Israël commémore ce lundi la journée du souvenir des victimes de la Shoah. Cette année, les cérémonies se déroulent à l’ombre des massacres commis par le Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël.
Le plus grand massacre de juifs depuis la « solution finale » organisée par les nazis : cette année, les tueries commises par le Hamas le 7 octobre seront dans l’esprit de la plupart des Israéliens lors des commémorations, ce lundi, de la mémoire des six millions de victimes de la Shoah.
L’onde de choc a été d’autant plus fracassante que l’Etat d’Israël a été créé pour qu’une tentative de génocide, et des pogromes, ne puissent plus se reproduire. Or c’est précisément ce qui s’est passé lorsque des commandos islamistes ont semé la mort en tuant près de 1.200 victimes et en prenant 253 otages dans des localités du sud d’Israël.
Pour leur rendre hommage, des rescapés de la tuerie qui s’est produite notamment lors d’une rave party près de la bande de Gaza, ont décidé de participer à titre symbolique depuis dimanche à la « marche des vivants » en Hongrie et en Pologne, notamment à Auschwitz avec de jeunes Israéliens et 55 survivants des camps d’extermination nazis. Parmi ces derniers, sept ont vécu un deuxième traumatisme avec la sanglante infiltration du Hamas.
L’obsession des otages
Lundi à 10 heures, tout Israël va se figer comme chaque année dans les rues, les lieux de travail, à la maison, au son de lugubres sirènes, pendant deux minutes. Cette fois-ci, la plupart des Israéliens ne pourront pas ne pas penser au sort tragique des 133 otages encore détenus par le Hamas.
Les négociations sur leur libération avec le Hamas, qui traînent en longueur, sont devenues une obsession pour la plupart des Israéliens. Une majorité de la population considère qu’il s’agit de la priorité des priorités, avant même d’éradiquer le pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza.
« Les commémorations cette année nous remémorent ce qu’il s’est passé le 7 octobre », confirme le porte-parole de Yad Vashem, le mémorial de l’Holocauste à Jérusalem. Selon le programme initialement prévu, les cérémonies devaient être centrées cette année notamment sur les 550.000 juifs hongrois déportés pour la plupart à Auschwitz à la fin de 1944.
Barbarie et sadisme
Malgré la sidération provoquée par le 7 octobre, Dani Dayan, le directeur de ce mémorial, se refuse à établir une « comparaison simpliste, quand bien même il y a eu des intentions génocidaires, du sadisme et de la barbarie de la part du Hamas ». « La grande différence est que le peuple juif dispose aujourd’hui d’une armée qui peut nous défendre et faire payer le prix aux ennemis qui nous attaquent », a-t-il ajouté.
Pour bien faire passer ce message, Dani Dayan avait critiqué vertement à la fin de l’an dernier l’initiative de l’ambassadeur d’Israël à l’ONU Gilad Erdan, qui avait cru bon d’arborer, lors de réunions onusiennes, une étoile de David jaune comme celle que portaient les juifs dans les pays occupés par les nazis, afin de dénoncer les crimes commis par le Hamas.
Ghetto
Haïm Raanan, survivant de la Shoah, qui a de nouveau échappé de justesse à la mort le 7 octobre dans le kibboutz Be’eri situé à proximité de la bande de Gaza, refuse lui aussi d’établir ce parallèle. « Ce sont deux événements totalement différents que l’on ne peut pas comparer », estime-t-il. Il a survécu à l’âge de dix ans dans le ghetto de Budapest.
A Be’eri, il y est parvenu une nouvelle fois en se cachant avec son petit-fils de neuf ans alors que les islamistes semaient la mort tout autour d’eux. Plus de 130 habitants, bébés, enfants, femmes, personnes âgées du kibboutz ont été tués, des dizaines de maisons incendiées au point que Be’eri est devenu le symbole de l’horreur.
«Il faudra bien arriver à la paix»
Haïm Raanan admet toutefois qu’il ne pouvait pas « imaginer que 80 ans après ce que j’ai vécu dans ma jeunesse, j’allais revivre un tel traumatisme et devoir me cacher pour sauver ma vie ». « J’ai eu de la chance que les terroristes n’arrivent pas jusqu’à ma maison », ajoute-t-il. Malgré tout, il se déclare « optimiste ».
« Avec les Palestiniens, je continue à croire que la guerre n’est pas la solution, il faudra bien arriver en fin de compte à la paix grâce à des accords ». Si l’on en croit les sondages, l’opinion modérée de ce vieil homme de Be’eri, où les partisans du « camp de la paix » étaient nombreux avant le 7 octobre, reste pour le moment minoritaire parmi les Israéliens.
Par Pascal Brunel