Alors que des étudiants protestent contre sa venue dans une université belge, l’historien israélien, qui appelle à la reconnaissance d’un Etat palestinien, réagit aux manifestations de soutien à Gaza et analyse l’évolution de la guerre.
Historien, fondateur du Musée de l’Europe à Bruxelles, ancien ambassadeur d’Israël en France, Elie Barnavi est une des personnalités israéliennes qui plaident avec le plus de vigueur pour la création d’un Etat palestinien. Le 9 mai dans Libération, il signait une tribune enjoignant les dirigeants du monde à «reconnaître, dès maintenant, l’Etat de Palestine». Ces derniers jours, il a appris qu’il n’était plus le bienvenu à l’Université libre de Belgique, où il doit participer à une conférence le 3 juin. Nous l’avons joint à Tel-Aviv.
Vous êtes vraiment persona non grata à l’Université libre de Belgique ?
En fait, ce n’est pas l’université qui est à la manœuvre, ce sont les étudiants qui ont demandé l’annulation de ma venue. La rectrice, Annemie Schaus, a confirmé l’invitation de façon très ferme. Les étudiants ont exigé aussi que l’ULB coupe les ponts avec mon alma mater, l’université de Tel-Aviv, et je crois savoir que l’organisme qui regroupe les recteurs francophones de Belgique s’est prononcé en ce sens. L’université de Tel-Aviv est une très grande institution, un bastion libéral. Cela n’a pas de sens ! Se rend-on seulement compte que ce genre de décision est un magnifique cadeau pour Nétanyahou, une preuve de plus pour lui que nous sommes seuls contre tous, droite et gauche réunies face à une meute d’antisémites ? Tout cela est consternant de bêtise et d’ignorance.
Quel regard portez-vous sur les manifs étudiantes en France ?
Cela se passe un peu mieux, me semble-t-il. A la différence de la Belgique, vous avez encore un Etat. Mais ce qui se passe à Sciences-Po n’est pas reluisant non plus. Ces jeunes qui se mettent un keffieh autour du cou et s’imaginent servir la cause palestinienne à coups de slogans anti-israéliens, c’est affligeant. Détail amusant : j’ai enseigné trois ans durant à l’université Al-Quds, à Jérusalem, et c’était un plaisir de dialoguer avec les étudiants palestiniens. Je leur enseignais l’histoire de l’Europe, mais nous parlions aussi beaucoup de la situation politique en Israël et en Palestine. Nous n’étions pas d’accord sur tout, mais il n’y a jamais eu le moindre problème. Que savent ces jeunes de Paris ou d’ailleurs des souffrances des peuples, des racines de leur conflit, des solutions possibles ? Rien. Et c’est fort commode. Pourquoi se compliquer l’existence avec des nuances, alors que choisir son camp et diaboliser l’autre est tellement simple et satisfaisant ?
Vous venez d’appeler, dans le Monde et dans Libération, à la reconnaissance d’un Etat palestinien. Avez-vous eu des réactions ?
Oui, énormément, et toutes positives. Il reste, excusez du peu, à passer à l’acte. Franchement, j’ai du mal à comprendre où est le problème. Puisque tout le monde trouve que la création d’un Etat palestinien est la seule solution envisageable, comment ne voit-on pas l’avantage symbolique et diplomatique qu’aurait la reconnaissance immédiate de cet Etat ? Cela ne plairait pas au gouvernement de Nétanyahou ? Mais tant mieux !
Vous croyez qu’une trêve reste possible ?
Franchement, je n’en sais rien. J’ai cru à un moment qu’on était tout près d’un accord. Le problème, c’est que ni Yahya Sinwar ni Benyamin Nétanyahou n’ont intérêt à ce que la guerre s’arrête. Le premier a besoin des otages pour se protéger et le second de la guerre pour rester au pouvoir.
Pourquoi les Israéliens ne manifestent-ils pas plus amplement contre Nétanyahou, comme ils l’avaient fait contre sa réforme judiciaire ?
Il y a des manifestations, quotidiennes, mais pas suffisamment massives. Tant que la guerre continue, il est difficile de faire descendre les gens dans la rue. Et puis, les familles des otages ne sont pas forcément d’accord entre elles. Il n’y a pas que des gens de gauche et de centre gauche parmi les otages. C’est pour cela qu’on n’atteint pas encore la masse critique nécessaire à faire tomber le gouvernement. Mais il finira par tomber. Nétanyahou titube au bord du précipice, et c’est pour cela qu’il prolonge la guerre, tout en orchestrant un affrontement avec les Etats-Unis. Mais il sait que les clés se trouvent à Washington. Biden, exaspéré, commence à les faire tinter.
Il n’y a donc aucun espoir possible ?
Si, il y a toujours une voie de sortie. La situation est si volatile que tout peut arriver. La guerre telle qu’elle a lieu aujourd’hui ne pourra pas durer très longtemps. L’armée dit qu’elle est à Rafah mais elle n’y est pas, et elle n’ira probablement pas dans la ville elle-même. Tout cela est très confus, intentionnellement.
N’y a-t-il pas un risque qu’Israël reprenne le contrôle total de Gaza ?
Non, je ne le pense pas. Les Américains ne le veulent pas, l’armée israélienne non plus. En fait, nous sommes coincés dans une espèce d’entre-deux d’où le gouvernement est incapable de nous extraire. Or, Israël est en train de perdre cette guerre. Aucun de ses objectifs déclarés n’a été atteint. Pis, partout où Tsahal n’est plus, et il n’est plus nulle part sauf dans le centre de la bande et, précisément, dans les environs de Rafah, le Hamas est en train de se refaire une santé. C’est le prix du refus obstiné d’arrêter une stratégie politique de sortie de guerre. Quand vous n’avez pas de stratégie, vous êtes condamné à tourner en rond.
Quel est le futur possible de Gaza alors ?
Les Américains ont un plan assez complexe, qui intègre le local, le régional et l’international, mais il est fondé sur une composante palestinienne dont Nétanyahou ne veut pas entendre parler. Pour l’instant, il peaufine une excuse : comme les Américains ne veulent pas que les Israéliens entrent dans Rafah, il pourra dire que Biden l’a empêché d’offrir au peuple d’Israël la «victoire totale» qu’il lui avait promise.
Vous ne craignez pas qu’il parvienne à s’accrocher au pouvoir ?
Non, dès que la guerre va s’arrêter, peut-être même avant, sa coalition se désintégrera. Nétanyahou est pris dans une toile de contradictions insurmontables à la longue. Le «magicien» est en train de tester ses limites.
par Alexandra Schwartzbrod
M. Barnavi se trompe complètement
Il est dans le rêve. Et prends ses désirs pour de la réalité.
Il devrait lire M. Benssoussan