Dix-neuf ans après la création du Mur des noms, le Mémorial de la Shoah à Paris inaugure ce dimanche 28 avril une stèle interactive, destinée à rendre hommage aux 4 000 juifs non déportés mais assassinés pendant la Seconde Guerre mondiale.
Depuis 2005, les descendants des victimes de la Shoah viennent se recueillir nombreux devant le Mur des noms qui, à l’entrée du Mémorial, liste les 76 000 juifs déportés de France. « Cela représente pour eux la pierre tombale qui n’a jamais existé. C’est devenu un monument dans le monument », souligne Jacques Fredj, le directeur du Mémorial. Certaines familles déploraient cependant de ne pas y trouver le nom des leurs assassinés pendant la guerre mais en dehors des centres d’extermination mis en place dans le cadre de la « solution finale ».
Un public nombreux au @Shoah_Memorial pour l’inauguration du nouveau monument numérique en mémoire aux plus de 4000 Juifs fusillés, resistants, déportés dans des camps de concentration ou des camps d’internement français. 4000 noms qui s’ajoutent aux 76 000 du Mur des noms. pic.twitter.com/aSulNYiZjo
— Fondation pour la Mémoire de la Shoah (@Fondation_Shoah) April 28, 2024
Certains ont trouvé la mort dans les camps d’internement français, comme Gurs, Beaune-la-Rolande et Drancy, où le manque d’hygiène et de nourriture a très rapidement emporté les personnes âgées et les enfants. D’autres se sont suicidés, notamment lors de l’arrestation d’un proche. D’autres encore furent exécutés au moment des combats pour la Libération de la France, comme lors des massacres des puits de Guerry perpétrés par la milice française dans le Cher en 1944.
«Dans une même famille, vous pouviez avoir des itinéraires très différents. Nos recherches ont permis de constituer un corpus de 4000 noms», explique Jacques Fredj, qui a inauguré dimanche 28 avril un monument numérique destiné à leur rendre hommage (1). La stèle interactive dévoile le nom, le prénom, quelques informations biographiques et parfois le visage de la victime. Un dispositif sobre, appelé à s’enrichir au fil du temps et de la mobilisation des familles.
« C’est tout ce qui lui restera de son père, avec quelques photos »
Pour Lionel Libermann, dont le grand-père Paul a été fusillé au mont Valérien le 20 mai 1942, cette présence virtuelle constitue une « reconnaissance importante », un moyen d’« ouvrir cette histoire familiale à un large public ». Il regrette que son père Marcel, décédé en décembre, n’ait pu « voir ça ».
Juif originaire de Varsovie débarqué de Pologne dans les années 1920, Paul Libermann était vendeur de casquettes dans le 20e arrondissement de Paris lorsqu’il fut arrêté en 1941 et envoyé à Drancy. « Avait-il des activités communistes ou liées à la Résistance ? On ne saura jamais », déplore Lionel. Marcel, alors âgé de 9 ans, a passé de nombreux dimanches à tenter d’apercevoir son père à travers les barreaux du camp. En vain.
Transféré à la prison de Fresnes en 1942, Paul Libermann a fait partie des cinq otages exécutés en représailles de deux attentats commis par des résistants. Juste avant sa mort, il a écrit une lettre poignante à sa femme et à son fils, implorant ce dernier de bien s’occuper de sa grand-mère et de s’instruire. « C’est tout ce qui lui restera de son père, avec quelques photos », confie avec émotion Lionel. Avec ses deux sœurs, ce dernier entend désormais faire restaurer le document pour le confier au centre d’archives du Mémorial. Un dernier geste en mémoire de ce grand-père disparu à seulement 33 ans.
(1) Il est possible de suivre la cérémonie en direct, à 14 heures, ou en différé depuis la page Facebook et la chaîne YouTube du Mémorial.