Fille de Moshe Dayan, héros militaire du pays, elle s’était affirmée comme romancière, députée engagée pour les droits LGBT et favorable à la création d’un Etat palestinien.
Yaël Dayan s’est éteinte mardi 14 mai à 85 ans, a annoncé le quotidien israélien Haaretz, précisant qu’elle souffrait depuis longtemps d’une grave maladie pulmonaire. L’ex-député travailliste n’aura donc pas assisté à la création de cet Etat palestinien qu’elle a longtemps appelé de ses vœux. Fille de Moshe Dayan, héros d’Israël reconnaissable à son cache-oeil noir – résultat d’une blessure alors qu’il combattait les forces de Vichy en Syrie sous l’uniforme britannique – elle avait hérité de ses traits fins, pommettes hautes et yeux en amande, et aussi la combativité. La où celle de Moshe Dayan s’exprimait dans la chose militaire – il fut un général auréolé de victoires avant d’être ministre de la Défense pendant la guerre des Six Jours, celle de Yaël était davantage tournée vers les sujets de société. Bien avant que cela ne devienne un combat majeur, elle s’est battue contre les violences faites aux femmes et pour les droits LGBTQ.
Elle a d’abord été romancière (comparée en Israël à Françoise Sagan après son premier livre) avant de s’engager en politique sur les traces de son père bien que celui-ci ait «trahi» le parti travailliste en rejoignant le Likoud à la fin des années 70 pour devenir ministre des Affaires étrangères de Menahem Begin, mais c’était uniquement pour signer les accords de paix avec l’Egypte, justifiera-t-elle. Député travailliste de 1992 à 2003, Yaël Dayan n’était pas du genre à haranguer les foules, mais elle n’hésitait pas à faire entendre sa voix quand cela était nécessaire, notamment durant la dernière Intifada où elle répondait volontiers aux interviews de la presse étrangère.
Haïe par la droite et l’extrême droite
Pacifiste, militant pour la création d’un Etat palestinien, elle a été le premier membre non arabe de la Knesset à rencontrer Yasser Arafat. Féministe, elle n’a jamais cessé de se battre pour les droits des minorités, accueillant à la Knesset gays et lesbiennes et prenant publiquement la défense de la chanteuse transexuelle Dana Internationale. Elle avait compris très tôt le danger que représentaient les religieux et les colons pour l’avenir d’Israël et n’hésitait pas à braver les interdits comme ce jour de Kippour – jour de repentance – où elle s’est montrée en maillot de bain sur une plage de Tel Aviv. Ses positions politiques et ses transgressions lui ont attiré la haine des partis de droite voire d’extrême droite. Un jour de 1996, elle s’est même fait asperger de thé bouillant par un extrémiste israélien lors d’une visite à Hébron. Après avoir quitté la Knesset, en 2003, elle s’est engagée au niveau local à Tel Aviv.
Yaël Dayan avait deux frères aînés, dont le réalisateur Assi Dayan, morts ces dernières années. Elle a eu dans sa jeunesse une vie agitée qui faisait la joie des rubriques people de la presse israélienne avant d’intégrer l’armée où elle a rencontré son futur mari, un officier du nom de Dov Sion qui deviendra porte-parole de Tsahal. Elle reconnaissait être très proche de son père, qui lui racontait sans filtre ses frasques sexuelles, rapporte le Haaretz («quand votre père vous confie de telles choses, vous avez l’impression que cela vous rapproche mais plus vous grandissez, plus vous réalisez à quel point c’est toxique», confiera-t-elle). Sa mère qui avait très vite demandé le divorce, chose difficile en Israël, est morte l’an dernier à 103 ans.
Yaël Dayan a lutté toute sa vie pour se faire un prénom, elle dont le nom était si chargé. Elle incarnait, elle et sa famille, une partie de l’histoire d’Israël. Outre son père, elle avait un oncle par alliance qui se nommait Ezer Weizman, président d’Israël de 1993 à 2000. Et elle laisse deux enfants, un fils et une fille mariée à Yishaï Sarid, le fils de l’ancien ministre Yossi Sarid.
par Alexandra Schwartzbrod