (dont le fameux « Qu’ils crèvent » à propos des journalistes de Charlie Hebdo), publie sur X une vidéo évoquant les « dragons célestes » (référence aux Juifs) ou refuse d’appeler au calme durant les émeutes consécutives à la mort de Nahel, en juillet dernier. « Je n’appelle pas au calme, j’appelle à la justice », dit-il, comme si l’un excluait l’autre.
L’une de ses déclarations les plus condamnables intervient loin de Paris ou de Roubaix. En novembre 2023, David Guiraud est à Tunis. Il participe à une conférence sur la Palestine aux côtés de Taha Bouhafs et Rima Hassan, tous deux équipés d’un keffieh. Le premier, dont il est très proche, a été condamné pour injures racistes ; la seconde est devenue, quelques mois plus tard, la figure de proue de la liste LFI aux européennes, qui a fait du combat pour Gaza son principal moteur. Affalé dans un fauteuil, Guiraud (qui s’excusera ensuite de son ton léger) évoque le « nettoyage ethnique » pratiqué, selon lui, par Israël à Gaza et nie le droit de l’État juif à se défendre. Il s’emballe ensuite. Le député LFI, qui se flatte de connaître sur le bout des doigts l’islam et ses courants, est moins à l’aise avec l’histoire de l’État hébreu. Ce qui ne l’empêche pas de l’accuser des pires horreurs. Guiraud prétend ainsi qu’Israël aurait, comme les hommes du Hamas, placé un « bébé dans un four » et « éventré » une maman dans les camps libanais de Sabra et Chatila, deux accusations fausses. Il reconnaîtra à peine ses erreurs.
Roubaix dans son viseur
David Guiraud est l’un des défenseurs les plus zélés des Palestiniens au sein des Insoumis parce qu’il a un intérêt personnel : le député de Roubaix vise la mairie de la cité du Nord en 2026. Or, dans la quatrième plus grande ville des Hauts-de-France par la population (près de 100 000 habitants), et l’une des plus pauvres de France, le vote musulman est majeur. Même le RN, qui y a pourtant été prospère, reflue depuis quelques années. Et le maire, le LR Guillaume Delbar, ne se représentera pas, affaibli par la maladie. « LFI a fait de Roubaix son principal objectif en 2026, confie un grand élu du Nord. C’est la seule grande ville du pays que le parti de Mélenchon peut prendre. Guiraud joue donc à fond la carte du communautarisme. »
Né en Seine-Saint-Denis, David Guiraud vise en 2022 la huitième circonscription du Nord, qui englobe Roubaix, pour les élections législatives. La transhumance ne lui semble pas un problème : « C’est une circonscription populaire, qui connaît les mêmes problématiques qu’en Seine-Saint-Denis. Il n’y a pas de grandes différences », observe-t-il au début de l’année 2022.
Il accompagne sa venue dans le Nord d’une jolie déclaration d’amour. Le 23 janvier 2022, un reportage de M6 dénonce l’emprise de l’islam radical à Roubaix. Des témoins entendus sur le sujet sont même placés sous protection policière. Guiraud s’en moque. Il prend fait et cause pour les religieux : « Un reportage de caniveau, insultant et malhonnête », dit-il en évoquant le travail des journalistes de M6. Une première pierre à sa candidature probable à la mairie de Roubaix. Toutefois, à l’avenir, il faudra que son micro fonctionne mieux que samedi dernier au dojo de la ville.
Par Michel Revol