Lundi 18 mars 2024 : l’auteur, compositeur et rappeur, MC Solaar. Après sept ans sans album, il vient de publier le premier volet de « Triptyque : Lueurs célestes ».
En 1990, Claude MC ou MC Solaar est né en tant qu’artiste rappeur à une époque où ce style était peu populaire. Bouge de là, son premier single va faire l’effet d’une bombe et inonder les ondes. Le tube sera suivi par Caroline ou encore Qui sème le vent, récolte le tempo. Aujourd’hui, MC Solaar est de retour avec Triptyque : Lueurs célestes, un projet qui comprendra trois disques de sept titres.
franceinfo : Avec votre flow est unique, vous jonglez comme un circassien avec les mots. Est-ce que les mots vous ont sauvé ?
MC Solaar : Oui, je peux dire qu’ils m’ont sauvé. Je me rappelle que quand il fallait choisir ce qu’on allait faire plus tard, j’avais quelques choix, je voulais être journaliste, boulanger, footballeur… Et puis il y a ces mots qui sont arrivés, le rap, le hip-hop. J’ai commencé à prendre un stylo. Et quand je vois 20 ou 30 ans plus tard que mon arme, c’était un stylo et que je trouve que la vie est quand même belle, eh bien je peux dire que les 26 lettres m’ont sauvé !
Dès vos premiers titres, notamment, Bouge de là, vous avez été totalement adopté. Ça a permis d’offrir, même dans les cités, une note d’espoir. Ça vous touche ?
Oui, ça m’a extrêmement touché. À l’époque, je voyais souvent des gens qui balayaient la rue et quand ils me voyaient, ben ils voulaient dire à leurs enfants : « Il y a quelqu’un comme vous, qui mesure 1,78 m et que j’aime bien, essayez de suivre son truc ! » C’est vrai que je racontais aussi qu’il fallait avoir le bac, travailler un peu. Et un parent il est obligé de dire : « Essaye de faire comme lui« , mais en fait c’est se libérer, d’étudier un peu ou d’être équilibré.
Dans On court, vous chantez : « Je crois que je vais vous dire la vérité, parler avec sincérité, j’étais perdu dans la cité, dans les ténèbres, l’obscurité« . On ressent les yeux d’enfants qui n’ont pas changé finalement.
Effectivement, je crois que j’aurais pu l’écrire avant. Ce texte est destiné à des jeunes, ce sont des conseils pour ne pas qu’ils se brûlent à droite et à gauche. Oui, je me livre, je me suis placé comme un Indien, je raconte mon vécu, les endroits où il ne faut pas aller. Le but c’est de terminer avec de la lumière. Mon flow, j’appelle ça le flow iroquois parce que je lance comme si c’étaient des flèches qui partaient d’un carquois. Ce que je raconte, c’est un peu une peinture abstraite. Elle n’est pas figurative, mais il y a des choses qui arrivent et qui sont des bons conseils de vie pour moi. C’est comme un soleil qui bronze. J’espère que ça va tanner la peau des gens sans qu’ils s’en rendent compte. Et quand ils seront adultes, ils auront le teint hâlé.
Il y a une forme d’apaisement aussi, même si vous avez toujours été très tendre, très doux avec ces nuances. On n’est plus dans l’époque de Prose combat.
Quand on écrivait à l’époque, on avait des références des Américains qui sortaient de la lutte pour les droits civiques et donc leur rap, c’était pour faire changer la société. Puis on est arrivés jusqu’à Obama. Il y a plein de choses qui changent et le rap américain change. Ce sont d’autres problématiques. Ici, nous, quand on commençait à écrire, il y avait encore l’Apartheid, on commençait à danser un peu et c’est vrai qu’il n’y a pas les mêmes enjeux. Par contre, si dans l’avenir il y a des enjeux de société, peut-être que des jeunes dans leur coin, en Savoie, en Seine-Saint-Denis ou n’importe où, vont peut-être prendre le stylo en disant : « Il y a telle chose qui devrait évoluer« .
Je voudrais qu’on aborde la surprise du chef. Pour la première fois, vous chantez sur cet album, c’est incroyable. Avec Carpe Diem, vous êtes-vous découvert vous-même en chantant ?
Ah, je l’aime bien quand je l’écoute. En fait, je l’ai composée avec quelqu’un qui n’est pas du tout comme ça mais qui m’a proposé ce genre de musique qui était un peu aérienne. Puis quand je l’ai réécouté un peu plus tard, je me suis dit : » Mais c’est super ! » Bon, je ne suis pas Céline Dion, mais je me suis lâché naturellement. En fait, j’aime bien cette chanson parce qu’elle parle simplement. Il n’y a pas trop de mots démonstratifs. Avec ‘Carpe Diem’, certains vont se dire : ‘Punaise, qu’est-ce qu’il chante bien’ et d’autres : Qu’est-ce qu’il chante mal’, mais moi en tout cas, ça me fait du bien. C’est spontané, naturel. »
Alors, c’est quoi la suite ? Là, il y a le premier, il en manque deux. Quand vont-ils arriver ?
Dans pas longtemps. On va essayer de faire comme le cycle des saisons. Dans quelques mois, il y aura une suite, à peu près dans trois mois, peut-être avant.
Mais il y a quatre saisons et vous, trois disques, il manque une saison !
Il y en aura peut-être un quatrième, parce que chaque fois que je rentre de concert, je n’hésite pas à aller faire un tour dans un studio le jour même.