Ancien héros de la guerre contre le Hamas, Yaïr Golan est nommé nouveau chef des travaillistes. Patriote, mais partisan d’une solution à deux Etats avec les Palestiniens, il a pour mission de sauver un parti menacé de disparaître.
Yaïr Golan s’est acquis une image de Rambo. A 62 ans, cet ancien général, ex-chef d’état-major adjoint, a de nouveau donné de sa personne, le 7 octobre, lorsque des commandos du Hamas ont semé la mort dans le sud d’Israël . Il a bondi dans sa voiture pour se précipiter sur le « front » et sauver plusieurs jeunes cachés dans des buissons, tétanisés par la peur, qui avaient assisté au festival de musique Nova attaqué par les islamistes près de la bande de Gaza. Cet acte de courage et ce coup d’éclat lui ont permis d’acquérir immédiatement une stature de héros national.
Cette popularité acquise sur le terrain lui a permis de remporter mardi haut la main les primaires du parti travailliste, avec plus de 95 % des votes des militants. Ce patriote se donne une nouvelle mission : incarner et, surtout, ressusciter un parti qui a très longtemps fait corps avec l’Etat avec des figures historiques tels que David Ben Gourion, le père fondateur d’Israël, Shimon Peres, Yitzhak Rabin ou encore Golda Meir. La tâche est loin d’être acquise.
Unifier la gauche
Selon les sondages, les travaillistes étaient menacés d’une très lourde sanction en cas d’élections anticipées. Quant au Meretz, un parti situé plus à gauche auquel a appartenu un moment Yaïr Golan, il n’a pas réussi – pour la première fois – à faire élire le moindre député lors des dernières élections fin 2022. Pour éviter une nouvelle déroute, « il faut impérativement unifier la gauche, présenter un parti de gouvernement, pas un parti de niche », a proclamé lors de son discours de victoire Yaïr Golan. Les travaillistes et le Meretz doivent donc nouer une alliance au sein d’une unique formation pour survivre.
« Nous allons déployer tous nos efforts pour faire tomber le gouvernement [de Benyamin Netanyahou, NDLR] et provoquer des élections anticipées », a-t-il annoncé. Mais ce mariage de raison entre les partis de gauche n’est pas encore acté. Si Yaïr Golan parvient à constituer ce front uni, la gauche pourrait obtenir 7 à 8 députés sur 120, tout en étant largement devancée par deux autres partis centristes d’opposition.
Déclarations scandales
Yaïr Golan espère créer une dynamique. Mais le personnage a un caractère rugueux, parfois même clivant. Il a ainsi perdu toute chance en 2016 de devenir chef d’état-major à la suite de déclarations ayant provoqué un énorme scandale. Lors d’une cérémonie à la mémoire des victimes de la Shoah au mur des Lamentations dans la vieille ville de Jérusalem, il n’a pas hésité à se déclarer « effrayé par un processus nauséabond au sein de la société israélienne » qui lui rappelait ce qui s’était passé en Allemagne « il y a 70, 80, 90 ans », à propos de la montée en force de l’extrême droite en Israël.
« Il n’y a rien de plus simple que de haïr l’étranger, rien de plus simple que de susciter la peur », avait-il lancé sous forme de mise en garde. A la suite de ces déclarations, la droite l’avait présenté comme un « traître ». Plus récemment, il a qualifié de « sous-hommes » les colons extrémistes israéliens auteurs de violences contre des civils palestiniens en Cisjordanie, avant de s’excuser en affirmant qu’il aurait dû les présenter comme de « misérables voyous ».
Deux Etats
Vis-à-vis des Palestiniens, la seule option selon lui passe par la solution de deux Etats, autrement dit la création d’un Etat palestinien au côté d’Israël. Une prise de position claire, qui va à contre-courant d’une grande partie de l’opinion publique israélienne, traumatisée par le Hamas et les sondages selon lesquels une très large majorité des Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza affirment soutenir les massacres commis par les islamistes le 7 octobre. Yaïr Golan n’en a cure.
Pour lui, la gauche israélienne doit assumer ses choix sans hésiter. « Vous ne pouvez pas avoir un Etat libre et démocratique tant que vous contrôlez un peuple qui ne veut pas être contrôlé par vous », a-t-il récemment souligné. Et d’ajouter : « Se séparer des Palestiniens est la seule voie possible. »
Pascal Brunel (Correspondant à Tel Aviv)