Le conflit au Proche-Orient a également des conséquences dans les universités françaises. La montée du nombre d’actes et de propos antisémites a fini par alerter les dirigeants d’universités.
Rachel. Le prénom a été modifié. 22 ans, étudiante en deuxième année de licence de lettres, a quitté Israël il y a quelques années pour deux raisons. D’abord, elle ne souhaitait pas faire son service militaire. Ensuite, elle était opposée à la politique menée par Benjamin Netanyahu. Le 7 octobre, la guerre l’a rattrapé sur son campus à Paris. Le jour de l’attaque, elle reçoit des messages provenant d’autres étudiants.
« Ils trouvaient que le Hamas n’avait pas tort de faire ce qu’il faisait, que ma famille et moi étions des colonisateurs, que c’était mérité ce qu’il se passait »
« Des gens avec qui parfois je buvais des verres après les cours. On ne parlait pas politique, juste individuellement, comme une personne qui a perdu des proches. J’ai de la peine à cause de ça. On me disait « c’est indécent ». Et même si on parlait juste d’histoires qu’on avait entendues de la bouche même de ceux qui les avaient vécues, on me disait « tu fais de la propagande«
« En classe de TD, j’arrive en cours devant le prof, devant les autres élèves, une fille voit mes boucles d’oreille, elle me dit : « Tu les as achetées où tes boucles d’oreille ? Tu dois avoir de l’argent parce que t’es juive » devant tout le monde. Même chose, à la cafétéria, devant tout le monde. Des étudiants qui discutent, qui parlent, des juifs, des sionistes qui contrôlent les médias, qu’on voit trop les juifs à la télé. Il cite plein de philosophes, d’écrivains juifs qu’on voit. Ils critiquent, mais juste parce qu’ils sont juifs. Et quand je fais remarquer que je n’apprécie pas la discussion parce que je suis juive, en fait, ils me disent : « Non mais t’inquiète pas, toi t’es discrète, toi tu as des bonnes opinions, il faudrait plus de juives comme toi il y aurait moins d’antisémites«
« Ce qui m’effraie le plus, ce n’est pas tant l’idée que les gens deviennent antisémites, mais plutôt le fait qu’ils l’étaient déjà. Ils se permettent de l’exprimer ouvertement »
Jules Spector, 22 ans, en droit à Nanterre, préfère tout simplement éviter d’aborder le sujet du conflit israélo palestinien avec les autres étudiants : « je me suis fait traiter d’ordure sioniste, je me suis fait traiter de mauvais juif, de traître et de traître à Israël. Je ne suis pas israélien«
Est ce que vous avez senti que le faites de dire publiquement que vous étiez juif devenait un problème?
« Oui, dans le sens où je ne dis pas juste après le fait d’être juif et je suis contre Nétanyahou, mais j’estime ne pas avoir à donner de gages. Très clairement. Il y a une chasse aux sorcières des deux côtés sur les groupes WhatsApp de la licence de droit. Il y a une chasse aux sorcières de l’horrible sioniste qui soutient Israël pour peu qu’il parle des otages et il y a la chasse aux sorcières du soutien du Hamas, pour peu qu’il parle des bombardements.«
Un antisémitisme qui ne concerne ni un lieu ni une catégorie. Valérie Bouzar est professeur de sociologie à Nanterre depuis le 7 octobre, quelque chose de profond a changé pour l’enseignante :
« J’ai senti dès le départ que je ne pourrais plus avoir le même discours, le même dialogue avec mes étudiants. Certains sujets ne pouvaient plus être abordés. Et là, vous vous dites en tant qu’enseignant, je suis sur une corde raide. J’évoquais la question du viol comme arme de guerre le dernier exemple en date, était ce qui s’était passé en Israël. J’ai juste dit ça et effectivement, l’amphi s’est figé avec des regards que j’ai qualifié moi même de regards de haine. Et J’ai eu d’autres témoignages de ces situations. C’est assez désagréable en tant qu’enseignant, parce que vous préféreriez le débat ? »
La sociologue a donc décidé de mener une étude sur cet antisémitisme pour analyser, comprendre et peut être déjouer ce qui s’est installé à bas bruit à l’université.